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Vision d'Orm

Le rĂ©cit de la Vision d’Orm dĂ©montre la vision d’un jeune garçon d’environ treize ans, qui est de passage au Paradis ainsi que son observation des Enfers. Le texte fut Ă©crit en latin dans l’annĂ©e 1126 par Sigar de Newbald , aujourd’hui North Newbald dans la rĂ©gion du Yorkshire. Cette vision est très courte en comparaison avec d’autres puisqu’elle ne contient que 1000 mots. Cette vision a piquer l’intĂ©rĂŞt en raison du jeune âge du visionnaire ainsi que sa forte association a la Vision de Drythelm[1]. Ce qui est tout aussi marquant dans cette vision est la prĂ©sence de quatre lieux au lieu des visions plus communes qui n’en comporte que trois, en incluant le purgatoire, voire deux qui ne prĂ©sentent que le Paradis et l’Enfer.  

Manuscrits et Ă©ditions

L’original du rĂ©cit avait Ă©tĂ© dĂ©diĂ© spĂ©cialement au moine SimĂ©on de Durham qui lui-mĂŞme mourra durant l’annĂ©e 1130. La lettre fut retrouvĂ© dans un manuscrit dans l’abbaye de Louthpark dans le Lincolnshire. Il existait au moins deux autres versions du rĂ©cit Ă  la fin de l’époque mĂ©diĂ©vale. La première version se trouve dans Vita Orni Simplicis. Dans la bibliothèque de l’église dans la collection de l’évĂŞque Hugh du Puiset, retrouvĂ© Ă  sa mort en 1195. Une autre version s’est conservĂ© le manuscrit Fairfax 17 de la Bodleian Library Ă  Oxford. Dans une de ses inscription datant du XVIIIe siècle dĂ©montre son appartenance au monastère Cistercien de Louthpark dans le Lincolnshire. Le manuscrit contient de nombreuses visions dont celle d’Orm et de Drythelm. Le manuscrit mesure 25,9 Ă— 16,5 cm. La Vision d’Orm se situe aux folios 74-782[2].  

Le RĂ©cit de la vision

Cet extrait provient de la traduction française, faite par Claude Carozzi du texte original , en latin, provenant d’Analecta Bollandiana vol 75, analysé par Hugh Farmer.

Orm appartenait Ă  une famille aisĂ©e qui avait Ă©tĂ© promu en fiançailles Ă  la fille d’un chevalier de la rĂ©gion. Cependant, son but Ă©tait de vivre un vie chaste et pieuse. Bien que son nom Ă©tait d’origine scandinave , comme plusieurs dans la rĂ©gion, il avait une parentĂ© anglo-saxonne. Orm tomba sans connaissance Ă  la suite d'une grave maladie qui l’avait atteint dans le mois de , tous le croyaient mort ou presque.  

La scène du Paradis

Dans sa vision, il vit apparaitre un homme vêtu d’un manteau rouge et d’une tunique blanche, tout aussi blanche que sa barbe et ses cheveux. Dans sa main, un livre écrit en lettre d’or ouvert au deux tiers. L’homme s’adresse au jeune garçon en lui demandant : « Orm, dors-tu ? ». Orm lui répond qu’il avait dormi jusqu’à l’arrivée de cet homme mystérieux, qui lui dévoile son identité, l’Archange Michael. Il lui indique de le suivre dans le ciel par-dessus les étoiles. Il arriva enfin aux portes du paradis en or munit de pierres précieuses. Orm contempla les myriades d’anges qui étaient postés devant eux. Face à lui, se trouvait le Christ sur la Croix avec les mains et les pieds en sang, mais Orm ne voit aucune plaie apparente. Aux côtés du Seigneur se trouvaient les douze apôtres ainsi que la vierge Marie tous tenaient dans leur main une croix en or. Orm vit la présence d’une jeune fille qui lui semblait quelque peu familier. C’était la fille du Chevalier Étienne. La jeune fille voulait avoir une vie pieuse et chaste dans un couvent , mais ses parents ont décidé de la forcer au mariage. Selon son vœu, avant qu’elle n’ait à se fiancer, tomba malade et mourra pour aller rejoindre le Seigneur en restant vierge.

La Bouche des enfers

Orm et Michael redescendent sur Terre dans une vallĂ©e très profonde et tĂ©nĂ©breuse d’une puanteur atroce. L’odeur provenait d’un puits sombre et d’une profondeur inimaginable d’oĂą crachait et avalait des flammes sans cesse. En regardant les environs, Orm s’aperçoit que toute la rĂ©gion Ă©tait ensevelie de fumĂ©es d’une puanteur insupportable. Des satellites (dĂ©mons) envoyĂ©s par Satan, tout noir se tenaient prĂŞt du puits. Ils y avait des Ă©tincelles qui leur sortait des yeux et de la bouche et des oreilles. Michael protĂ©gea Orm, puis les dĂ©mons sont tirĂ©s par des chaines dans le puits qui se rĂ©jouit en crachant des flammes. L’archange demande Ă  Orm de regarder attentivement dans le puits. On y voit des âmes bruler , criant le regret d’être nĂ©e. Il vit des dĂ©mons , des verres ainsi que des dragons qui vivaient le mĂŞme châtiment que les damnĂ©s mais les crĂ©atures mythiques leurs infligeaient aussi des supplices. Un des dĂ©mons torturait les âmes avec un trident, qui fait rĂ©fĂ©rence au dĂ©mon Tartarouchos, un descendant de PosĂ©idon.  Au loin, Orm aperçut des âmes qui sautaient entre un feu infernal et un fleuve glacĂ©s. Le garçon vit au loin la Bouche des Enfers. Elle Ă©tait ronde comme le puits et toujours ouverte.  

Lieux d’attente avant le Jugement dernier

Ensuite les deux se dirigent vers le Nord pour monter au Ciel pour retourner au paradis clĂ´turĂ© par un mur de marbre. Orm vit quatre groupes de saints ou des laĂŻcs, d’une quantitĂ© innombrable. Le premier groupe comportait des enfants saints. Le deuxième fut un groupe d’hommes religieux et des moines. Le troisième des clercs et des Ă©vĂŞques et dans le dernier groupe des hommes et femmes laĂŻques. Tous ceux qui Ă©taient dans l’enceinte du mur Ă©taient joyeux et ceux Ă  l’extĂ©rieur ne l’étaient pas.  

Retour vers le Seigneur

Ils retournent encore plus haut pour aller voir le Seigneur assis sur son trĂ´ne entourer d’anges. Orm reconnu le Seigneur, la vierge et les douze apĂ´tres Ă  ses cĂ´tĂ©s. Le Christ avait un grand glaive effrayant, aiguisĂ© des deux cĂ´tĂ©s, exactement semblables Ă  ceux que ses apĂ´tres portent. Les glaives de chacun incluant le Christ aient sortie au deux tiers du fourreau. La Vierge ne portaient pas d’armes mais priait le monde entier. Orm vit aussi une multitude d’autres choses qui lui avait Ă©tĂ© interdit de divulguer sur Terre. Lors de son retour vers son corps, ils survolent Rome et se rend compte de la mauvaise foi du monde.  

Ă€ leur retour en Angleterre, Michael s’adresse a Orm ; « Dis au prĂŞtre Sigar de Newbald ce que tu as vu, et reste obĂ©issant Ă  ton crĂ©ateur. DĂ©tourne toi du mal et fais le bien. Quand je reviendrai, je rapporterai la paix ». Orm survĂ©cut par la suite du au . Il eut quelques problèmes Ă  retrouver suffisamment de forces pour raconter sa vision Ă  Sigar lors de son rĂ©veil, mais il rĂ©ussit tout de mĂŞme Ă  en glisser quelques mots.  Il Ă©tait dans un Ă©tat pitoyable et criait de douleur jours et nuits. Quelques jours avant sa mort, le garçon n’arrivaient plus Ă  marcher ni boire ou manger. Quand on examina son Ă©tat a son dĂ©cès, il avait un corps squelettique[3].

Commentaires sur le texte

Selon Sigar de Newbald

L’auteur de l’œuvre, Sigar reprĂ©sente le jeune garçon comme un ĂŞtre pieux et chaste qui connaissait les prières du Seigneur sauf, cependant, le Credo. Il Ă©tait connu pour ĂŞtre patient et gĂ©nĂ©reux envers les plus dĂ©munis. Ce qui est clair c’est que par sa simple connaissance , il serait hors du commun d’avoir une description aussi clair et d’avoir des rĂ©fĂ©rences liturgiques. Seul Sigar aurait pu enrichir le rĂ©cit. Il ne serait pas anodin que l’auteur aurait suggĂ©rĂ© des reprĂ©sentations ecclĂ©siastiques en se basant sur des rĂ©cits dĂ©jĂ  connu, comme l’exemple de la Vision de Drythelm.  

Iconographie

Un Ă©lĂ©ment rapportĂ© par Hugh Farmer, est la reprĂ©sentation de l’art de l’époque dans la Vision d’Orm. L’image de la Bouche des Enfers est un thème souvent abordĂ© dans l’iconographie anglaise depuis l’illumination de la conquĂŞte de Winchester. Ce tableau pourrait, très fortement, avoir Ă©tĂ© sur l’une des paroisses avoisinantes, de mĂŞme que la figue de St Michael. Ce qui expliquerait leur prĂ©sence dans la vision du jeune Northumbrien[2].  

Liens avec d’autres récits

On décrit quatre endroits dans le récit d’Orm au lieu de trois, qui est la représentation la plus populaire. Il vit le paradis céleste, où réside le Seigneur ainsi que les apôtres. Un autre paradis qui semble inférieur au premier où se retrouvent des anges et des saints ainsi que des hommes et des femmes pieux, qui ont une allure joyeuse, à l’intérieur des murs du paradis. Ceux à l’extérieur des murs qui n’ont pas l’air joyeux et qui semblent dans un état stagnant, comme s'ils attendaient un évènement. Et ceux qui sont tourmentés en Enfer.

Dans la comparaison que l’on fait souvent avec la Vision de Drythelm, on retrouve l’idée des murs qui entourent le paradis qui étaient d’une telle grandeur qu’il était impossible de regarder par-dessus. On représente aussi la Bouche des Enfers où les âmes déchues sont tourmentées par des démons. Chez Drythelm le ministre du Tartare est à l’entrée de la Bouche avec des étincelles qui lui sortent des orifices de la tête, tout comme les diables vassaux qui gardent la porte et tentent d’emporter Orm. Un lien à faire mais qui se différencie est le purgatoire qui se retrouve dans la version de Drythelm, rapporte la torture des âmes dans des conditions d’extrêmes chaleurs et de froids. Les âmes escaladent une vallée où un versant est glacé et l’autre enflammé, les âmes se font projeter de l’un à l’autre. Cette allusion se retrouve dans l’épisode de l’observation des enfers chez Orm[3].

Il y aurait un lien à faire selon Farmer, sur les jeunes garçons qui se vouaient à la pratique pastorale dans cette région de l’Angleterre au XIIe siècle. Ils avaient une éducation pieuse dans le cloître d’une cathédrale. Le fait que les enfants se font éduquer par l’enseignement ecclésiastique dans les murs de l’Église les rend plus joyeux et bons que ceux à l’extérieur qui ne sont pas éduqués donc tristes[2].

Il n’y a pas de mentions de quelconque purgatoire dans le texte, seules les âmes qui ne semblent pas heureuses attendent à l’extérieur des murs du paradis, possiblement le jugement dernier. Non plus qu’il y ait mention d’une purge des âmes soit par un feu, qui est le plus populaire. Le livre que saint Michael tient dans ses mains, ouvert au deux tiers, est une image de temps passé et à venir[4]. Ce livre apparait aussi dans l’Apocalypse de Jean. Il y contient le nom de tous les habitants sur Terre. De même que les glaives du Christ et des apôtres sortis au deux tiers de leur fourreaux qui signifie, selon Orm, que la venue du Christ lors du Jugement dernier arriverait dans un futur plus éloigné[3].

Les âmes stagnants et évolution du Purgatoire

Dans la tradition du purgatoire, les âmes passent par un feu qui les purgent de leur pĂŞchers en attendant le Jugement Dernier. D’autres formes existent tant bien, mais cette version est un des plus courantes. Pour certains le purgatoire viendrait d’anciennes traditions paĂŻennes. Pour d’autres, ce lieu correspond au « sein d’Abraham », qui Ă©tait un lieu de repos avant le retour du Messie. L’évolution de la sociĂ©tĂ© dĂ©montre qu’il y aurait une transposition dans les croyances. Cette Ă©volution s’explique, selon Georges Minois, avec la montĂ©e de la bourgeoisie marchande dans les alentours du XIIIe – XIVe siècle. Le dĂ©veloppement du Droit qui distingue la gravitĂ©s des dĂ©lits. De ce fait, en s’y inspirant, on peut mieux systĂ©matiser la sĂ©paration entre les damnĂ©s qui vont directement aux enfers et ceux que leurs dĂ©lits les conduits au purgatoire[5].  

Le texte de la Vision d’Orm ne comporte pas de purgatoire comme il Ă©tait courant au XIIe siècle. Jacques Le Goff fut la rĂ©fĂ©rence dans le XXe siècle sur la question de l’évolution du Purgatoire dans la pĂ©riode mĂ©diĂ©vale en y dĂ©montrant deux logiques. Qui, selon lui, aurait Ă©tĂ© Ă©laborĂ© avant le XIe siècle. La première, comme on le voit chez Saint Ambroise, on y fait la rĂ©fĂ©rence de la systĂ©matisation des Receptacula. Ce sont des lieux d’attente entre la mort et la RĂ©surrection. On les dĂ©crit comme une forme de rĂ©servoir qui ont des caractĂ©ristiques plus joyeuses lorsque tournĂ©s vers le Paradis et plus tristes lorsque tournĂ©s vers l’Enfer sans y donner de vĂ©ritables association Ă  la torture Ă©ternelle. Dans la deuxième logique, on ne fait pas rĂ©fĂ©rence Ă  un lieu de pĂ©nitence ou d’attente. Il y a seulement le Paradis et l’Enfer. Les âmes sont bonnes ou mauvaises sans aucun degrĂ©s[6].  

Cependant cette idĂ©ologie de n’avoir que Ciel et Enfer fut contredite par les contemporains. Dans la lĂ©gende des Sept Dormants d’Éphèse, sept martyrs se reposent pour environ trois siècles qui sont miraculeusement rĂ©veillĂ© (ressuscitĂ©s). Cette analogie nous dĂ©montre le repos après la mort en attendant le jugement dernier. Comme les âmes Ă  l’intĂ©rieurs ou Ă  l’extĂ©rieurs qui attendent peu importe leur Ă©tat, le retour du Christ sans y ĂŞtre infligĂ©s des souffrances purgatoires[6].  

Notes et références

  1. (en) Eileen Gardiner, Visions of Heaven and Hell ; a sourcebook, New York, Garland,
  2. (en) Hugh Farmer, Analecta Bollandiana vol, 75, Bruxelles, Société des Bollandistes, , Page 74
  3. Claude Carozzi, « Le Voyage de l'âme dans l'au-delà d'après la littérature latine (Ve – XIIIe siècle) », sur www.Persee.fr, École Française de Rome, (consulté le )
  4. (en) C.S. Watkins, « Sin, Penance and Purgatory in the Anglo-Norman Realm: The Evidence of Visions and Ghost Stories », sur www.jstor.org, Past & Present, no. 175, (consulté le )
  5. Georges Minois, « Histoire de l'enfer », sur www.cairn.info, Que sais-je ?, (consulté le )
  6. Philippe Ariès, « Le Purgatoire et la cosmologie de l'Au-delà », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 38e année, N. 1,‎ , p. 154 (www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1983_num_38_1_411044)
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