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Zhaba (ethnie)

Les Zhaba (æ‰Žć·Ž, parfois transcrit ChĂĄbā), ainsi qu'ils se nomment eux-mĂȘmes, ou Buozi[1], constituent une ethnie tibĂ©taine Ă©tablie dans l'Ouest de la vallĂ©e du Sichuan en Chine forte d'environ 14 000 membres et parlant la langue Zhaba. Ils sont majoritairement agriculteurs et se singularisent de par leur tradition des "mariages ambulants", ou "visites conjugales", comparable Ă  celle de l'ethnie Moso, dans la rĂ©gion du Lac Lugu (Yunnan), plus nombreuse et mieux Ă©tudiĂ©e.

Localisation

Les Zhaba vivent entre les villages de YĂ zhuƍ, Zhātuƍ, HĂłngdǐng, ZhƍngnĂ­ et XiĂ tuƍ dans le Xian de Dawu et MĂčrĂłng et PǔbārĂłng, dans le Xian de Yajiang, deux districts qui dĂ©pendent de la PrĂ©fecture autonome tibĂ©taine de GarzĂȘ.

Les mariages ambulants

Le nom vernaculaire du mariage ambulant est RĂšzuĂČyicĂ­ (çƒ­äœœäŸŹèŒČ), qui signifie littĂ©ralement : aller rendre une visite Ă  la fille chez elle. Ceux qui participent Ă  ce rituel se nomme mutuellement gāyÄ« (ć‘·äŸ), ce qui signifie aimĂ© — mot qui n'est utilisĂ© que dans ce contexte. Le mariage ambulant repose sur l'attirance partagĂ©e et exclut toute question financiĂšre, puisqu'il ne mĂšne pas Ă  la fondation d'un foyer stable. Une de ses raisons d'ĂȘtre peut nĂ©anmoins ĂȘtre financiĂšre : l'organisation matrifocale permet d'Ă©viter le morcellement des terres agricoles cultivables, dans cette rĂ©gion aride et difficile.

Il a toujours existĂ© des familles stables et exclusives (monogames, polygames ou polyandres) au sein de la communautĂ© Zhaba, mais une grande proportion de cette population pratique le "mariage ambulant", qui malgrĂ© une apparente libertĂ© est strictement codifiĂ©. les amants ne doivent pas frayer avec des familles polygames ou polyandres, doivent Ă©viter les personnes de mauvaise rĂ©putation, souffrant de maladies, etc. Le tabou de l'inceste y est respectĂ© (la gĂ©nĂ©alogie est transmise oralement), sur sept gĂ©nĂ©rations, et il est interdit aux frĂšres et sƓurs de parler de sexualitĂ© ensemble, mĂȘme pour plaisanter. Les sƓurs ne doivent pas montrer leurs bras ou leurs jambes Ă  leurs frĂšres.
Les enfants nĂ©s de ces unions relĂšvent d'une filiation matrilinĂ©aire, ils grandissent auprĂšs de leur mĂšre et de leurs oncles maternels. Cette organisation familiale et les tabous qui entourent le mariage ambulant crĂ©ent un climat de gĂšne entre personnes de sexe diffĂ©rent au sein d'une mĂȘme famille. Les femmes Ă©vitent mĂȘme de croiser des membres masculins de leur famille lorsqu'elles sont enceintes.

Les hommes qui pratiquent ce type d'union doivent tout d'abord obtenir un jeton, qu'il leur faut dĂ©rober Ă  la femme qu'ils convoitent, au cours d'un simulacre de poursuite. Lorsqu'une femme est intĂ©ressĂ©e, elle se laisse rattraper. Si elle ne l'est vraiment pas, il sera impossible Ă  son soupirant d'obtenir le jeton. Il doit exister une connexion Ă©motionnelle ou une attirance sexuelle entre les deux personnes. La premiĂšre nuit, l'homme doit escalader la maison de la femme Ă  une heure convenue pour lui rapporter le jeton et consommer leur union. S'il n'y parvient pas, il rentrera chez lui bredouille. S'il y parvient, il aura par la suite le droit de passer par la porte. Il doit quitter son amante au petit matin. L'escalade n'est pas la seule Ă©preuve imposĂ©e Ă  l'amant, celui-ci doit marcher des kilomĂštres pour aller Ă  la rencontre de sa possible partenaire de la nuit. Si la femme refuse de recevoir un homme, elle est assistĂ©e par ses sƓurs, qui jettent sur l'importun de l'eau et des pierres jusqu'Ă  ce qu'il s'en aille. Les tentatives infructueuses ne font jamais l'objet de moqueries. Si la jalousie semble rare chez les Zhaba, les peines de cƓur et la douleur de la sĂ©paration existent. Par ailleurs, l'excĂšs de relations est vu d'un mauvais Ɠil, comme le dĂ©montre une chanson qui dit : « Une fille d'une grande beautĂ© vit au pied de cette montagne. Femme, s'il te plait, ne sois pas fiĂšre de ta beautĂ©. Tu as eu des centaines de gāyÄ«, mais moi je n'ai jamais pensĂ© Ă  te visiter une seule fois »[2]

Les Zhaba vivent de maniÚre trÚs isolée, à une altitude moyenne de 2700 mÚtres, alors leur mode de vie a longtemps bénéficié d'une totale tolérance de la part des autorités chinoises, qui imposent pourtant la monogamie depuis 1950. La politique de l'enfant unique (1979-2015) a néanmoins bouleversé les usages, forçant les femmes à déclarer un époux sous peine d'amende et installant l'idée totalement inédite dans la région de la possession d'une personne sur une autre. La tradition perdure toutefois, mais décline sensiblement au contact de la culture mondialisée « L'arrivée d'internet, des smartphones et des séries télévisées sentimentales sud-coréennes, couplée au développement des moyens de transport et des opportunités d'études, ont inexorablement exposé les Zhaba à d'autres modes de vie. »[3].

Les Zhaba, les Moso, mais aussi des Jiāróng de la région de Dānbā et d'autres ethnies voisines ont des traditions proches, ce qui laisse penser qu'il a existé une région plus ou moins circulaire d'environ 400 kilomÚtres de circonférence rayonnant autour de Danba et Dawu, dont la société était organisée de maniÚre matrilinéaire et, sans doute, avec des relations amoureuses non exclusives.

AprĂšs son passage par le Tibet, Marco Polo avait portĂ© un jugement sĂ©vĂšre sur les mƓurs amoureuses des autochtones telles qu'il les avait comprises :

« Ayans cheminĂ© par vingt journĂ©es, & passĂ© ceste province de Thebeth, on trouve plusieurs villes & villages : esquelz Ă  l’occasion de leur grande idolatrie est observĂ©e une tresvillaine & meschante coustume : car il n’y a homme au pays qui jamais espouse & prenne Ă  femme une Filles prostituĂ©es au paravant qu’estre mariĂ©es.fille pucelle : mais s’il se veult marier Ă  quelqu’une, il fault premierement qu’elle ayt estĂ© violĂ©e par plusieurs hommes : car ilz disent qu’une fille n’est bonne Ă  marier si premierement elle n’a estĂ© despucellĂ©e : pour ceste cause quand a quelques marchandz ou gens estrangers leur chemin s’adonne a passer & loger en ceste contrĂ©e, les femmes du pays qui ont des filles Ă  marier, Prostitution de filles.les amenent Ă  ces hostes estrangers, aucunesfois vingt, quelques fois trente ou plus, selon le nombre des hostes : lesquelz elles prient affectueusement que chascun d’eulx prenne une de leurs filles, & de coucher avec elles, & en faire a leur plaisir tant qu’ilz delibereront sejourner au pays. A quoy les hostes vaincuz par les prieres de ces honnestes matrones, facilement obtemperent, & choisissent chascun une jeune fille Ă  leur grĂ©, quilz rendent apte & idoine pour estre mariĂ©e : & quand ilz s’en veullent aller on ne leur permet jamais d’en emmener aucune, mais fidelement les fault rendre Ă  leurs parens. »

— Marco Polo, Le Devisement du monde[4].

Religion

Les Zhaba pratiquent majoritairement le Bouddhisme tibétain, avec des influences pré-bouddhistes. Ils vouent un culte aux démons et aux fantÎmes et font des sacrifices aux démons qui, selon eux, vivent à l'intérieur des montagnes[5].

Bibliographie

  • FĂ©ng Mǐn et Gerald Roche, « Matrilineal marriage in tibetan areas in western sĂŹchuān province », Asian Highlands Perspectives, vol. 6,‎ , p. 251-281 (lire en ligne)

Voir aussi

Notes et références

  1. « PEOPLE NAME: ZHABA OF CHINA », sur peoplegroups.org
  2. Cité par Féng Mǐn et Gerald Roche, 2010
  3. ecky Davis, « En Chine, une ethnie tibétaine délaisse sa liberté sexuelle », sur afp,
  4. Marco Polo, Le Devisement du monde, E. Groulleau, (rĂ©impr. 1556) (lire sur Wikisource), chap. XXXVII (« D’une region qu’on trouve oultre Thebeth, & des villaines coustumes d’icelle »).
  5. « Zhaba in China », sur Joshuaproject.net (site à but évangélique de recensement des ethnies du monde).
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