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Alphonse Le Gastelois

Alphonse Le Gastelois, né à Jersey le et mort à Saint-Hélier (Jersey) le , est un travailleur agricole et pêcheur originaire de Jersey qui vécut un exil auto-imposé sur l'archipel des Écréhous pendant 14 ans après avoir été accusé à tort d’agressions sexuelles sur des enfants au début des années 1960. Traité comme un criminel, ostracisé par les Jersiais, et craignant pour sa vie, Le Gastelois quitte Jersey et s'installe sur l'archipel des Écréhous, à 6 miles au nord-est de Jersey. Dix ans plus tard, le , l'auteur des attaques Edward Paisnel, surnommé la Bête de Jersey, est arrêté et condamné le de la même année pour 13 agressions sexuelles, mettant fin à 11 ans de terreur sur l'île.

Alphonse Le Gastelois
Description de cette image, également commentée ci-après
Alphonse Le Gastelois sur les Écréhou
Naissance [1]
Jersey
Décès (à 97 ans)
Jersey
Nationalité Britannique
Pays de résidence Drapeau de Jersey Jersey
DiplĂ´me
École de Saint-Martin
Profession
Travailleur agricole
PĂŞcheur

Biographie

Origines et jeunesse

Alphonse Le Gastellois voit le jour sur l'île de Jersey. Son père est natif de Besneville et sa mère originaire de Montgardon. Il fait ses études à l'école de Saint-Martin.

Accusation et arrestation

Original et quelque peu solitaire, il vit au début des années 1960 dans la paroisse de Saint-Martin. Le Gastelois aime alors parcourir les chemins de campagne la nuit. Stan de la Haye, de la Police honorifique décrit Le Gastelois comme un « loner » (solitaire) qui portait un vieil imperméable attaché à la taille par une corde.

À partir de 1957, une série d'agression sexuelles ayant le même mode opératoire sont commises sur l'ile. Alors que l'hystérie s'empare des habitants, des rumeurs, renforcées et jamais démenties par la police de Jersey, se mettent à désigner Le Gastelois. Le Gastelois est arrêté, avec 30 autres suspects, à la suite d'une enquête menée par Scotland Yard. Il est relâché après 14 heures d'interrogatoire, faute de preuves. Ses habits sont envoyés pour subir des examens forensiques dans les laboratoires de Scotland Yard, et il reçoit en échange à sa sortie des habits pas à sa taille. Contrairement à celui des autres suspects, le nom de Le Gastelois est donné au public, et il devient un bouc-émissaire.

Les attaques de ce qui est dĂ©sormais appelĂ© la « BĂŞte de Jersey Â» continuent. Cependant, la suspicion des habitants contre Le Gastelois reste si forte que son cottage est incendiĂ©[2]. La police continue Ă  suspecter Le Gastelois et sa maison est fouillĂ©e 12 fois en 12 mois.

L'exil sur les Écréhous

En 1961, son avocat Denys Richardson lui propose de travailler pour lui dans sa maison situĂ©e dans l'archipel des ÉcrĂ©hous. Il emmène Le Gastelois sur les EcrĂ©hous Ă  bord de son bateau. Il accepte ce travail d'homme Ă  tout faire pour Ă©chapper Ă  la rumeur qui le poursuit. Il s'occupe de l'entretien de la maison de l'avocat et de celles d'autres propriĂ©taires. Il dĂ©crit alors sa vie sur l'archipel comme un « paradis comparĂ© Ă  ce que j'ai vĂ©cu [pendant son accusation][3] ».

Une vie de reclus sur les Écréhous

De à , soit pendant quatorze ans, il vit en ermite sur l'îlet de La Marmotière. Une nouvelle agression est perpétrée à Jersey en 1963 et Alphonse est de nouveau soupçonné ; il aurait, dit-on, fait l'aller-retour entre Les Écréhous et Jersey pour assouvir ses pulsions.

Malgré l'arrestation d'Édouard Paisnel, originaire de Grouville, en 1971, Le Gastelois continue à vivre une vie de solitude, expliquant à ceux qui venaient lui rendre visite qu'il s'y était habitué et que c'était devenu sa maison et que tout ce qu'il possédait s'y trouvait. Son histoire gagne en notoriété et il devient, avec sa figure barbue, une attraction pour les visiteurs de l'archipel[4] - [5].

Les maisons sur les Écréhous n'étant pas reliées au réseau électrique et n'ayant pas l'eau potable, ses conditions de vie sont alors des plus précaires. Pendant les durs hivers, Le Gastelois pouvait rester plusieurs mois sans recevoir de visite. Pour survivre, il vivait des rares cultures qu'il avait pu planter, de la pêche aux homards dans les cavités rocheuses à marée basse. Il récoltait l'eau de pluie et son régime alimentaire comprenait également des algues et des œufs de mouettes. Les visiteurs de l'archipel, venant de Jersey et de France, lui apportaient de temps à autre du ravitaillement et des livres. Dans une interview, il dira un jour ne pas apprécier le poisson mais préférer les algues. Pour se réchauffer, il réunissait deux tables qu'il recouvrait d'une couverture et allumait une bougie ou un petit feu en dessous.

Roi des Écréhous

À partir d'ouvrages juridiques qui lui ont été apportés par des visiteurs, Alphonse Le Gastelois se forge l'intime conviction qu'il peut revendiquer la possession de l'archipel en se fondant sur le droit normand, en vigueur aux Iles Anglo-Normandes depuis Rollon en l'an 911, qui prévoit qu'une personne peut revendiquer la possession d'un lieu inhabité s'il y demeure pendant 10 ans. Sa demande est très officiellement présentée à la reine Élisabeth II[6], non pas comme reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord mais en sa qualité de duc de Normandie. Sa requête n'aboutit pas et les Écréhous ne seront pas dissociés du bailliage de Jersey.

Accusation d'incendie volontaire

En 1975, après 14 annĂ©es d'une vie d'ermite, une mission officielle de Jersey se rend sur l'archipel pour exterminer les lapins — introduits par Le Gastelois — rendus responsables de la destruction du peu de vĂ©gĂ©tation parvenant Ă  pousser sur l'Ă®le. Alors que les officiels rentrent Ă  Jersey, la principale construction de l'archipel, une habitation appartenant Ă  Lady Trent, est dĂ©truite par un incendie. Les lapins, Ă©tant une source d'alimentation pour Le Gastelois, ce dernier est arrĂŞtĂ© et accusĂ© d'avoir incendiĂ© la maison pour se venger. Il est emprisonnĂ© pendant 3 mois, avant d'ĂŞtre acquittĂ© au cours d'un procès devant la Royal Court de Saint-HĂ©lier. Les 24 jurĂ©s ne prennent que quelques minutes pour se prononcer et le dĂ©clarent « non coupable Â» Ă  l'unanimitĂ©[7].

Retour Ă  Jersey

Bien qu'il ait affirmé à plusieurs reprises qu'il n'avait aucune raison de retourner à Jersey, Le Gastelois ne retourne pas aux Écréhous et finit par s'établir Saint-Hélier de 1975 jusqu'à sa mort en . Il emménage dans une petite pièce située dans l'arrière cour d'un cottage de Dumaresq Street, à Saint-Hélier, propriété des États de Jersey. Il passe alors la plupart de son temps enfermé chez lui, souffrant d'un mal de dos chronique qui l'empêchait de se déplacer. Ne recevant aucune retraite, il vit alors dans une pauvreté extrême[8] - [9].

Il vivra par la suite pendant trois ans à Victoria Cottage Homes, puis pendant trois années supplémentaires à la Guardian Nursing Home, avant de passer les 18 mois de sa vie à Palm Springs nursing home[10].

Interviews et documentaires

Le Gastelois donne une interview à la Channel Television en 1964[11] et au Jersey Evening Post en 1966. En 1998, il est le sujet d'un documentaire de 24 minutes, qui sera récompensé par un prix[12].

Propositions de dédommagement

En 1999, les États de Jersey discutent d'une proposition[9] prĂ©sentĂ©e par le sĂ©nateur J.S. Rothwell de payer 20 000 ÂŁ Ă  Le Gastelois en dĂ©dommagement pour rĂ©parer l'injustice dont il avait Ă©tĂ© la victime[8] - [13] - [14] - [15]. Dans une interview Ă  la BBC, il dĂ©clare « Que pouvez-vous faire ? Vous ne pouvez pas rĂ©parer ma vie, vous ne pouvez pas me reconstruire. Je ne veux pas grand chose, je veux seulement que l'on me laisse en paix[16] Â». Et Ă  propos de la proposition de dĂ©dommagement : « Cela intervient un peu tard dans ma vie, mais cela aidera[17] - [8] - [14] Â».

Le Finance and Economics Committee présente un rapport écrit aux États, exprimant leur sympathie à l'égard de Le Gastelois mais estimant que le fait de payer un dédommagement pourrait établir un précédent[18]. Après que les États ont voté contre la tenue d'un débat in camera, le sénateur Rothwell retire sa proposition.

Famille

Le Gastelois ne s'est jamais marié, et n'a pas laissé d'enfant. Sa sœur vit toujours à Jersey.

MĂ©moire

Parmi les personnes présentes à ses funérailles, figuraient 9 patron-pêcheurs normands qui étaient les visiteurs les plus réguliers de Le Gastelois pendant son exil, parmi lesquels Alain Blancheton, ancien capitaine du port de Carteret qui prononça son éloge funèbre[19].

Notes et références

  1. « Jersey Heritage Trust » [archive du ], Jersey Heritage Trust (consulté le )
  2. Robert Sinsoilliez, Histoire des Minquiers et des Écréhou, Saint-Malo 1995, (ISBN 2-905970-97-9)
  3. En anglais : paradise compared to what I've been through.
  4. Article du Jersey Evening Post, 3 juin 2012]
  5. Jersey Witches, Ghosts & Traditions, Hillsdon, Norwich, 1987, (ISBN 0-7117-0371-X)
  6. « King in exile who fled from an Island's curses », Jersey Evening Post,‎
  7. (en) http://www.channelonline.tv/channelonline_jerseynews/DisplayArticle.asp?ID=499845 Article sur Channel Online TV annonçant sa mort à Jersey le 3 juin 2012.
  8. « 'Sex exile' compensation call », BBC News, (consulté le )
  9. John Stephen Rothwell, « Alphonse Le Gastelois : Ex Gratia Payment », States Greffe, (consulté le ), p. 3
  10. « King in exile who fled from an Island's curses », Jersey Evening Post,‎
  11. « Alphonse « King of the Ecrehous Â» has died », Channel Television (consultĂ© le )
  12. « A 1998 documentary « King of the Ecrehous » », Channel Television (consulté le )
  13. « States Assembly Minutes 14th September 1999 », États de Jersey (consulté le )
  14. « Death of falsely accused exile Alphonse Le Gastelois », BBC Jersey, (consulté le )
  15. « Beast of Jersey falsely accused Alphonse Le Gastelois dies », BBC Jersey, (consulté le )
  16. En anglais : What can you do? You can't rebuild my life, you can't rebuild me. I don't want much now, only want to be left in peace.
  17. En anglais : It's a bit late in life but it will help.
  18. « Alphonse Le Gastelois : Ex-Gratia Payment (p. 111/99): Comments », States Greffe, (consulté le )
  19. « Friends from Normandy recall regular visits to Ecrehous exile », Jersey Evening Post,‎

Annexes

Sources et bibliographie

Liens externes

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