Abat-jour en peau humaine
Un abat-jour en peau humaine est la rĂ©alisation d'un abat-jour de lampe Ă partir de peau humaine. Il existe deux allĂ©gations notables de la rĂ©alisation d'abat-jour en peau humaine. La premiĂšre est apparue aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, oĂč il a Ă©tĂ© allĂ©guĂ© que les nazis avaient fabriquĂ© des abat-jour Ă partir de peau de dĂ©tenus assassinĂ©s dans des camps de concentration. La suivante est celle des annĂ©es 1950, quand le meurtrier Ed Gein, peut-ĂȘtre influencĂ© par les histoires sur les nazis, a rĂ©alisĂ© un abat-jour avec la peau d'une de ses victimes.
Histoire de l'anthropodermie
L'utilisation connue comme trophée de la peau écorchée des ennemis vaincus remonte à l'antiquité. Dans l'ancienne Assyrie, l'écorchement d'ennemis vaincus et de dissidents était une pratique courante. Les Assyriens laisseraient la peau se tanner sur les murs de leur ville[2].
Certains livres ont été reliés en peau humaine depuis au moins le XIXe siÚcle[3].
La peau du meurtrier de la grange rouge William Corder a été utilisée pour lier les notes du procÚs de 1828. Ce livre est actuellement exposé dans un musée du Suffolk[4].
Ăre nazie, Holocauste et Seconde Guerre mondiale
AprÚs la défaite de l'Allemagne nazie, des allégations ont circulé selon lesquelles Ilse Koch, épouse du commandant du camp de concentration de Buchenwald, possédait des abat-jour en peau humaine et avait spécifiquement tué des prisonniers tatoués afin d'utiliser leur peau à cette fin[5]. AprÚs sa condamnation pour crimes de guerre, le général Lucius D. Clay, gouverneur militaire intérimaire de la zone américaine en Allemagne, a réduit sa peine à quatre ans de prison au motif « qu'il n'y avait aucune preuve convaincante qu'elle avait choisi des détenus des camps de concentration nazis pour les exterminer afin de se procurer des peaux tatouées, ou qu'elle possédait des articles en peau humaine[6] ».
Jean Edward Smith dans sa biographie, Lucius D. Clay, une vie américaine, a rapporté que le général avait soutenu que les abat-jour en cuir étaient faits de peau de chÚvre. Le livre cite une déclaration faite par le général Clay des années plus tard :
- Il n'y avait absolument aucune preuve dans la transcription du procĂšs, si ce n'est qu'elle Ă©tait une crĂ©ature plutĂŽt dĂ©testable, qui pouvait justifier la peine de mort. Je suppose que j'ai Ă©tĂ© plus maltraitĂ© pour cela que pour toute autre chose que j'ai faite en Allemagne. Un journaliste, qui l'avait appelĂ©e la "salope de Buchenwald", avait Ă©crit qu'elle avait des abat-jour faits de peau humaine dans sa maison. Et cela a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© au tribunal, oĂč il a Ă©tĂ© prouvĂ© sans l'ombre d'un doute que les abat-jour Ă©taient faits en peau de chĂšvre[7]. Lâabat-jour prĂ©sentĂ© sur une table en avril 1945 avec les restes humains de Buchenwald ayant disparu, il est probable que celui «retrouvé» et prĂ©sentĂ© au procĂšs nâĂ©tait pas lâoriginal.
Les accusations ont Ă©tĂ© portĂ©es une fois de plus lors de sa rĂ©-arrestation, mais elles se sont Ă nouveau rĂ©vĂ©lĂ©es infondĂ©es. Le journaliste Mark Jacobson prĂ©tend ĂȘtre en possession de cet abat-jour, mais ces affirmations sont contestĂ©es[8] - [9].Elle a nĂ©anmoins Ă©tĂ© condamnĂ©e pour la deuxiĂšme fois Ă la prison Ă vie pour ses autres crimes[10].
La Buchenwald Memorial Foundation déclare que :
Concernant l'existence d'un abat-jour en peau humaine, il y a deux témoins crédibles qui ont fait des déclarations sous serment : Dr. Gustav Wegerer, autrichien, prisonnier politique, kapo de l'infirmerie, et Josef Ackermann, prisonnier politique et secrétaire du médecin du camp, Waldemar Hoven.
Wegerer a expliquĂ© : "Un jour Ă peu prĂšs Ă la mĂȘme Ă©poque [1941], le commandant du camp Koch et le mĂ©decin SS MĂŒller se sont prĂ©sentĂ©s Ă mon poste de travail Ă l'infirmerie. Ă cette Ă©poque, on prĂ©parait pour Koch un abat-jour en peau humaine tannĂ©e et tatouĂ©e. Koch et MĂŒller choisirent parmi les peaux humaines tannĂ©es et parcheminĂ©es disponibles celles qui portaient les tatouages appropriĂ©s pour l'abat-jour. De la conversation entre les deux, il est apparu clairement que les motifs choisis auparavant n'avaient pas plu Ă Ilse Koch. L'abat-jour fut alors terminĂ© et remis Ă Koch". Le Dr Hans Mueller, plus tard mĂ©decin SS Ă Obersalzberg, fut pathologiste Ă Buchenwald de mars 1941 Ă avril 1942. La pĂ©riode peut ĂȘtre dĂ©finie plus prĂ©cisĂ©ment par la dĂ©claration d'Ackermann.
- Ackermann a livrĂ© la lampe, comme il l'a dĂ©clarĂ© en 1950 devant le tribunal. Le pied de la lampe Ă©tait fait d'un pied humain et d'un tibia ; sur l'abat-jour on voyait des tatouages et mĂȘme des mamelons. Ă l'occasion de la fĂȘte d'anniversaire de Koch [aoĂ»t 1941], le mĂ©decin du camp Hoven lui demanda d'apporter la lampe Ă la villa des Koch. C'est ce qu'il fit. Un des invitĂ©s de la fĂȘte lui a dit plus tard que la prĂ©sentation de la lampe avait Ă©tĂ© un grand succĂšs. La lampe disparut aussitĂŽt aprĂšs que les dirigeants SS en eurent eu connaissance. On ne pouvait pas accuser Ilse Koch d'avoir fabriquĂ© l'abat-jour[11].
Ed Gein
Ed Gein (1906-1984), Ă©tait un tueur et un voleur de cadavres, actif dans les annĂ©es 1950, qui fabriquait des trophĂ©es Ă partir de cadavres qu'il volait dans un cimetiĂšre local. Lorsqu'il a finalement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©, une fouille des lieux a rĂ©vĂ©lĂ©, entre autres artefacts troublants, un abat-jour fait de peau humaine[12]. Gein semble avoir Ă©tĂ© influencĂ© par les histoires alors en cours sur les nazis collectant des parties du corps afin de fabriquer des abat-jour et d'autres objets[13].
Voir Ă©galement
Liens externes
Références
- « Buchenwald Memorials Foundation. Is it true that the SS had lampshades made of human skin in the Buchenwald concentration camp? »
- « Books Bound in Human Skin; Lampshade Myth? | The Record », Harvard Law Record, (consulté le )
- (en) Jacob Gordon, « In the Flesh? Anthropodermic Bibliopegy Verification and Its Implications », RBM: A Journal of Rare Books, Manuscripts, and Cultural Heritage, vol. 17, no 2,â , p. 118-133 (ISSN 1529-6407 et 2150-668X, lire en ligne).
- Strange remains
- « Ilse Koch is given life term », Gettysburg Times,â , p. 2 (lire en ligne, consultĂ© le )
- « GERMANY: Very Special Present », Time, 25 décembre 1950, en ligne.
- Smith, Jean Edward, Lucius D. Clay : An American Life, Macmillan, , 301 p. (ISBN 978-0-8050-0999-6)
- Santoro, « A Human Skin Lampshade Sparks a Journey into the Heart of the Holocaust | HistoryNet », www.historynet.com (consulté le )
- (en) Mark Jacobson, The Lampshade : A Holocaust Detective Story from Buchenwald to New Orleans, Simon and Schuster, , 368 p. (ISBN 978-1-4165-6630-4, lire en ligne)
- Alliance : Ilse Koch a été condamnée une deuxiÚme fois à la prison à vie
- (de) Dr. Harry Stein, « âStimmt es, dass die SS im KZ Buchenwald Lampenschirme aus Menschenhaut anfertigen lieĂ?â », sur www.buchenwald.de
- Chloe Castleden, Ed Gein : The Psycho Cannibal, Constable & Robinson Limited, , 11â12 p. (ISBN 978-1-78033-341-0, lire en ligne)
- Gelbin, Cathy, "Metaphors of Genocide", in Duttinger et al (ed), Performance and Performativity in German Cultural Studies, Peter Lang, 2003, p.233.