Accueil🇫🇷Chercher

Tractatus de purgatorio sancti Patricii

Le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii (TraitĂ© sur le purgatoire de saint Patrick) est un texte latin Ă©crit vers 1180-1184 par un moine cistercien du Huntingdonshire, qui se prĂ©sente sous le nom d'H. (traditionnellement interprĂ©tĂ© comme « Henry Â») de Saltrey (aujourd'hui Sawtry), un moine cistercien. Au XIIe siècle, l'Ĺ“uvre a Ă©tĂ© adaptĂ©e en anglo-normand par la poĂ©tesse Marie de France sous le titre L'Espurgatoire Seint Patriz.


L'entrée de l'île du purgatoire de Saint-Patrice, un des plus vieux site de pèlerinage.

Le christianisme du Moyen Âge fut une période fertile en visions de l’au-delà. La mise à l’écrit du sort que Dieu réserve à ceux qui n’obéissent pas, ne se convertissent pas et ne vivent pas leur vie le plus pieusement possible était un outil très utile pour assurer la conversion des peuples les plus têtus. Vers la fin du XIIe siècle, plusieurs visions circulaient déjà sur l’organisation de la vie après la mort, comment elle était vécue, le tout rapporté par des personnes vivantes et chanceuses d’avoir vu de telles merveilles. Les Irlandais étaient un peuple similaire, qui refusaient de croire en cette nouvelle religion s’ils ne pouvaient pas eux-mêmes voir les récompenses et les conséquences qui s’associaient avec cette nouvelle religion. C’est dans ce contexte que se situe l’écriture du Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii.

Auteur

Peu est connu sur l’auteur du Tractatus. Nous savons qu’il se nomme H. de Saltrey, que nous surnommons Henri[1].  Il Ă©tait moine Cistercien au 12e siècle, et connu Gilbert de Louth après son temps en tant qu’abbĂ© de Basingwerk[2].  Nous savons aussi que Henri composa cette Ĺ“uvre pour et Ă  la demande de l’abbĂ© de Sartis[3], mais des dĂ©bats ont encore lieu sur le nom et la date de cet abbĂ©[4] - [2].  L’abbaye de Sartis est Ă©galement appelĂ©e Sainte-Marie de Sartis ou Warden/Wardon.

Période d’écriture et évolution du texte

Du texte de H. de Saltrey, nous avons aujourd’hui plusieurs versions. Cela atteste sa popularitĂ© dans la culture arthurienne de l’époque Ă  laquelle il fut rĂ©digĂ©[5].  Deux versions en particulier furent identifiĂ©es ; une version courte α, et une version longue β.  Tous deux identifiĂ©es par Ward, les textes sont dans le musĂ©e de Grande-Bretagne[3].  Ces versions n’ont pas de dates de rĂ©daction et causent des problèmes pour ceux qui tentent de la dater Ă  cause du manque d’information.  Plusieurs se sont essayĂ©s, mais nous n’avons toujours pas de date concluante Ă  offrir en ce moment. Ci-dessous se trouvent les thĂ©ories les plus populaires quant Ă  la datation de l’écriture du texte original.

Lucien Foulet, 1908

Le plus gros dĂ©bat sur ce texte est la date d’écriture exacte.  Beaucoup ont tentĂ© de trouver la date de rĂ©daction du texte original par H. de Saltrey. Le dĂ©bat historique sur la datation est encore en cours aujourd’hui. Lucien Foulet traite le sujet en 1908, dans son texte Marie de France et la LĂ©gende du Purgatoire de Saint Patrice[3].  Dans son texte il cherche la date originale d’écriture, ou une approximation, pour pouvoir dater la traduction faite par Marie de France du Tractatus. Pour ce faire, Foulet regarde de plus près l’évolution du Tractatus dans le temps avec son gain de popularitĂ©. Foulet indique que l’évolution du texte peut ĂŞtre suivie avec les ajouts faits aux textes par les copistes au fil de son gain de popularitĂ©, et de la place de l’Épilogue, qui fĂ»t changĂ© de sa place Ă  la fin du mythe d’Owein Ă  la fin du texte qui sera finalement connu comme Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii. Foulet n’a pas tort en appelant H. de Saltrey comme un homme prudent[3] ; son introduction et son Ă©pilogue sont dĂ©diĂ©es Ă  justifier la vision expĂ©rimentĂ©e par le chevalier irlandais dans la cave menant au Purgatoire de Saint Patrice. Ă€ la suite de cela, Foulet identifie les rĂ©cits ajoutĂ©s par des copistes postĂ©rieurs qui emploient ses ajouts pour expliquer et justifier encore plus ce que l’irlandais subit sous terre, Ă  Lough Derg.  Les deux homĂ©lies sont ainsi ajoutĂ©es par un premier copiste[3], et deux autres copistes ont Ă©galement fait des additions au texte original pour le « complĂ©ter ».  Comme preuve, Foulet dĂ©montre que l’anecdote de l’irlandais qui ignorait que l’homicide est un pĂ©chĂ© mortel n’est pas dans toutes les versions des textes qui nous restent aujourd’hui ; il appairait que dans 6 des 12 manuscrits que le Moyen Ă‚ge nous a laissĂ©s[3].  Foulet remonte le plus loin possible pour trouver sur quelle version du texte Marie de France s’est basĂ©e sur ces traductions, cependant il ne mentionne que peu de dates prĂ©cises pour dĂ©terminer la pĂ©riode d’écriture.

F. W. Locke, 1965

F. W. Locke tente de donner une tranche de date dans son texte publiĂ© en [4]. Dans son travail, il se base sur le travail de Van Der Zanden, fait en 1925, et sur le texte de Lucien Foulet, qui donne 1180 Ă  1183 comme pĂ©riode possible de rĂ©daction[4] - [3]. Il base son travail sur une des personnes mentionnĂ©es par H. de Saltrey, l’abbĂ© H. de Sartis Ă  qui est dĂ©diĂ© l’écriture de la vision de l’au-delĂ . Locke associĂ© H. de Sartis Ă  Henri de Sartis, abbĂ© dont nous connaissons seulement la date de dĂ©part de son abbaye, en 1215[4]. Locke place donc son temps en tant qu’abbĂ© entre 1170 et 1215, et donne la date 1190 comme possible date d’écriture du Tractatus. Cet avis ne fait pas l’unanimitĂ©.

Robert Easting, 1978

Robert Easting rĂ©pond directement aux dates donnĂ©es par F. W. Locke en 1978[2]. Il commence par donner les dates traditionnellement donnĂ©es par les autres auteurs de la spĂ©cialitĂ©, soit Foulet et Ward, et analyse le travail de Locke pour faire un rĂ©sumĂ© des dĂ©veloppements des auteurs avant lui. Easting soulève un point cependant très intĂ©ressant, sur la dĂ©dicace de H. de Saltrey pour H. de Sartis, que Locke avait identifiĂ© comme Henri de Sartis, 1170 Ă  1215[4]. Easting mentionne dès les premières lignes que le but de son article et de dĂ©montrer comment Locke s’est trompĂ© dans la datation du Tractatus.[2] Il explique comment Locke s’est basĂ© sur une possibilitĂ© donnĂ©e par Ward que H. de Sartis pĂ»t possiblement ĂŞtre Henri, a pris ce donnĂ© pour acquis, et que les dates possibles pour la rĂ©daction du Tractatus peuvent en fait ĂŞtre placĂ©es presque qu’une dĂ©cennie avant la datation traditionnelle de la fin des annĂ©es 1180-1190.  Easting avance la thĂ©orie que H. de Sartis ne soit pas Henri, mais plutĂ´t Hugh, ou Hugo, un abbĂ© qui est listĂ© comme Ă©tant en fonction dans l’abbaye de Wardon entre circa 1173 Ă  avant 1185[2]. Il amène des faits clairs et prĂ©cis sur ce que nous connaissons rĂ©ellement sur la rĂ©daction du Tractatus et fait dĂ©monstration de la place de Hugo de Sartis dans tout cela. Ces faits sont les annĂ©es d’abbĂ© de Gilbert de Louth et le fait qu’il n’était effectivement plus abbĂ© de Basingwerk lorsqu’il racontât son histoire et celle d’Owein Ă  H. de Saltrey et ses collègues.  Il amène aussi le problème du règne de StĂ©phane et de la datation douteuse du dit règne. Il amène aussi le fait qu’une autre vision contemporaine au Tractatus, La Vision de Turchill[6],fait allusion au texte du moine cistercien[2]. Il y a aussi les Liber reuelationum de Peter de Cornwall, Ă©crite de 1197 Ă  1221, et qui font Ă©galement mention au Tractatus, et qui est donc preuve que le texte de la vision du chevalier irlandais Ă©tait dĂ©jĂ  bien connu Ă  ce moment et devait donc ĂŞtre Ă©crit avant 1200.

Quant aux dates pour l’abbĂ© de Hugh, il s’agit de 1173 Ă  1181, une tranche de date très possible comme pĂ©riode de rĂ©daction pour le texte. C’est pourquoi Easting, dans son travail, place la rĂ©daction dans les environs des annĂ©es 1179 Ă  1181, une date qu’il dit pouvoir intĂ©resser ceux qui travaillent sur la traduction de Marie de France[2].

Résumé de la vision

Le chevalier Owein se présentant au monastère pour demander permission d'entrer dans le Purgatoire

Contexte d'Ă©criture de la vision[5]

La vision commence avec une introduction par l’auteur, H. de Saltrey, expliquant ses raisons de transmettre Ă  l’écrit l’histoire qu’il entendu par un autre moine cistercien qui un jour rendu visite Ă  son monastère. Ă€ la suite de son introduction prudente, et de la citation de GrĂ©goire le Grand et Saint Augustin, il commence son rĂ©cit en dĂ©crivant la naissance du saint lieu connu comme le purgatoire de Saint Patrice, et la conversion des Irlandais au christianisme de leur paganisme.  Saint Patrice, dĂ©terminĂ© Ă  ne pas abandonner les Irlandais aux flammes de l’enfer, pria Ă  Dieu de lui donner les outils pour montrer aux gens de l’île une preuve de l’existence du devin et repentir ainsi leur vie de pĂ©chĂ©, tel l’homme qui vint lui confier ses propres pĂ©chĂ©s pour ĂŞtre pardonnĂ©.  Dieu Ă©couta son favori et le conduisit Ă  ce trou dans le sol, l’entrĂ©e du lieu de purification qui montrerait aux plus braves les malheurs des pĂ©cheurs et les bonheurs des croyants, ce que les Irlandais dĂ©siraient plus que tout avant de se convertir. Saint Patrice pris des prĂ©cautions pour protĂ©ger le lieu et ceux qui dĂ©siraient si aventurer, car il ne s’agissait pas simplement d’une vision de l’au-delĂ , mais un voyage duquel certains qui n’avait pas la fois dans leur cĹ“ur ne revenait jamais.  

La réalisation d'Owein

Henri de Saltrey commence ensuite le rĂ©cit d’Owein, chevalier Ă  la cour du Roi Étienne (Carol G Zaleski et Robert Easting le nomment King Stephen[7] - [1]). Un jour il eut une prise de conscience pendant un voyage dans son pays natal et alla confier ses pĂ©chĂ©s Ă  l’évĂŞque.  L’évĂŞque Ă©tait prĂŞt Ă  lui donner une pĂ©nitence, mais Owein insista que seulement la plus dure des rĂ©parations pour ses fautes et demanda la permission d’aller dans le Purgatoire de Saint-Patrice, comme Ă©tait la tradition.  Face Ă  son insistance, l’évĂŞque lui permit[7].

Voyage vers l'île et préparations

Arrivé sur l’île, il rencontre l’abbé du site qui lui aussi le suppliât de repenser ce qu’il planifie de faire. Owein refuse de changer d’idée et donc il entreprend les rites préparatoires pour la descente dans le Purgatoire. Ces rites incluent 15 jours de jeûnes et de prières dans le monastère du Purgatoire, des rites le préparant à sa possible mort. Après ces 15 jours, et une dernière tentative de l’abbé de l’en dissuader, il entra dans la caverne du purgatoire pour les 48 heures de confinement[8].

Les tourments du chaudron tel que vu par Owein au Purgatoire

L'au-delĂ 

Dans la cave du purgatoire, Owein se dirigea premièrement dans une salle d’une beautĂ© tellement grande qu’il douta que sa construction fĂ»t de mains humaines.  Ă€ l’intĂ©rieur il pria et rencontra 15 personnes Ă  l’allure religieuse, qui le prĂ©viennent des tortures Ă  venir et l’informent de comment Ă©chapper au supplice des dĂ©mons.  Après leur dĂ©part, Owein fut pris par les dĂ©mons et fut amenĂ© en Enfer, oĂą les âmes des dĂ©funts connaissaient des souffrances pour leur pĂ©chĂ©.  Il observe des pĂ©cheurs clouĂ©s au sol par des clous brĂ»lants, plongĂ© dans des chaudrons de liquide et mĂ©tal bouillants, suspendu Ă  des roues de feu; voici quelques-unes des tortures que le chevalier mentionne. Owein lui-mĂŞme subit ces tortures. Ă€ chaque fois il arrive Ă  se sauver seulement par le nom de JĂ©sus Christ.  Ă€ la suite des 10 tortures qu’il connut dans l’enfer, les dĂ©mons l’amenèrent pour passer le pont qui mène au Paradis terrestre. Ce pont semble petit et fragile lorsqu’Owein le remarque en premier. Mais grâce Ă  son amour et sa foi en Dieu, le pont s’élargit et se solidifie, et il passa sans problèmes vers le Paradis terrestre.  LĂ , il rencontra deux archevĂŞques qui lui expliquèrent le fonctionnement de ces lieux, lui montra le vrai Paradis. Owein est tĂ©moin des bienfaits de ce lieu, et ne veut pas quitter. Les Ă©vĂŞques l’avertissent cependant qu’il doit quitter, car il est temps. Ils le raccompagnèrent sur terre, ou il quitte le Purgatoire de Saint-Patrice[9].

La torture des aiguilles

Le retour

Ă€ son retour, Owein est accueilli par les moines du monastère. Il termine son pĂ©riple avec une autre pĂ©riode de 15 jours de jeĂ»ne avant d’écrire sa descente dans les livres du monastère.  Ă€ la suite de cela, Owein dit avoir Ă©tĂ© Ă  JĂ©rusalem avant de retourner auprès de son roi et demander libĂ©ration pour aller servir dans l’ordre monastique de son choix.  Ici, les versions peuvent varier.  Pour Micha, il dit que le roi dit Ă  Owein que de continuer de servir dans son armĂ©e sera un service suffisant, et il l’envoya plutĂ´t avec Gilbert de Louth, abbĂ© qui Ă©tait en Irlande pour fonder un monastère et celui qui raconta l’histoire Ă  H. de Saltrey. Pour d’autres, Owein demeure un chevalier.

L’importance des caves en Irlande

La vision d’Owein, comme nous l’avons vu, se passe principalement dans une cave.  Le Purgatoire de Saint-Patrice n’est pas la seule cave cependant Ă  ĂŞtre important en Irlande. Beaucoup de Saints sont associĂ©s Ă  des retraites souterraines et des caves similaires Ă  celle qu’Owein a visitĂ©e[10].  Plus d’une vingtaine de caves Ă  travers l’Irlande sont associĂ©es Ă  une figure religieuse. Lough Derg, qui se traduit en Lac Rouge[8], Ă©tait un lieu dĂ©jĂ  associĂ© Ă  Saint-Patrice avant que le purgatoire y soit relocalisĂ©.  Avant que le Purgatoire de Saint-Patrice se retrouve dans une cave sur une Ă®le, il Ă©tait traditionnellement sur une montagne[8] - [7]. Yolande de Pontfarcy explique aussi l’importance pour l’ancienne Irlande des « zones frontières spatiales et temporelles […] »[11].

Station Island en Irlande.

Le lieu du Purgatoire

La cave originale fut soit sur Station Island, soit sur Saint Island[10].  Cependant la localisation est indĂ©cise entre les deux Ă®les. Lough Derg Ă  sa propre mythologie qui n'est pas directement reliĂ©e au Purgatoire de Saint-Patrice.  Le mythe implique un serpent gĂ©ant et un hĂ©ros nĂ©gligent[8]. Ce mythe prĂ©date le christianisme en Irlande, mais sera modifiĂ© pour inclure des Ă©lĂ©ments chrĂ©tiens sous forme de l’intervention de Saint-Patrice, après que le hĂ©ros Conan revient pour rĂ©parer son erreur et emprisonne le serpent dans le lac[8].  Toujours selon la lĂ©gende, ce serait le sang du serpent qui aurait teintĂ© les eaux du lac de rouge. Il est possible que les traditions de Lough Derg comme lieu vers l’au-delĂ  prĂ©date les chrĂ©tiens.  Il y a sur place des traces de monastères celtiques qui avaient Ă©tĂ© Ă©rigĂ©s sur place autrefois[7], et les mythes celtiques placent Ă©galement l’entrĂ©e de l’au-delĂ  dans l’Ouest sur une Ă®le[7].

Traditions de pèlerinage

Les caves en Irlande avaient aussi une longue tradition de pèlerinage. Surtout en ce qui concerne le Purgatoire de Saint-Patrice, qui semble prĂ©dater le Tractatus[7].  Le texte d’Henri de Saltrey attira l’attention europĂ©enne, et avec des centaines de pèlerins prĂŞts Ă  payer pour se recueillir Ă  cet endroit saint[10]. Il y a beaucoup de documents qui dĂ©crivent ces pèlerinages, surtout entre le XIIe et le XVe siècle. En tout  27 pèlerins entreprirent le voyage, provenant d’Angleterre, de France, d’Italie, et de beaucoup d’autres pays chrĂ©tiens.  Certains mĂŞme passèrent 24 heures dans la cave, oĂą ils vĂ©curent des visions du purgatoire et des tourments physiques.  Owein dans la vision dĂ©crit une structure Ă  la fin de la cave, si magnifique qu’il ne peut la dĂ©crire convenablement[6].  D’autres descriptions sont parvenues Ă  nous, toutes peu descriptive de l’espace Ă  l’intĂ©rieur de la cave et comment elle Ă©tait amĂ©nagĂ©e Ă  l’intĂ©rieur[10].  La cave fut effectivement dĂ©truite sous les ordres du pape Alexandre V et Alexandre VI[9].  Les moines ont cependant usĂ© de plusieurs ruses pour garder le pèlerinage en ce lieu vivant jusqu’au XXIe siècle, malgrĂ© les multiples tentatives de dĂ©truire la longue tradition de pèlerinage en ce lieu.

Le Purgatoire de Saint-Patrice comme modèle littéraire

Le récit fait par le moine de Saltrey n’est pas un récit hors de l’ordinaire. Il s’inscrit plutôt dans la littérature traditionnelle de l’époque[11]. Elle semble reproduire les thèmes d’une autre vision celle de Drycthelm, dans son arrangement et la structure de l’espace de l’au-delà. La façon d’écrite d’Henri de Saltrey dans la version courte de la vision lui permet également de rajouter des visions de l’Ancien Testament aux tourments démontrés aux enfers. La visite du paradis quant à elle se fait sur trois chapitres, permettant d’exprimer tous les ressentis d’Owein lorsqu’il y est sur le plan physique, intellectuel et spirituel. Yolande de Pontfarcy explique que le récit fait par le moine anglais de l’aventure du chevalier irlandais s’inscrit également dans l’idée de jugement et de fascination avec la culture irlandaise, née vers 1088 avec l’installation des Normands en Irlande. Le Tractatus est un texte romantique d’un chevalier prêt à tout pour se faire pardonner les violences commises au combat, mais aussi un avertissement[7]. La légende fut une tradition orale avant de devenir un récit écrit, raconter par Gilbert de Louth à Henri de Saltrey. Ainsi il est difficile de situer l’évolution de la vision avant les premiers textes décrivant la vision. Il n’en reste pas moins que l’histoire d’Owein s’inscrit facilement dans les traditions de l’époque et peut même sembler familière à ceux qui en ont lu plusieurs autres[7].

Manifeste Cistercien

Carol G. Zaleski explique dans son texte comment le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii s’inscrit dans un changement de réforme vers l’école Cistercienne[7]. Le Tractatus prend place sur trois monastères cisterciens pour commencer. Ce serait une partie d’une « Manifeste cistercien » (cistercian manifesto) qui aurait pour but de mettre en valeur le moine blanc comme meilleur successeur à Saint Patrice pour « dompter » l’Irlande. Owein retourne dans le monde physique changer, dévoué à la cause cistercienne et convaincu de leur supériorité au paradis. Avec la popularité du texte, un tel support pour un ordre en particulier est sûr de trouver plusieurs adeptes qui vont se convertir. Les cisterciens étaient très sensibles à cette propagande de visions dans le Haut-Moyen âge et ont produit plusieurs visions avec les mêmes messages cachés. Deux exemples de l’utilisation de voyages dans l’au-delà comme message subtil de la supériorité cistercienne nommée par Carol G. Zaleski sont Grégoire le Grand et Bède, qui présentent des voyageurs de l’au-delà complètement changés pour le mieux à leur retour.

Inspirations littéraires

En ce qui concerne le côté fictif de la vision, la visite de l’au-delà à un certain défaut ; certes l’observation des peines des pêcheurs est possible, mais il n’est indiqué nulle part comment ces pécheurs se sont retrouvés punis de la sorte[11]. Il est impossible de savoir pourquoi ils sont punis, Owein n’en fait pas mention. Il ne fait que décrire les tortures qu’il a vues et subit. Owein démontre également que tout le monde peut être sauvé de ces supplices, il suffit de se souvenir du nom de Christ[11].

La vision d’Owein fut indiscutablement très populaire au XIIe siècle, mais plus elle se répandit, plus elle fut traduite et inspira d’autres visions. À la fin du XIIe siècle, Marie de France adapta le Tractatus en anglo-normand sous le nom L'Espurgatoire Seint Patriz. Une inspiration notable du Purgatoire de Saint-Patrice est la Comédie Divine de Dante[9]. Shakespeare y fait mention dans Hamlet (« Yes, by Saint Patrick… Touching this vision here, / It is an honest ghost, that let me tell you »(I, 5, 11. 146-38)) et il n’est pas le seul à prendre inspiration de la vision du chevalier[7]. Beaucoup d’auteurs trouveront de l’inspiration dans le récit du chevalier qui a bravé le purgatoire pour se purifier de ces péchés.

Sources

  1. (en) Robert Easting, « Owein at St Patrick's Purgatory », Medium Ævum, vol. 55, no 2,‎ , p. 159 (DOI 10.2307/43628987, lire en ligne, consulté le )
  2. (en) Robert Easting, « The Date and Dedication of the Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii », Speculum, vol. 53, no 4,‎ , p. 778-783 (ISSN 0038-7134 et 2040-8072, DOI 10.2307/2849786, lire en ligne, consulté le )
  3. Lucien Foulet, « Marie de France et la Légende du Purgatoire de Saint Patrice », Romanische Forschungen, vol. 22, no 2,‎ , p. 559-627 (ISSN 0035-8126, lire en ligne)
  4. (en) F. W. Locke, « A New Date for the Composition of the Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii », Speculum, vol. 40, no 4,‎ , p. 641-646 (ISSN 0038-7134 et 2040-8072, DOI 10.2307/2851401, lire en ligne, consulté le )
  5. Micha, Alexandre., Voyages dans l'au-delà : d'après des textes médiévaux, IVe – XIIIe siècles, Paris, Klincksieck, , 195 p. (ISBN 2-252-02876-9 et 978-2-252-02876-6, OCLC 32746172, lire en ligne)
  6. Micha, Alexandre., Voyages dans l'au-delà : d'après des textes médiévaux, 1Ve-XIIIe siècles, Paris, Klincksieck, , 195 p. (ISBN 2-252-02876-9 et 978-2-252-02876-6, OCLC 32746172, lire en ligne), p. 152
  7. Carol G. Zaleski, « St. Patrick's Purgatory: Pilgrimage Motifs in a Medieval Otherworld Vision », Journal of the History of Ideas, vol. 46, no 4,‎ , p. 467 (DOI 10.2307/2709540, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) William Pinkerton, « Saint Patrick's Purgatory: Part 2. Mediæval History: Legend of the Knight », Ulster Journal of Archaeology, vol. 4,‎ , p. 101-117 (ISSN 0082-7355, www.jstor.org/stable/20608797)
  9. Dowd, Marion,, The archaeology of caves in Ireland, , 320 p. (ISBN 978-1-78297-816-9, 1-78297-816-X et 1-78297-813-5, OCLC 907811631, lire en ligne)
  10. (en) Bergsvik, Knut. et Dowd, Marion., Caves and Ritual in Medieval Europe, AD 500-1500., Oxbow Books, Limited, (ISBN 978-1-78570-833-6 et 1-78570-833-3, OCLC 1022783347, lire en ligne)
  11. Yolande de Pontfarcy, « Justice humaine et justice divine dans la Visio Tnugdali et le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, no 26,‎ , p. 199–210 (ISSN 2115-6360 et 2273-0893, DOI 10.4000/crm.13406, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie

  • (en) Michael David Berzebat, « “He Doubted That These Things Actually Happened”: Knowing the Otherworld in the Tractatus De Purgatorio Sancti Patricii », History of Religions, vol. 57, no 4,‎ , p. 321-347.
  • (en) Knut Andreas Bergsvik et Marion Dowd, Caves and ritual in medieval Europe, AD 500-1500, Oxbow Books, .
  • (en) Marion Dowd, The archaeology of caves in Ireland, Oxbow Books, .
  • (en) Robert Easting, « Owein at St Patrick’s Purgatory », Medium Aevum, vol. 55,‎ .
  • (en) Robert Easting, « The Date and Dedication of the Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii », Speculum, vol. 53, no 4,‎ , p. 778-783.
  • Lucien Foulet, « Marie de France et la LĂ©gende du Purgatoire de Saint Patrice », Romanische Forschungen, vol. 22, no 2,‎ .
  • (en) F. W. Locke, « A New Date for the Composition of the Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii », Speculum, vol. 40, no 4,‎ , p. 641-646
  • Alexandre Micha, Voyages dans l’au-delĂ  d’après des textes mĂ©diĂ©vaux IVe – XIIIe siècle, Klincksieck, .
  • (en) William Pinkerton, « Saint Patrick’s Purgatory: Part 2. Mediæval History: Legend of the Knight », Ulster Journal of Archaeology, vol. 4,‎ , p. 101-117
  • Yolande de Pontfacy, « Justice humaine et justice divine dans la Visio Tnugdali et le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii », Cahiers de recherches mĂ©diĂ©vales et humanistes. Journal of medieval and humanistic studies, no 26,‎ , p. 199-210
  • (en) Carol G. Zaleski, « St. Patrick’s Purgatory: Pilgrimage Motifs in a Medieval Otherworld Vision », Journal of the History of Ideas, vol. 46, no 4,‎ , p. 467-485
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.