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Abus sexuels sur mineurs dans l'Église catholique en Allemagne

Les abus sexuels sur mineurs dans l'Église catholique en Allemagne désignent des agressions sexuelles de mineurs, commises au sein de l'Église catholique par certains de ses clercs et agents pastoraux.

Historique

Dans une note publiée le , le père Lombardi, directeur des médias du Saint-Siège, salue les efforts de transparence des différents diocèses et le fait qu'ils ont invité les victimes à se manifester. Il considère que l'attitude qui consiste à se centrer sur la situation et des préoccupations des victimes, est la bonne façon de procéder[1].

Robert Zollitsch, président de la conférence épiscopale allemande, déclare, le , que « toute la lumière doit être faite », car « les victimes y ont droit ». D'après lui, l'Église allemande a pris de nouvelles mesures de contrôle : « Il n'y a pas d'autres groupes en Allemagne, a-t-il fait remarquer, qui ait pris des mesures aussi claires. »[2]. Zollitsch fait référence aux « Directives de procédures en cas d'abus sexuels sur des mineurs par des religieux en Allemagne », texte publié par la conférence épiscopale allemande en [3]. Selon ces directives, tout signalement d'abus sexuel doit être examiné avec soin. Si le soupçon se renforce, le suspect est invité à se dénoncer. S'il ne le fait pas, le diocèse doit informer le ministère public[4]. Ces directives garantissent également aux victimes et à leurs proches une aide humaine, thérapeutique et pastorale[5].

Le diocèse de Munich, dont Joseph Ratzinger (qui deviendra le pape Benoît XVI) a été l'archevêque entre 1977 et 1982, est aussi concerné par cette vague de révélations[2]. D'après l'archidiocèse de Munich, le vicaire général actuel, Peter Beer, a créé un groupe de travail pour analyser la manière dont ont été traitées les affaires d'abus sexuels commis par des membres du clergé, dans les décennies précédentes[6]. Ce groupe a observé, qu'en 1980, un prêtre a été pris en charge par l'archevêché pour suivre une thérapie, probablement à la suite de relations sexuelles avec des adolescents[6]. Ce prêtre, soupçonné d'être pédophile, a ensuite, en 1982, été affecté dans la paroisse de Graffin, par Gerhard Gruber, vicaire général du diocèse de Munich[2]. Il a alors commis des abus sexuels sur des mineurs, pour lesquels il a été condamné en 1986[2]. Gerhard Gruber a reconnu, en , avoir commis une grave erreur en redonnant à ce prêtre des fonctions en paroisse[2] - [6]. D'après le New York Times du , Joseph Ratzinger aurait été informé de la réaffectation de ce prêtre[7], information démentie par le Vatican[8]. En janvier 2022, alors que les théologiens Bernhard Sven Anuth et Norbert Lüdecke reprochent à Benoît XVI de ne pas avoir informé le Vatican, en 1980, de l'arrivée dans son diocèse du prêtre pédophile Peter Hullermann, Benoît XVI adresse, selon le journal allemand Bild, un document en défense aux avocats qui enquêtent sur les allégations de dissimulations d’abus sexuels dans le diocèse de Munich[9] - [10].

En , l'archevêque Robert Zollitsch annonce la nomination d'un évêque référent dans son pays pour suivre les affaires d'abus sur des mineurs[11]. Il s'agit de Stephan Ackermann, évêque de Trèves, chargé spécial de la Conférence épiscopale allemande pour toutes les questions liées aux abus sexuels[5]. Le , ce dernier déclare que des dissimulations ont bien eu lieu, par le passé, dans plusieurs diocèses, en vue d'étouffer des affaires d'abus sur mineurs[12] - [13]. Le lendemain, la chancelière Angela Merkel intervient au Bundestag pour demander que la vérité soit faite sur ces affaires. Elle estime cependant que l'on ne doit pas limiter les enquêtes à ce qui s'est passé dans l'Église et que les investigations et remises en question doivent aussi concerner d'autres institutions : « Même si les premiers cas dont nous avons eu connaissance venaient de l'Église catholique, cela ne rime à rien de limiter le phénomène à un seul groupe (…) Cela s'est produit dans beaucoup de secteurs de la société. ». La table ronde organisée pour mieux protéger les enfants réunira donc des dirigeants catholiques et protestants mais aussi des représentants de la société civile[14] - [15].

En , la ligne tĂ©lĂ©phonique ouverte en mars par l'Église catholique pour recueillir des tĂ©moignages a dĂ©jĂ  reçu 3 500 appels[16]. Le chef de la confĂ©rence Ă©piscopale, l'archevĂŞque Robert Zollitsch, reconnait la faute de l'Église et Ă©tudie des mesures d'aides aux centaines de victimes pour les aider « Ă  surmonter le passĂ© ». Des indemnisations mais aussi la prise en charge de psychothĂ©rapies et la crĂ©ation d'un fonds de prĂ©vention sont envisagĂ©es[16]. Le , la ConfĂ©rence Ă©piscopale allemande met en place des mesures pour la prĂ©vention des violences sexuelles dans les Ă©tablissements de l'enseignement catholique. Une brochure et un site internet sont crĂ©Ă©s pour permettre d'aborder le thème des abus et pour aider Ă  les Ă©viter[17].

En , Antje Vollmer, prĂ©sidente de la commission Runder Tisch Heimerziehung in den 50er und 60er Jahren chargĂ©e depuis par le Bundestag de traiter le dossier des violences ayant eu lieu dans des foyers publics et religieux annonce qu'un fonds de 120 millions d'euros va ĂŞtre mis Ă  la disposition des victimes. Il s'agit de mineurs ayant subi des violences (abus sexuels, maltraitance physique et morale…) entre 1949 et 1975 en RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d'Allemagne. Leur nombre exact est inconnu mĂŞme si environ 2 500 personnes se sont dĂ©jĂ  manifestĂ©es. Selon la dĂ©putĂ©e Ingrid Matthäus-Maier, il pourrait y avoir eu jusqu'Ă  30 000 victimes dans les institutions laĂŻques et religieuses. L'État fĂ©dĂ©ral, les États rĂ©gionaux (Länder) et l'Église, tous responsables des institutions en cause, devront contribuer Ă  la constitution de ce fonds. L'Église catholique et l'Église protestante ont dĂ©jĂ  acceptĂ© de verser la part qui leur est demandĂ©e[18]. Les associations de victimes estiment que ces indemnisations et les mesures prises sont insuffisantes[18] - [19] - [20].

En juin 2021, le cardinal Reinhard Marx remet sa démission d'archevêque de Munich au pape François en dénonçant les abus sexuels commis par des membres de l'Église[21] - [22]. Le 10 juin, le pape refuse sa démission mais l'encourage à persévérer dans la réforme contre les abus[23]. En février 2022, Reinhard Marx n'effectue pas un lien absolu entre les agressions sexuelles et le célibat des prêtres : « On ne peut pas le dire globalement. Mais ce mode de vie qui suppose une proximité entre des hommes attirent aussi des gens qui ne sont pas adaptés (à la fonction), qui sont sexuellement immatures ». Néanmoins, il recommande de laisser aux prêtres la possibilité de se marier. Par contre il n'a pas un avis tranché sur la possibilité pour les femmes d'accéder au sacerdoce[24].

Départ de fidèles

En , des prĂŞtres et responsables ecclĂ©siaux constatent que de nombreux fidèles s'Ă©loignent de l'Église dans les diocèses concernĂ©s par les scandales, l'institution traversant une crise de crĂ©dibilitĂ©[25]. Cette vague de dĂ©part est confirmĂ©e par une enquĂŞte de Christ und Welt (supplĂ©ment religieux de l'hebdomadaire Die Zeit) publiĂ©e le . En 2019, plus de 272 000 personnes ont demandĂ© Ă  ĂŞtre rayĂ©es des registres de l'Église catholique[26], contre 180 000 personnes en 2010 et 128 800 en 2009. Cet accroissement des dĂ©fections est dĂ» Ă  la crise de confiance liĂ©e aux affaires rĂ©vĂ©lĂ©es en 2010[27] et a des consĂ©quences financières pour l'Église puisqu'elle affecte le montant de l'impĂ´t religieux.

Chronologies des affaires

  • En , le père Klaus Mertes, actuel supĂ©rieur du collège jĂ©suite Canisius Ă  Berlin, dĂ©clare que de nombreuses agressions sexuelles sur des mineurs ont eu lieu, dans cet Ă©tablissement, dans les annĂ©es 1970 et 1980[28] - [2]. « Trois anciens Ă©lèves des annĂ©es 1970 sont venus me voir. De leurs histoires, j'ai conclu qu'un certain prĂŞtre avait sĂ»rement Ă  lui seul abusĂ© de plus d'une centaine d'enfants. Cela semblait systĂ©matique »[16]. D'autres rĂ©vĂ©lations suivent : entre janvier et , des affaires anciennes de pĂ©dophilies sont dĂ©voilĂ©es dans 19 diocèses sur 27[2]. Entre janvier et , 170 plaintes sont dĂ©posĂ©es, se rapportant Ă  des faits survenus dans les annĂ©es 1970 et 1980[29].
  • En mars 2010 plusieurs anciens membres du chĹ“ur Regensburger Domspatzen dont le frère de BenoĂ®t XVI, Georg Ratzinger a Ă©tĂ© le directeur entre 1964 et 1994, expliquent avoir Ă©tĂ© victimes de sĂ©vices et d'abus sexuels de la part de responsables de l'internat. En l'Ă©vĂŞchĂ© de Ratisbonne charge l'avocat Ulrich Weber de procĂ©der Ă  une expertise. Dans son rapport final l'avocat fait Ă©tat de 547 enfants victimes d'abus (maltraitances et viols) entre 1945 et le dĂ©but des annĂ©es 1990[30] - [31].
  • En 2012 et 2013 quatre prĂŞtres du diocèse de Trèves sont sanctionnĂ©s par Stephan Ackermann pour abus sexuels. Juridiquement, les faits datent des annĂ©es 1980 et 1990 et sont prescrits[32].
  • L’archevĂŞque de Cologne Rainer Woelki provoque une vive polĂ©mique et perd la confiance du conseil diocĂ©sain de Cologne après qu'il a refusĂ© de diffuser un rapport sur des abus sexuels commis sur des mineurs entre 1975 et 2018, rĂ©alisĂ© par un cabinet juridique de Munich[26]. Un nouveau rapport indique que 314 mineurs, principalement des garçons de moins de 14 ans, ont Ă©tĂ© les victimes de pĂ©dophiles, essentiellement par des membres ecclĂ©siastiques Ă  la mĂŞme Ă©poque. Le pape François dĂ©cide d'envoyer deux Ă©missaires, les Ă©vĂŞques de Stockholm Anders Arborelius et de Rotterdam Johannes van den Hende, pour enquĂŞter, courant , sur la situation dans le diocèse de Cologne[33]. Le 24 septembre 2021, Ă  six jours de l'ouverture de la troisième session (le 30) du Chemin synodal allemand Ă  propos duquel il a exprimĂ© souvent ses rĂ©ticences, il est placĂ© en congĂ© par le Pape François, au motif d' « erreurs de communication » dans la gestion des affaires pĂ©dophiles[34].
  • En , plusieurs mĂ©dias rĂ©vèlent que des milliers d'enfants ont Ă©tĂ© abusĂ©s sexuellement par des prĂŞtres en Allemagne entre 1946 et 2014 ; l’Église est accusĂ©e d'avoir « dĂ©truit ou manipulĂ© » des preuves et « minimisĂ© » sciemment la gravitĂ© des faits[35]. Les chiffres accablants sont basĂ©s sur un rapport publiĂ© le lors de la confĂ©rence Ă©piscopale de Fulda, commanditĂ© par la ConfĂ©rence des Ă©vĂŞques allemands auprès d'une Ă©quipe de chercheurs ; ceux-ci regrettent pourtant n'avoir pu accĂ©der librement aux archives des vingt-sept diocèses sur lesquels ils ont enquĂŞtĂ©[36].
  • Le 20 janvier 2022, le cabinet d’avocats Westpfahl Spilker Wastl remet son Ă©tude intitulĂ©e « Rapport sur les abus sexuels de mineurs et d’adultes vulnĂ©rables par des clercs, ainsi que par [d’autres] employĂ©s, dans l’archidiocèse de Munich et Freising de 1945 Ă  2019 ». Ce document met en avant quatre dossiers, y compris l'affaire Peter Hullermann, mal gĂ©rĂ©s par le futur pape Joseph Ratzinger. Ce rapport met aussi en cause les cardinaux Friedrich Wetter pour 21 cas et Reinhard Marx pour 2 cas[37].
  • En juin 2023, la justice condamne l'archevĂŞchĂ© de Cologne Ă  verser 300 000 euros de dommages et intĂ©rĂŞts Ă  un homme victime d'agressions sexuelles par un prĂŞtre dans les annĂ©es 1970[38].

Références

  1. Père Lombardi, « Abus sexuels, note importante et détaillée du P. Lombardi », sur Zenit.org, Salle de presse du Saint-Siège, (consulté le )
  2. Jean-Marie Guénois, « Un prêtre pédophile hébergé dans l'ancien évêché du Pape », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
  3. Frédéric Mounier, « Le Vatican nie toute complaisance dans les affaires de pédophilie », sur La Croix.com, (consulté le )
  4. Marine Soreau, « Allemagne : l’Église se défend d’avoir caché des affaires d’abus sexuels », sur Zenit.org, (consulté le )
  5. « Abus sexuels : Communiqué du président de la Conférence épiscopale allemande - Mgr Zollitsch a rencontré le pape », sur Zenit.org, Ag. Zenit, (consulté le )
  6. Jesús Colina - Gisèle Plantec, « Le pape n´a aucune responsabilité dans le cas du prêtre pédéraste de Munich », sur Zenit.org, (consulté le )
  7. Gilles Klein, « Prêtre pédophile /Allemagne : Benoit XVI avait approuvé sa réaffectation (NYT) », sur arretsurimages.net, (consulté le )
  8. père Lombardi, « Abus sexuels : nouveau communiqué du père Federico Lombardi », sur Zenit.org, Bureau de presse du Saint-Siège, (consulté le )
  9. « Benoît XVI répond aux accusations de dissimulation d’abus », Cath.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. « Que savait-il... L'ancien pape Benoît XVI a-t-il couvert un prêtre pédophile ? », Le Progrès,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. Lemonde.fr avec Afp, « Un évêque "référent" nommé en Allemagne pour traiter les cas de pédophilie », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le )
  12. Christian Lindner, Manfred Ruch und Markus Kratzer, « Bischof Ackermann: Die Kirche hat vertuscht », sur rhein-zeitung.de, rhein-zeitung.de, (consulté le )
  13. Stéphanie Le Bars, « Pédophilie : le pape déplore "la réponse inadéquate" de l’Église », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le )
  14. « Angela Merkel veut "vérité et clarté" sur les prêtres pédophiles », sur lexpress.fr, L'Express, (consulté le )
  15. « Pédophilie : Merkel évite d'accabler l'Église catholique », sur lepoint.fr, Le Point, (consulté le )
  16. « Religion : vers une indemnisation des victimes de prêtres pédophiles en Allemagne », sur L'Alsace, (consulté le )
  17. Allemagne : Prévention des abus sexuels dans les écoles catholiques, ag. Zénit, 13 décembre 2010
  18. AFP et romandie.com, « Allemagne : 120 millions pour des enfants victimes de sévices dans des foyers », sur romandie.com, Romandie News, (consulté le )
  19. Allemagne : 120 M pour les victimes d'abus, JDD.fr, 13/12/2010
  20. Marcel Linden, « Polémique sur les indemnités », sur lalibre.be, Libre Belgique, (consulté le )
  21. Église catholique : un éminent cardinal démissionne en dénonçant « la catastrophe des abus sexuels », RFI, 4 juin 2021.
  22. « Le cardinal Marx publie sa lettre de démission adressée au Pape », sur Vatican News, (consulté le ).
  23. (en) The associated press, « Pope rejects German cardinal's resignation, urges reform », sur abcnews.go.com, (consulté le )
  24. « Le cardinal Marx plaide pour la fin du célibat obligatoire », sur Cath.ch, (consulté le )
  25. Isabelle de Gaulmyn, « En Bavière, l'Église catholique voit trembler ses bases », sur la-croix.com, (consulté le )
  26. « L’Eglise catholique allemande fait face à sa « plus grave crise » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. « Pédophilie : les catholiques allemands quittent l'Église en nombre (presse) », sur la-croix.com, (consulté le )
  28. « Les scandales de pédophilie au sein de l'Eglise », sur L'Obs, (consulté le )
  29. « Le Vatican face aux scandales de pédophilie », sur Le Monde, (consulté le )
  30. « 547 enfants victimes d’abus dans un chœur catholique en Allemagne », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  31. Abschlussbericht Domspatzen Vorfälle von Gewaltausübung an Schutzbefohlenen bei den Regensburger Domspatzen, Untersuchungsbericht, Ulrich Weber/Johannes Baumeister, 18. Juli 2017.
  32. « Trèves: Trois prêtres sanctionnés pour abus sexuels », Cath.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  33. Agressions sexuelles : le pape ordonne une enquête au diocèse de Cologne., L'Est éclair, 28 mai 2021.
  34. https://www.la-croix.com/Religion/Abus-sexuels-Cologne-pause-spirituelle-cardinal-Woelki-2021-09-24-1201177111
  35. « Des milliers d'enfants ont été abusés sexuellement par des prêtres en Allemagne », Le Huffington Post,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  36. « Pédophilie : l’Eglise catholique allemande « honteuse » et « accablée » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne).
  37. (en) « Benedict XVI, Cardinal Marx faulted in Munich abuse report », Catholic News Agency (en),‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  38. « Abus sexuels dans l’Eglise : L’archevêché de Cologne condamné à verser 300.000 euros à une victime », 20minutes,‎ (lire en ligne, consulté le ).
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