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Théorie des trois âges des archives

La théorie des trois âges des archives est une thèse selon laquelle le cycle de vie d'un document d'archives connaît trois phases : une période dans laquelle il sert pour son utilité première, une deuxième étape intermédiaire dans laquelle il est archivé provisoirement et reste accessible en cas de besoin imprévu, puis un dernier stade qui consiste dans son archivage pérenne.

Historique

Sur la base des réflexions de l'administration fédérale américaine pour améliorer son fonctionnement dans les années 1940-1950[1] et des travaux de Theodore R. Schellenberg dans les années 1950, Yves Pérotin développe cette théorie dans un article de 1961 puis dans le Manuel d'archivistique français de 1970[2] afin de répondre aux difficultés de communication entre les Archives nationales et l'administration. Yves Pérotin souhaitait inciter les administrateurs en France à prendre mieux en considération la conservation des documents qu'ils produisent, en développant l'idée d'un archivage à plusieurs niveaux et espacé dans le temps et en sensibilisant les archivistes à la valeur administrative et non seulement historique des documents[3].

Ce modèle connaît une reconnaissance juridique en France avec l'adoption de la loi du , qui établit une définition légale des archives publiques et privées, leur conservation et leur usage. Il constitue l'un des axes qui détermine la sélection, donc le tri et l'élimination, des documents publics. Le décret du ajoute une disposition précisant que le triage des documents ne doit s'effectuer avant la perte de leur utilité administrative, sans toutefois indiquer de manière plus opérante la durée de vie d'une archive courante ou le moment effectif du tri. En Allemagne existe un système d'enregistrement des documents (la Registratur), en Angleterre des fonctionnaires (record officers) chargés des archives courantes qui répondent de manière plus pertinente à ce besoin[3]. Au Québec, le modèle en trois phases est officiellement incorporé dans la pratique archivistique depuis 1983 en raison de la Loi sur les archives, qui impose aux archivistes du secteur public d'élaborer des calendriers de conservation selon les cycles actifs, semi actifs et inactifs des documents[4].

Les trois âges

Premier âge : les archives courantes

Les archives entrent dans leur phase courante dès leur validation. Les archives courantes ont une valeur primaire, c’est-à-dire qu'elles sont utilisées pour les mêmes raisons que celles ayant mené à leur création. Puisqu’elles correspondent aux documents qui sont nécessaires aux opérations quotidiennes d’un organisme, elles sont disposées de manière à être accessibles rapidement pour leurs utilisateurs[5].

Second âge : les archives intermédiaires

Les archives entrent en mode intermédiaire à la fin de leur usage courant. Elles continuent d’être consultées pour leur valeur primaire, mais il n’est pas nécessaire, pour l’organisme, de s’y référer aussi fréquemment. Elles doivent tout de même être conservées pour diverses raisons (légales, par exemple). Pour des besoins d'espace, elles sont généralement placées en retrait des archives courantes[5].

Troisième âge : les archives définitives

Lorsque les archives atteignent leur échéance légale ou interne, elles entrent dans la phase inactive. Deux options sont alors possibles: soit elles sont éliminées, soit elles sont conservées à titre d'archives définitives. Les documents qui sont conservés le sont pour leur valeur secondaire (valeur de témoignage)[5].

Critiques

À l'ère où la masse documentaire est en voie de devenir essentiellement numérique, la pertinence de penser les documents en trois cycles est discutée. Entre autres, le stade intermédiaire de conservation ne semble plus aussi essentiel qu'à l'époque où la quantité importante de documents papier créait des problèmes d'espace[6]. Dans les années 1990, une vague de remises en question de la théorie des trois âges est amenée par les tenants du Records Continuum, théorie alternative qui propose une approche intégrée de l'archivistique, moins linéaire et adaptée aux documents numériques[7]. De plus, la théorie des trois âges a l'inconvénient de laisser supposer que la valeur d'un document s'accroît mécaniquement avec le temps plutôt que d'interroger son intérêt – donc le traitement qu'il nécessite – dès sa création. En outre, les trois étapes peuvent se subdiviser et le caractère ternaire du cycle apparaît alors schématique. Elle demeure intéressante pour penser la chaîne documentaire mais moins pertinente pour fonder la pratique archivistique[1].


Bibliographie

  • Anne Burnel, « Vers une nouvelle pratique archivistique », Quand l'archivage devient électronique... Actes du colloque international organisé par les Archives diplomatiques et les Archives nationales, 5-, p. 15-24
  • Daniel Ducharme, «Théorie des trois âges ou Records Continuum ? : Réflexion sur le cycle de vie des documents d'archives », Actes du 36e congrès des archivistes du Québec, 2007, p. 235-255
  • Jean-Yves Rousseau et Carol Couture, Les fondements de la discipline archivistique, Presses universitaires du Québec, coll. « Gestion de l'information »,
  • (en) Theodore Roosevelt Schellenberg, Modern archives : principles and techniques, University of Chicago press, (lire en ligne)
  • (en) Theodore Roosevelt Schellenberg, The appraisal of modern public records, U. S. Govt. Print. Off.,
  • Marcel Caya, « La théorie des trois âges en archivistique : en avons toujours besoin ? », Éléc, (lire en ligne)
  • Gilliane Kern, Sandra Holgado et Michel Cottin, « Cinquante nuances de cycle de vie : quelles évolutions possibles ? », Les cahiers du numérique, vol. 11 « Apport de la gestion documentaire à la gouvernance de l’information », no 2, , p. 37-76
  • Marta Maftei, « Le moment du tri dans la pratique archivistique : réflexions théoriques et applications pratiques », Archives, vol. 29, nos 3-4, 1997-1998 (lire en ligne)
  • Yves Pérotin, « L'administration et les trois âges des archives », Seine et Paris, no 20,
  • Yvon Lemay et Anne Klein, « Les archives définitives : un début de parcours. Revisiter le cycle de vie et le Records continuum », Archivaria, 2014, p. 73-102

Notes et références

  1. Marcel Caya, La théorie des trois âges en archivistique : en avons toujours besoin ?, Éléc, 2004.
  2. Direction des archives de France et Association des archivistes français, Manuel d'archivistique : théorie et pratique des Archives publiques en France, Paris, SEVPEN, , 805 p..
  3. Marta Maftei, « Le moment du tri dans la pratique archivistique : réflexions théoriques et applications pratiques », Archives, vol. 29, no 3-4, 1997-1998.
  4. Daniel Ducharme, « Théorie des trois âges ou Records Continuum ? : Réflexion sur le cycle de vie des documents d’archives », Actes du 36e congrès des archivistes du Québec, , p. 235-244
  5. Jean-Yves Rousseau et Carol Couture, Les fondements de la discipline archivistique, (lire en ligne), p. 99-100
  6. Anne Burnel, « Vers une nouvelle pratique archivistique », Quand l'archivage devient électronique... Actes du colloque international organisé par les Archives diplomatiques et les Archives nationales, 5-6 février 2013, p. 15-24
  7. Yvon Lemay et Anne Klein, « Les archives définitives: un début de parcours. Revisiter le cycle de vie et le Records continuum », Archivaria, , p. 73-102

Voir aussi

Articles connexes

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