AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Analyse coût-avantage

L'analyse coût-avantage aussi connue comme analyse coût-bénéfice (anglicisme) est un terme qui renvoie tout à la fois à :

  • une mĂ©thode formelle que l'on utilise pour aider Ă  estimer ou Ă©valuer le dossier montĂ© pour un projet ou une proposition, ce dossier Ă©tant lui-mĂȘme une « estimation de projet » ;
  • une approche informelle pour prendre une dĂ©cision, quelle qu'elle soit.

Les deux définitions impliquent, explicitement ou pas, de peser le total des coûts attendus face au total des bénéfices escomptés d'une ou de plusieurs actions, afin de déterminer quelle action est la meilleure ou la plus rentable. Cet outil est connu sous l'abréviation ACB, en anglais CBA.

Proches de l'ACB, mais légÚrement différentes, les techniques formelles comprennent une analyse rapport qualité-prix et une analyse mesurant la rentabilité des bénéfices.

À noter qu'« analyse coĂ»t bĂ©nĂ©fice » est un anglicisme. En français, le terme exact est « analyse coĂ»t avantage »[1].

Théorie

Fondement théorique

Soit la fonction d’utilitĂ© sociale :

oĂč est la fonction d’utilitĂ© de l’individu et le nombre d’individus dans la sociĂ©tĂ©.

Une variation marginale de l’utilitĂ© sociale sera :

oĂč est la quantitĂ© du bien consommĂ©e par l’individu et est le nombre de biens.

D’autre part, la thĂ©orie du consommateur implique qu’en Ă©quilibre l’utilitĂ© marginale d’un bien, divisĂ©e par son prix () donne les mĂȘmes valeurs pour tous les biens et ceci correspond Ă  l’utilitĂ© marginale du revenu () :

oĂč est le revenu de l’individu .

On peut alors écrire :

Si la distribution des revenus est optimale alors est la mĂȘme pour tous les individus. En dĂ©signant par cette constante, on obtient :

oĂč est la variation de la consommation globale. On peut calculer la somme de ces variations en termes constants (avec un signe positif pour les valeurs positives et un signe nĂ©gatif pour les coĂ»ts). On a ainsi un critĂšre pour juger des domaines, en particulier les projets publics, oĂč l’étalon du profit ne peut ou ne doit pas ĂȘtre utilisĂ©.

Taux d’actualisation et effets moins tangibles

Le processus implique le calcul des dĂ©penses initiales et en cours par rapport au rendement escomptĂ©. Il est souvent trĂšs difficile de construire des mesures plausibles des coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices d'actions spĂ©cifiques. En pratique, les analystes essaient d'estimer les coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices soit en faisant une Ă©tude, soit en traçant les interfĂ©rences avec l'Ă©volution du marchĂ©. Par exemple, un manager produit peut comparer des dĂ©penses de fabrication et de marketing aux projections de ventes d'un produit donnĂ©, et prendre la dĂ©cision de produire seulement s'il espĂšre un profit qui sera suffisant pour recouper les coĂ»ts au bout du compte. L'analyse coĂ»t-bĂ©nĂ©fice tente de mettre les coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices sur un mĂȘme niveau. On choisit un taux d'actualisation, qui sert ensuite Ă  estimer tous les coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices futurs en les rapportant Ă  la valeur actuelle. Le taux d'actualisation utilisĂ© pour les calculs de valeur actuelle est simplement un taux d'intĂ©rĂȘt pris aux marchĂ©s financiers (R.H. Frank 2000).

Lors de l'analyse Coût-Bénéfice, on peut aussi assigner des valeurs monétaires à des effets moins tangibles comme les divers risques qui pourraient contribuer à l'échec total ou partiel du projet : perte de réputation, pénétration du marché, alignements stratégiques de l'entreprise sur le long terme, etc. Ceci est notamment vrai quand les gouvernements utilisent cette technique, par exemple, pour décider s'il faut introduire une législation financiÚre, construire une nouvelle route ou offrir un nouveau médicament pour sa politique de sécurité sociale. Dans ce cas, on doit mettre l'accent sur la vie humaine ou l'environnement naturel, quitte à provoquer une polémique importante. Selon le principe du coût-bénéfice, par exemple, on devrait installer un garde-fou sur une dangereuse route de montagne à condition que le coût en euros d'une telle entreprise soit moins important que le coût implicite en euros des blessés, des morts et des dommages matériels que l'on veut éviter.

Les calculs de coût-bénéfice impliquent toujours d'utiliser la notion de valeur de l'argent dans le temps. On le fait souvent en convertissant les coûts et bénéfices futurs escomptés en une somme alignée sur la valeur actuelle.

Mise en application

On utilise principalement, mais pas exclusivement, l'analyse coĂ»t-bĂ©nĂ©fice pour Ă©valuer la valeur de l'argent rapportĂ© par des projets importants, dans les secteurs privĂ© et public. Car ce type de projets tend Ă  inclure des coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices qui sont moins Ă  mĂȘme d'ĂȘtre exprimĂ©s en termes financiers ou monĂ©taires (dommage environnemental par exemple) ainsi que d'autres qui peuvent eux ĂȘtre exprimĂ©s en termes monĂ©taires, les organisations du secteur privĂ© ont tendance Ă  utiliser davantage d'autres techniques d'Ă©valuation de projets, comme le taux de rendement, Ă  chaque fois que c'est possible.

L'utilisation de l'analyse coĂ»t-bĂ©nĂ©fice diffĂšre d'un pays Ă  l'autre et diffĂšre aussi d'un secteur Ă  l'autre (transport, santĂ©) au sein du mĂȘme pays. Pour citer quelques-unes diffĂ©rences principales, on trouve certains impacts compris comme des coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices lors des Ă©valuations; l'expression plus ou moins frĂ©quente de ces impacts en termes monĂ©taires, et les diffĂ©rences entre pays concernant le taux d'actualisation.

Transport

C'est dans le secteur des transports que l'on a la mise en application la plus sophistiquée de l'analyse coût-bénéfice.

Royaume-Uni

Dans les annĂ©es 1950 et 1960, on appliquait les techniques de coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices Ă  l'essor du rĂ©seau autoroutier. Une application plus ancienne et Ă©galement plus connue de ces techniques est celle de la ligne Victoria du mĂ©tro londonien. Les 40 derniĂšres annĂ©es ont vu le dĂ©veloppement graduel des techniques coĂ»t-bĂ©nĂ©fice, Ă  tel point qu'il existe aujourd'hui des mĂ©thodes pointues sur la maniĂšre d'Ă©valuer les projets de transport au Royaume-Uni. En 1998, le MinistĂšre des Transports, de l'Environnement et des RĂ©gions a introduit la Nouvelle mĂ©thode d'Ă©valuation (NATA en anglais). Cela a permis de conjuguer Ă  la fois les rĂ©sultats en matiĂšre de coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices et ceux liĂ©s Ă  l'Ă©valuation des impacts sur l'environnement, et de les Ă©quilibrer. On a d'abord appliquĂ© la NATA aux questions touchant aux routes nationales, dans la Roads Review de 1998, mais peu Ă  peu on a gĂ©nĂ©ralisĂ© son emploi Ă  tous les modes de transport. La NATA est aujourd'hui la pierre angulaire de l'Ă©valuation des transports au Royaume-Uni. Le MinistĂšre des Transports se charge d'entretenir et dĂ©velopper cette mĂ©thode. Depuis la mise en place de ces techniques d'analyse, peu de projets majeurs d'infrastructures ont pu ĂȘtre rĂ©alisĂ©s faute de rĂ©sultats probants aux tests. Grand nombre de projets de tramway pourtant apportant de nombreux avantages sociĂ©taux ont Ă©tĂ© rejetĂ©s.

Union européenne

Le projet HEATCO de l'Union européenne vise à l'harmonisation des approches européennes en matiÚre de coûts de fret et d'évaluation de projet. Il fait partie du 6e Programme-cadre. HEATCO a inspecté les méthodes d'évaluation des transports des différents pays membres de l'Union européenne et a conclu à l'existence de différences significatives entre les pays. L'objectif d'HEATCO est de développer des lignes de conduites pour harmoniser la pratique de l'évaluation des transports au sein de l'UE. heatco.ier.uni-stuttgart.de

États-Unis

La plupart des travaux universitaires concernant l'analyse coĂ»t-bĂ©nĂ©fice est le rĂ©sultat des problĂšmes auxquels a dĂ» faire face le gĂ©nie civil de l'armĂ©e amĂ©ricaine, lorsqu'il s'est confrontĂ© Ă  l'Ă©pineuse question: comment et oĂč construire des ponts pour soutenir les opĂ©rations militaires. L'analyse coĂ»t-bĂ©nĂ©fice est aujourd'hui une discipline enseignĂ©e et reconnue aux États-Unis. Le ministĂšre des Transports en Californie fournit une aide dĂ©taillĂ©e concernant la maniĂšre d'appliquer l'analyse coĂ»t-bĂ©nĂ©fice aux projets de transport.

ProblĂšmes d'exactitude

L'exactitude des résultats d'une analyse coût-bénéfice dépend de l'exactitude avec laquelle l'estimation des coûts et bénéfices a été faite.

Une revue d'experts[2]dans le domaine de l'exactitude des estimations de coûts dans la planification des infrastructures de transport ont démontré que les coûts réels se sont avérés en moyenne 44,7 % supérieurs aux coûts estimés pour les projets de transport ferroviaire, et 20,4 % supérieurs dans les projets routiers.

En ce qui concerne les bénéfices, une autre revue d'experts[3] a remarqué que le nombre d'usagers réels des transports ferroviaires était en moyenne inférieur de 51,4 % par rapport au nombre d'usagers estimés. Pour la moitié de l'ensemble des projets routiers, la fréquentation estimée était faussée de plus de 20 % .

Des Ă©tudes comparatives indiquent que de telles inexactitudes se retrouvent dans d'autres domaines que celui des transports. Ces Ă©tudes prouvent qu'il faut traiter les rĂ©sultats des analyses coĂ»t-bĂ©nĂ©fice avec prudence, car ils peuvent se rĂ©vĂ©ler trĂšs trompeurs. En fait, on pourrait dire des analyses coĂ»t-bĂ©nĂ©fice inexactes qu'elles reprĂ©sentent un risque substantiel dans la planification, car des inexactitudes de cette ampleur peuvent conduire Ă  des dĂ©cisions totalement inefficaces, comme Pareto, puis plus tard Kaldor et Hicks l’ont dĂ©montrĂ© dans leurs travaux sur l’optimalitĂ©[4].

Ces résultats (qui sous-estiment presque toujours les données, « à moins d'ignorer les nouvelles approches significatives ») ne doivent pas nous surprendre, puisque de telles estimations :

  1. s’appuient beaucoup sur le passĂ©, notamment d'anciens projets. Or ils sont souvent bien diffĂ©rents par leur fonction ou leur ampleur, notamment parce qu'on commence par les projets les plus faciles (donc les moins coĂ»teux) et les plus utiles (donc rentables) ;
  2. s’appuient beaucoup sur les membres du projet pour identifier (« se souvenir » des expĂ©riences collectives) les inducteurs de coĂ»t Ă  retenir ;
  3. estiment souvent « à vue de nez » le coût monétaire des éléments intangibles ;
  4. sont incapables de dissiper complĂštement les frĂ©quents parti-pris (conscients ou non) des membres de l'Ă©quipe, qui ont souvent un intĂ©rĂȘt particulier Ă  prendre la dĂ©cision d'aller de l'avant, outre la tendance psychologique naturelle de « se montrer optimiste ».

Un autre dĂ©fi que doit relever l'analyse coĂ»t-bĂ©nĂ©fice revient Ă  dĂ©terminer quels coĂ»ts on doit inclure dans une analyse (les inducteurs de coĂ»ts significatifs). C'est un point souvent controversĂ©, puisque certaines organisations ou certains groupes d'intĂ©rĂȘts peuvent penser qu'il faut inclure ou bien rejeter certains coĂ»ts dans une Ă©tude.

Ainsi par exemple, lorsque la sociĂ©tĂ© Ford a procĂ©dĂ© Ă  une ACB aprĂšs avoir dĂ©couvert un problĂšme posĂ© par son modĂšle Pinto (la moindre collision par l’arriĂšre pouvait lui faire prendre feu), elle a estimĂ©, vu le nombre de voitures en circulation et le taux probable d’accidents, qu’elle devait s’attendre Ă  perdre 49,5 millions de $ en rĂ©parations financiĂšres aux victimes pour cette faute de conception, alors que le rappel des vĂ©hicules lui coĂ»terait 137,5 millions de $[5]. Il s’est avĂ©rĂ© que ce calcul nĂ©gligeait les coĂ»ts d’une publicitĂ© nĂ©gative, qui se sont pourtant rĂ©vĂ©lĂ©s relativement importants, puisque cela a conduit de toute façon au rappel des modĂšles et Ă  des pertes non nĂ©gligeables dans les chiffres de vente.

Notes et références

  1. Voir notamment ici.
  2. (Flyvbjerg, Holm, et Buhl, 2002) flyvbjerg.plan.aau.dk
  3. (Flyvbjerg, Holm, et Buhl, 2005) flyvbjerg.plan.aau.dk
  4. Flyvbjerg, Bruzelius, and Rothengatter, 2003, books.google.com
  5. safetyforum.com

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie