Union patriotique des femmes belges
L’Union patriotique des femmes belges est une association féministe fondée par Jane Brigode et Louise van Den Plas le 8 aout 1914 à Bruxelles[1] - [2]. Fondée durant la première année de la Première Guerre mondiale, l’Union avait pour but de favoriser l’entraide entre les femmes ayant perdu leur travail à cause de l'Occupation et celles dont les maris étaient partis au front[3] - [4]. Cette association se voulait surtout caritative et ce davantage dans une optique patriotique[2] - [5]. Par après, vers les années 1920, l’Union va s'engager politiquement dans la lutte pour le suffrage universel[6]. En 1926, l'Union devient une ASBL[7].
Contexte historique
À la toute fin du dix-neuvième siècle, le féminisme devient de plus en plus revendicatif, ayant auparavant une dimension plus éducative[8]. Les premières associations réclamant une égalité politique mais surtout civile se font entendre[9]. La toute première association féministe ordonnée est créé en 1892, il s'agit de la Ligue belge du droit des femmes. Elle est fondée par Marie Popelin et Louis Franck[6]. Dans les années qui suivent d'autres associations naitront également que ce soit pour défendre la cause féministe en règle générale ou dans un but précis comme la lutte contre l’alcoolisme[6]. Et avant la guerre plusieurs progrès sont constatés notamment en ce qui concerne le travail des femmes[9]. Peu de temps avant le début de la guerre plusieurs associations se regroupent et fondent "La Fédération belge pour le suffrage féminin[9]" sous l'impulsion de Louise Van Den Plas et Jane Brigode. Malgré une approche féministe grandissante et une tension liée au suffrage universel, les lois en vigueur à l’époque autorisent les femmes à ne toucher qu’un salaire minimal[10]. Une certaine dichotomie des genres est maintenue dans les métiers et rôles des femmes[3].
Naissance
En 1914, la Grande Guerre éclate et en aout, la Belgique est occupée par les troupes allemandes[11]. Des hommes partent au front tandis que beaucoup de femmes aident à soigner les blessés ou restent chez elles à s'occuper de leurs enfants[3]. Les ouvrières, quant à elles, perdent leur travail à cause de l'arrivée des Allemands[3]. La famine et le manque de travail se font assez vite ressentir : le taux de chômage chez les femmes explose[3] - [4] et la crise touche tous les milieux sociaux[4]. Ne pouvant pas compter sur leur mari[12] ni même sur leurs emplois d'avant-guerre, les femmes doivent continuer à nourrir leur famille durant la guerre[3]. Certaines n'ont d'autres choix que de se prostituer pour avoir un revenu malgré la connotation extrêmement péjorative à l'époque[10] - [13] - [3]. En réaction à la guerre faisant rage, Jane Brigode et Louise van Den Plas discutent le 3 aout 1914 de la création d'un projet permettant "de centraliser les bonnes volontés et de les utiliser pour la meilleure répartition des activités féminines"[2]. Ce n'est que le 8 août que le projet est enfin accepté: elles créent alors l’Union Patriotique des Femmes Belges dans une optique d’entraides féminines[14] - [2].
DĂ©veloppement
L’Union Patriotique des femmes belges est fondée durant la Première Guerre mondiale en 1914 dans la ville de Bruxelles, rue de la Madeleine[1]. Sympathisant féministe, Paul Otlet mis à disposition la Maison du Livre où s'installe assez rapidement l'Union[1]. L’Union patriotique des femmes belges recrute plusieurs membres féministes dont la comtesse Jean de Mérode en tant que présidente d'honneur[15] - [2], Marie Parent[4] ou encore Marguerite Nyssens qui devient membre de plusieurs comités au sein de l'Union[4] - [2] - [7]. Plusieurs figures importantes telles que des comtesses et baronnes rejoignent les comités de collaboratrices et les comités consultatifs[2]. Dès le lendemain de sa fondation, l'Union voit son programme être publié par le Bulletin de la permanence des associations intellectuelles[2]. Elle se fait connaitre assez vite par la presse locale et son succès la prend de cours[2]. De nombreuses femmes sans travail viennent demander un soutien et surtout de l'emploi[3]. N'ayant pas les ressources nécessaires, l'Union essaie tant bien que mal de se faire financer grâce à des appels aux dons et "appels au public"[5] - [2]. Seulement ça n'est que lorsque l'Union s'associe au Comité national de secours et d'alimentation qui lui apporte des subsides et s'investit grandement dans l'œuvre, que son activité est véritablement lancée[2] - [1]. Tous deux décident de participer à la création d’emplois pour permettre aux femmes de subvenir aux besoins de leur famille et pour combattre le chômage causé par l'Occupation[14] - [3]. Des hommes sont également engagés en tant qu'ouvriers[2]. Néanmoins, toutes les femmes ne sont pas concernées par les aides : les prostituées en sont exclues d'un point de vue moral[3].
L'Union patriotique des femmes belges devient une "œuvre d'assistance au travail"[2] et organise en son sein plusieurs sections de travail : la section Aide et Protection aux dentellières, la section vêtements et la section des services domestiques[3]. Naturellement, les services proposés concernent des catégories de métiers qui suivent le schéma de la dichotomie des genres[3]. La section vêtements est la première à avoir vu le jour, les commandes passées sont nombreuses[2] - [1]. La production de tissus et vêtements tend a devenir une "industrie de guerre"[1]. Jusque là devenue presque inexistante, la demande dans le secteur de la dentelle augmente en 1915 car les États-Unis passe des commandes de dentelles assez conséquentes[1]. Les ateliers de dentellières prennent beaucoup d'ampleur et de nombreuses dentellières reprennent leurs activités[2] - [1]. En 1915, l'Union créée une nouvelle section - l’Œuvre belge du jouet - spécialisée dans la vente de jouets pour les enfants[16] - [3]. Bien que le but premier soit de créer davantage d'emplois, le choix de l'industrie du jouet n'est pas dénué de sens car cela permet de concurrencer la production allemande[1]. L'Union décide également d'organiser la Saint-Nicolas des enfants des dentellières[1]. Cette même année, sous la direction de l'Union et du CNSA[17], Marie Parent publie le "Fricot de la ménagère" donnant de nombreux conseils aux ménagères leur permettant de réduire les frais en utilisant un nombre restreint de produits alimentaires[18]. A son tour, Louise Van Den Plas promeut l'Union patriotique des femmes belges en publiant un article dans le journal "La Femme belge" en janvier 1915 à propos du rapport d'activités de 1914 de l'Union[2] - [4] - [19].
Entre-Deux-Guerres et relation avec d'autres associations
À la fin de la guerre, les espoirs concernant le droit de vote des femmes sont grands[9]. L’Union patriotique des femmes belges s’associe notamment avec la Fédération belge pour le suffrage des femmes et le Conseil national des femmes belges[10]. La question du suffrage universel se pose de plus en plus grâce l’implication féminine durant l’occupation[20]. La déception est grande à la suite du refus des socialistes et des libéraux d’élargir le droit de vote aux femmes par peur de voir le parti catholique gagner en puissance[8]. En contrepartie les femmes reçoivent le droit de vote et d'éligibilité au niveau communal[20]. L’Union tiendra plusieurs conférences dans les années 1920 portant sur l'éducation politique des femmes[10].
Le 25 janvier 1921 en compagnie de l'Union, du CNFB[21] et de la Ligue belge du droit des femmes est fondé "Le Parti général des femmes belges" qui se centre sur des sujets liés à la cause féministe comme la prostitution, l’alcoolisme, la débauche et le péril vénérien[10]. Le parti se présente sur des listes communales mais également législatives[10]. Les listes sont refusées : c'est un échec[10].
Ne désespérant pas, l'Union patriotique publie, en 1922 sous la direction de Jane brigode et Louise Van Den Plas, un "avant-projet de loi relatif aux régimes matrimoniaux et élargissant la capacité civile de la femme mariée"[15].
Une des dernières actions politiques de l'Union est sa collaboration en 1924 avec la Ligue national belge contre le péril vénérien dans la lutte contre "l'immoralité et la débauche "[15].
En 1923 l'Union prend le contrôle du Lyceum club de Belgique fondé par Marie Popelin et Élise Soyer en 1908 et le réorganise[14]. Ce club avait été créé pour permettre des échanges entre des femmes autour de domaines culturelles et également de rencontrer des personnalités féminines étrangères qui passaient par la Belgique[14] - [7].
L'Union patriotique des femmes belges obtient le statut d'association sans but lucratif en 1926[7]. Dans le début des années 1930, elle devient de moins en moins active et est presque inexistante[10].
Notes et références
- Serge Jaumain, Paul-André Linteau (dir.), Vivre en ville : Bruxelles et Montréal XIXe et XXe siècle, Bruxelles, P.I.E. Pieter Lang, , 375 p. (ISBN 9052013349), p. 147-149.
- Jane Brigode, Union patriotique des femmes belges. Rapport présenté au Comité national de secours et d'alimentation. 8 Août 1914-28 février 1915, Bruxelles, J-E Goossens, , 20 p. (lire en ligne).
- (en) Eliane Gubin, Els Flour et Marie Kympers, « Mobilisation des femmes pour la guerre (Belgique) », sur Encyclopédie internationale de la Première Guerre mondiale, (consulté le ).
- Suzanne van Rokeghem, Jacqueline Aubenas, Jeanne Vercheval-Vervoort, Des femmes dans l'histoire en Belgique, depuis 1830, Luc Pire Editions, , 303 p. (ISBN 2874155233), p. 93.
- Union Patriotique des femmes belges, carte postale - don de Charles Lefébure, Bruxelles, (lire en ligne)
- catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du 19e siècle aux années 1970 », courrier hebdomadaire CRISP,‎ (ISSN 0008-9664, lire en ligne).
- Marguerite Nyssens.
- Catherine Jacques, les féministes belges et les luttes pour l'égalité politique et économique 1918-1968, bruxelles, académie royale de Belgique, , 282 p. (ISBN 978-2-8031-0342-3).
- Françoise Le Jeune (dir.), paroles de femmes dans la guerre 14-18, femmes en Belgique occupée, 1914-1918., CRINI, , 217 p. (ISBN 2-9521752-2-5), p. 43-62.
- Catherine Jacques, Le féminisme en Belgique de la fin du 19e siècle aux années 1970, CRISP, , 54 p..
- Occupation allemande de la Belgique pendant la Première Guerre mondiale.
- Paul Gérin - assistant à l'Université de Liège, Louise Van den plas et les débuts du "féminisme chrétien de Belgique", p. 272.
- (nl) D. de Weerdt, de vrouwen van de eerste wereldoorlog, Gent, Stichting mens en cultuur, (ISBN 90 72931 48 3), p. 620
- X : Université Libre de Bruxelles, chap. 1. Les associations féministes d'une guerre à l'autre, Bruxelles, p. 24-28
- Eliane Gubin, Dictionnaire des femmes belges : XIXe et XXe siècles, Racine Lannoo, , 637 p. (ISBN 2873864346), p. 136, 80.
- Union patriotique des femmes belges - section Oeuvre belge du Jouet, carte postale, Bruxelles, 1914-1918 (lire en ligne).
- Comité national de secours et d'alimentation.
- Marie Parent, Le Fricot de la ménagère, Bruxelles, Imprimerie Scientifique Charles Bulens, , 16 p. (lire en ligne).
- Le Rapport d'activités rédigé par Jane Brigode est destiné au Comité national de secours et d'alimentation et renseigne de nombreuses informations clefs à propos de l'année 1914 écoulée.
- Françoise Le Jeune (dir.), paroles de femmes dans la guerre (1914-1918), Nantes, CRINI, , 217 p. (ISBN 2-9521752-2-5), p. 43-62.
- Conseil national des femmes belges
Bibliographie
- Jane Brigode, Union patriotique des femmes belges. Rapport présenté au Comité national de secours et d'alimentation. 8 août 1914-28 février 1915, Bruxelles, J-E Goossens, 1915, 20 p.
- Denise De Weert, de vrouwen van de eerste wereldoorlog, Gent, Stichting mens en cultuur, 1993, p. 620.
- Paul Gérin, Louise Van Den Plas et les débuts du féminisme chrétien, 1969, p. 272.
- Éliane Gubin, Françoise Le Jeune (dir.), paroles de femmes dans la guerre (1914-1918), Nantes, CRINI, 217 p., p. 43-62.
- Éliane Gubin, dictionnaire des femmes belges : XIXe et XXe siècles, Racine Lannoo, 2006, 637p.
- Éliane Gubin, Els Flour et Marie Kympers, "mobilisation des femmes pour la guerre (Belgique), sur Encyclopédie international de la Première guerre mondiale, 21 septembre 2016.
- Catherine Jacques, Le féminisme en Belgique de la fin du 19e aux années 1970, CRISP, 2009, 54 p.
- Catherine Jacques, les féministes belges et les luttes pour l'égalité politique et économique 1918-1968, Bruxelles, académie royale de Belgique, 2013, 282 p.
- Serge Jaumain, Paul-André Linteau,.(dir.), Vivre en ville : Bruxelles et Montréal XIXe et XXe siècle, Bruxelles, P.I.E. Pieter Lang, 2006, 375 p.
- Marie Parent, Le Fricot de la ménagère, Bruxelles, Imprimerie Scientifique Charles Bulens, 2015, 16 p.
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- Valérie Piette, Françoise Le Jeune(dir.), paroles de femmes dans la guerre (1914-1918), Nantes, CRINI, 217 p., p.193-206.
- X : Université Libre de Bruxelles, Chap. 1: les associations féministes d'une guerre à l'autre, Bruxelles, p. 24-28.
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