Affaire Cahouët
Lâaffaire CahouĂ«t est une escroquerie qui impliqua en 1777 la reine Marie-Antoinette.
Les protagonistes
Lâinstigatrice de cette affaire est Victoire Wallard, Ă©pouse de Pierre Louis RenĂ© CahouĂ«t de Villers, premier commis des bureaux de la guerre, issu d'une famille de la haute-bourgeoisie de Saumur[1]. Victoire gagna l'amitiĂ© de l'AbbĂ© Terray, qui fit nommer son mari trĂ©sorier-gĂ©nĂ©ral de la maison du Roi. Les Ă©poux CahouĂ«t menaient grand train et Victoire ne reculait devant aucun moyen pour se procurer de lâargent. Cette derniĂšre est l'auteur de plusieurs escroqueries et manigances qui vont ĂȘtre Ă l'origine d'un scandale auquel le nom de la reine Marie-Antoinette va ĂȘtre mĂȘlĂ©.
Lâaffaire
Quelques annĂ©es avant lâaffaire du collier, Victoire CahouĂ«t de Villers, intrigante galante et Ă©tourdie, s'est servie du nom de Marie-Antoinette pour duper et escroquer des sommes importantes Ă ceux qui croyaient Ă son influence. Selon Henriette Campan, Mme CahouĂ«t de Villers voulait se faire passer, aux yeux de ses amis de Paris, comme Ă©tant en faveur Ă la Cour, oĂč ne l'appelait pas sa naissance. Pendant les derniĂšres annĂ©es de la vie de Louis XV, elle avait dĂ©jĂ trouvĂ© le moyen d'obtenir des sommes Ă©levĂ©es en se faisant passer pour ĂȘtre la maĂźtresse du Roi. Elle venait rĂ©guliĂšrement Ă Versailles et s'y tenait cachĂ©e dans une chambre d'hĂŽtel ; faisant croire aux dupes qu'elle Ă©tait appelĂ©e Ă la Cour pour des motifs secrets. AprĂšs la mort de Louis XV, cette femme forma le projet d'arriver jusqu'Ă la jeune Reine. Elle prit pour amant Gabriel de Saint-Charles, intendant des finances du Roi, dont le privilĂšge Ă©tait d'avoir accĂšs, le dimanche, Ă la chambre de Marie-Antoinette. Victoire se vantait dâavoir de frĂ©quentes audiences de la Reine et pour faire croire cela, elle se procura chez son amant des piĂšces signĂ©es par la Reine qu'elle s'appliqua alors Ă imiter. Ainsi Mme CahouĂ«t de Villers contracta des emprunts au nom de Marie-Antoinette et contrefit son Ă©criture Ă deux reprises en 1777.
Elle avait imitĂ© la signature de la reine une premiĂšre fois pour se procurer des vĂȘtements chez Rose Bertin, la cĂ©lĂšbre modiste. La Reine l'apprend et lui pardonne. Par la suite, Victoire parvint mĂȘme Ă se faire Ă©crire par Marie-Antoinette qui, par son intermĂ©diaire, se procurait Ă Paris des objets de fantaisie. Ainsi, Mme CahouĂ«t de Villers a Ă©tĂ© chargĂ©e de diffĂ©rentes petites affaires et commissions pour la Reine. Sous prĂ©texte de vouloir exĂ©cuter plus fidĂšlement les commissions dont elle Ă©tait chargĂ©e, Victoire montrait ces lettres aux marchands, ainsi, dans beaucoup de maisons, elle se fit passer comme jouissant d'une faveur particuliĂšre Ă la Cour.
L'Ă©pouse CahouĂ«t va rĂ©cidiver en fabriquant une nouvelle lettre signĂ©e Marie-Antoinette au moyen de laquelle elle put emprunter 200 000 livres au fermier gĂ©nĂ©ral Loiseau de BĂ©ranger. Ce dernier exprima le dĂ©sir de recevoir un mot de la Reine pour ĂȘtre certain que la somme demandĂ©e lui Ă©tait bien destinĂ©e. Mme CahouĂ«t de Villers lui objecta que tel n'Ă©tait pas l'usage et qu'il devrait se contenter d'un signe de tĂȘte que lui ferait Marie-Antoinette en guise de confirmation. Victoire raconta Ă la Reine que, le dimanche suivant, deux dames de la Cour devaient assister Ă la messe au chĂąteau, coiffĂ©es dâune maniĂšre extravagante ; elle serait heureuse de connaĂźtre, par tel mouvement de tĂȘte, lâimpression produite sur Sa MajestĂ©. En mĂȘme temps, ces deux personnes furent informĂ©es du dĂ©sir de la Reine de pouvoir juger de lâeffet produit sur elles par certaine coiffure nouvelle dont le dessin leur Ă©tait remis. Au jour dit, Mme CahouĂ«t de Villers se rend Ă la chapelle, oĂč elle se place Ă cĂŽtĂ© de Loiseau de BĂ©renger. Quand la Reine arrive, elle cherche du regard les deux dames qui lui ont Ă©tĂ© dĂ©signĂ©es puis les ayant vues, elle porte les yeux vers Mme CahouĂ«t de Villers, lui sourit et fait de la tĂȘte un signe dâapprobation que Loiseau de BĂ©renger prend pour lui. Ce dernier, dĂ©sormais convaincu remet la somme demandĂ©e le jour mĂȘme Ă Mme CahouĂ«t de Villers qui garda le tout pour elle. Mais lâescroquerie parvint aux oreilles des Ministres.
L'incarcération
La reine Ă©tant mĂȘlĂ©e Ă lâaffaire, les ministres du roi, en particulier le comte de Maurepas qui craint que son neveu d'Aiguillon soit impliquĂ© dans la machination, rejettent l'Ă©ventualitĂ© d'un procĂšs[2]. Il est alors dĂ©cidĂ© d'enfermer sans jugement les Ă©poux CahouĂ«t Ă la Bastille, ne pouvant distinguer alors si le mari et la femme ou celle-ci seulement Ă©taient coupables. Louis XVI signa une lettre de cachet contresignĂ© par le secrĂ©taire dâĂtat Amelot. Le , Madame CahouĂ«t de Villers fut enfermĂ©e dans la tour du ComtĂ©, et son Ă©poux dans la tour du TrĂ©sor. Ce dernier fut libĂ©rĂ© le , sur les preuves qu'il n'avait en aucune façon pris part aux menĂ©es de sa femme. AprĂšs sa libĂ©ration, il fut chargĂ© de rembourser discrĂštement les dettes de son Ă©pouse, ce qui le mit dans une situation financiĂšre difficile.
Victoire, mĂȘme en prison, continua ses manigances. Le banquier de la Fosse, Ă qui elle devait prĂšs de 120 000 livres, se prĂ©senta pour voir sa dĂ©bitrice qui se prĂ©tendit malade et incapable de le recevoir. Le banquier fut autorisĂ© Ă revenir la visiter cinq jours plus tard mais il n'a pu obtenir le rĂšglement de sa dette. Son mari qui , Ă Versailles (il rĂ©sidait rue de l'Orangerie[3]), jouissait dâun poste honnĂȘte & lucratif, refusa de venir Ă son secours. Il ne voulut plus entendre parler dâune femme qui lâavait compromis et exposĂ© au danger de perdre sa place.
Le , le Roi ordonna la mise en libertĂ© de la dĂ©tenue, ce qui signifiait qu'elle devait ĂȘtre conduite au couvent des Filles de la Croix pour y rester jusquâĂ nouvel avis. Cette ordre s'explique par la dĂ©gradation progressive de la santĂ© de Victoire Ă la Bastille. Elle en sortit le seulement aprĂšs 1 an, 5 mois et 8 jours d'incarcĂ©ration[4]. Elle fut remise Ă la supĂ©rieure de la communautĂ© sous le nom de Mme de Noyans. De lĂ , elle passa dans le couvent des Filles de Saint-Thomas mais cette nouvelle existence ne convenait pas Ă son humeur enjouĂ©e. Elle se mit Ă dĂ©pĂ©rir et ne tarda pas Ă mourir, rĂ©pĂ©tant sans cesse « Cette Bastille m'a tuĂ©e ».
Regards de contemporains
« J'avoue que j'Ă©tais inquiĂšte, et que s'il eĂ»t fallu recommencer ce que j'avais fait, je me serai retirĂ©e les mains nettes de cette affaire. Par un singulier pressentiment, je pensai Ă Madame CahouĂ«t de Villers, qui avait Ă©tĂ© condamnĂ©e Ă une dĂ©tention perpĂ©tuelle, pour s'ĂȘtre mĂȘlĂ©e des affaires d'argent de Marie-Antoinette. »
â Jeanne de Valois-Saint-RĂ©my, MĂ©moires de la Comtesse de Valois de Lamotte, p.262
« Dans la recherche de toutes les menĂ©es de Mme CahouĂ«t de Villers, il s'est trouvĂ© beaucoup d'autres intrigues oĂč nombre de gens fort connus seraient compromis si le jugement final de cette criminelle Ă©tait prononcĂ© par les tribunaux ordinaires. »
â Mercy-Argenteau Ă l'impĂ©ratrice Marie-ThĂ©rĂšse, mĂšre de Marie-Antoinette, le 16 avril 1777
Annexes
Contrairement à l'affaire du Collier, trÚs peu d'ouvrages évoquent l'affaire Cahouët. Les ouvrages cités font seulement référence à cette affaire en donnant plus ou moins de détails.
- Charpentier, La Bastille dévoilée ou Recueil de piÚces authentiques pour servir à son histoire (1789), volume 5, pages 2 à 5
- (Auteur inconnu), Journal des rĂ©volutions de lâEurope en 1789 et 1790, tome 11, pages 130 Ă 133
- Louis Hastier, La vérité sur l'affaire du collier (1955), ouvrage fournissant beaucoup de détails sur l'affaire Cahouët
- Jeanne de Valois-Saint-RĂ©my, MĂ©moires de la Comtesse de Valois de Lamotte, Ă©crits par elle-mĂȘme, pages 262 et 263
Dans le tome 7 des enquĂȘtes de Nicolas le Floch, intitulĂ© "Le cadavre anglais", le commissaire crĂ©Ă© par Jean-François Parot enquĂȘte sur les escroqueries de Mme Cahuet de Villers. Ce roman policier a Ă©tĂ© adaptĂ© Ă la tĂ©lĂ©vision par France 2 (Ă©pisode 11 saison 6). Mme Cahuet de Villers y est jouĂ©e par AgnĂšs Soral.
Références
- Gustave (1863-1923) Auteur du texte Chaix d'Est-Ange, Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siÚcle. VIII. Bus-Cas. - 1909 / par C. d'E.-A. [Chaix d'Est-Ange], 1903-1929 (lire en ligne)
- « villers-en-arthies », sur villers-en-arthies.pagesperso-orange.fr (consulté le )
- « Les seigneurs de Villers en Arthies du XIVe au XVIIIe siÚcle (1996) » (consulté le )
- « biblisem.net », sur www.biblisem.net (consulté le )