Sylvia Odio
Sylvia Odio est une exilĂ©e cubaine nĂ©e en 1937 qui vivait Ă Dallas et qui affirme avoir reçu Ă son domicile de Dallas, vers la fin septembre 1963, la visite de trois individus, deux Cubains qui se faisaient appeler « Leopoldo » et « Angelo » et un AmĂ©ricain qu'on lui a prĂ©sentĂ© sous le nom de « Leon Oswald ». Les deux Cubains se prĂ©sentĂšrent comme des membres dâun groupe anti-castriste connu d'Odio et prĂ©sentĂšrent Leon Oswald comme un ancien Marine tireur dâĂ©lite. Cette visite a Ă©tĂ© corroborĂ©e par la sĆur de Sylvia, Annie (17 ans). Lorsque les sĆurs Odio ont vu Oswald Ă la tĂ©lĂ©vision le , elles l'ont immĂ©diatement reconnu comme Ă©tant l'AmĂ©ricain amenĂ© par les deux Cubains sept semaines auparavant.
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TĂ©moin de l'enquĂȘte de l'assassinat de John F. Kennedy. |
Ce tĂ©moignage est donc extrĂȘmement important, puisquâil place Oswald en compagnie de deux membres de la mouvance anti-castriste, ou se prĂ©sentant comme tels, dans les semaines qui ont prĂ©cĂ©dĂ© l'assassinat du prĂ©sident Kennedy.
Les auteurs « conspirationnistes » considĂšrent que lâ« incident Odio » est la preuve de l'existence d'une conspiration dans cet assassinat.
Détails du témoignage
Sylvia et Annie Odio sont deux jeunes exilĂ©es, originaires dâune famille aisĂ©e de Cuba. Leur pĂšre avait soutenu la RĂ©volution, mais a Ă©tĂ© emprisonnĂ© pour sâĂȘtre opposĂ© par la suite Ă Fidel Castro. Sylvia a participĂ© Ă la formation de la JURE, abrĂ©viation de Junta Revolutionaria, une organisation opposĂ©e au castrisme et situĂ©e Ă gauche dans la nĂ©buleuse des adversaires du Lider Maximo. Les Odio sont certes anti-castristes, mais de tendance dĂ©mocratique.
Un soir de fin , trois hommes se prĂ©sentent Ă lâappartement de Sylvia Odio. Annie Odio, sa sĆur, va ouvrir la porte et appelle ensuite sa sĆur aĂźnĂ©e. Les visiteurs sont deux Cubains et un AmĂ©ricain, les deux cubains affirmant ĂȘtre des membres de la JURE dont les noms de guerre sont Leopoldo et Angelo.
Le troisiĂšme homme est plus jeune que les deux autres et se trouve ĂȘtre un AmĂ©ricain.
Leopoldo, qui semble ĂȘtre le chef, explique quâils viennent de La Nouvelle-OrlĂ©ans et quâils sont des amis du pĂšre de Sylvia et des membres de JURE qui travaillent pour le compte du Conseil RĂ©volutionnaire Cubain Ă lever des fonds alimentant des actions anti-castristes. Ils souhaitent obtenir lâaide de Sylvia Odio pour traduire en anglais des lettres Ă expĂ©dier Ă des donateurs amĂ©ricains.
Sylvia constate que les hommes ont une bonne connaissance de lâorganisation de JURE, ainsi que de certains dĂ©tails en principe connus des seuls membres de cette organisation, tel que le nom de guerre de son pĂšre. Elle refuse cependant de prendre part Ă leurs projets.
Le lendemain de cette visite, «Leopoldo» recontacte Sylvia par tĂ©lĂ©phone. Il Ă©voque une nouvelle fois sa demande dâaide et sâenquiert ensuite ce quâelle a pensĂ© de l'AmĂ©ricain. AprĂšs quâOdio lui rĂ©pond quâelle nâa pas vraiment dâavis, Leopoldo lui fait quelques remarques qui lâimpressionnent. Ă le croire, Leon Oswald est un ancien Marine, un tireur d'Ă©lite qui serait un apport intĂ©ressant pour la cause, si ce nâĂ©tait quâon ne savait jamais comment le prendre. Il est un peu fou, il pourrait faire nâimporte quoi, comme par exemple devenir agent infiltrĂ© Ă Cuba ou partir tuer Castro. Leon disait que les cubains nâavaient pas de tripes et quâils auraient dĂ» tuer Kennedy aprĂšs la Baie des CochonsâŠ
AprĂšs cette conversation, Sylvia nâentendra plus jamais parler de Leopoldo.
Le , Sylvia sera victime dâun Ă©vanouissement aprĂšs avoir appris l'assassinat du PrĂ©sident, dâaprĂšs elle parce quâelle avait immĂ©diatement songĂ© Ă cette visite de septembre. Annie, de son cĂŽtĂ© verra Ă la tĂ©lĂ©vision une photo dâOswald et le reconnaĂźtra, mais sans parvenir Ă se rappeler oĂč elle lâavait vu. Elle se rendra au chevet de sa sĆur, et lui confiera quâil lui semblait avoir dĂ©jĂ vu Oswald. Ă ces mots, Sylvia fondra en larmes et lui rappellera la visite des trois hommes. Les deux femmes regarderont la tĂ©lĂ©vision et tomberont dâaccord sur le fait quâOswald Ă©tait bien lâAmĂ©ricain quâelles avaient vu quelques semaines plus tĂŽt.
ChoquĂ©es et effrayĂ©es, les deux sĆurs dĂ©cideront de nâen parler Ă personne. Cependant, elles finiront par lĂącher quelques confidences autour dâelles, notamment Ă lâamie de Sylvia, Lucille Connell, de sorte que lâhistoire parviendra Ă la connaissance du FBI, lequel interrogera Sylvia Odio en . Elle tĂ©moignera Ă©galement devant la Commission Warren en .
Validation du témoignage
Corroboration
Le tĂ©moignage de Sylvia Odio peut-il ĂȘtre corroborĂ© ? La maniĂšre la plus sĂ»re dâen vĂ©rifier lâexactitude est de le recouper avec ce que Sylvia aurait dit Ă dâautres personnes avant lâassassinat.
Outre Annie Odio, Sylvia affirme qu'elle a dit à au moins deux personnes, avant l'assassinat, que trois hommes, dont Oswald, étaient passés chez elle.
Annie Odio
Annie Odio ne peut corroborer tous les points clefs de l'histoire de sa sĆur parce qu'elle n'a pas entendu l'AmĂ©ricain se prĂ©senter sous le nom de «Leon Oswald», ni mĂȘme la conversation tĂ©lĂ©phonique du lendemain avec Leopoldo.
Câest cependant elle qui a ouvert la porte aux trois hommes, ce qui lui a permis de voir Oswald, et de le reconnaĂźtre le lorsqu'il est apparu Ă la tĂ©lĂ©vision.
Ce tĂ©moignage recoupe donc le fait de la visite, et le fait quâOswald Ă©tait un des visiteurs.
Lucille Connell
Lucille Connel Ă©tait une amie de Sylvia Odio et une des personnes Ă qui elle parla de la visite aprĂšs lâassassinat. InterrogĂ©e par le FBI, Connell ne se souvenait pas que Sylvia lui en eĂ»t parlĂ© avant lâassassinat.
Le pĂšre de Sylvia
Sylvia Ă©crivit une lettre Ă son pĂšre le , dans laquelle elle mentionnait la visite des trois hommes. Sylvia elle-mĂȘme ne se souvenait pas vraiment si elle avait signalĂ© la prĂ©sence de lâAmĂ©ricain, mais avait sans doute mentionnĂ© les noms de guerre qui lui avaient Ă©tĂ© donnĂ©s.
Son pĂšre rĂ©pondit en lui disant dâĂȘtre prudente avec les gens qui se prĂ©tendaient ses amis et quâelle devait lui donner leurs noms complets.
Cet Ă©lĂ©ment recoupe donc le fait de la visite, mais laisse incertain la question de savoir si Sylvia a mentionnĂ© lâamĂ©ricain Ă son pĂšre.
Le docteur Burton C. Einspruch
Le Dr. Einspruch Ă©tait le psychologue de Sylvia Odio. Son tĂ©moignage Ă la Commission Warren et devant le HSCA doit ĂȘtre analysĂ© avec prudence.
La seule trace connue de ce tĂ©moignage nâest autre quâun rĂ©sumĂ© Ă©manant dâun mĂ©morandum dâun conseiller de la Commission Warren en date du : «Einspruch a dĂ©clarĂ© quâau cours de sa psychothĂ©rapie, Melle Odio lui avait dit quâelle avait vu Oswald Ă plus dâune rĂ©union anti-castriste. Lâune de ces rĂ©unions sâest apparemment tenue chez elle, croyait-il, et la sĆur de Melle Odio a Ă©galement vu Oswald Ă la maison. Le Dr. Einspruch dit que Melle Odio lui a rapportĂ© quâOswald avait profĂ©rĂ© des commentaires incendiaires sur Cuba. Le terme « incendiaire » Ă©mane du Dr. Einspruch et il ne peut clairement indiquer ce quâavait dit Oswald. En fait, jâai eu lâimpression que ces commentaires Ă©taient pro-castristes.»
Faute de transcription exacte du tĂ©moignage, les propos exacts dâEinspruch nous sont inconnus. Compte tenu de ses dĂ©clarations ultĂ©rieures devant le HSCA, il est difficile de comprendre Ă quoi Einspruch aurait pu faire allusion en parlant de «rĂ©unions», mais il sâagit probablement des incidents ayant opposĂ© Oswald aux anti-castristes de La Nouvelle-OrlĂ©ans, dont Sylvia a du lui parler au cours de sĂ©ances de 1964 (un des oncles de Sylvia vivant Ă La Nouvelle-OrlĂ©ans les lui avait signalĂ©s en fĂ©vrier de la mĂȘme annĂ©e).
InterrogĂ© dans le cadre de lâenquĂȘte du HSCA, Einspruch se souvient quâavant lâassassinat, Sylvia a mentionnĂ© la venue de trois hommes, deux Cubains et un AmĂ©ricain.
Le lendemain de lâassassinat, il lui a parlĂ© au tĂ©lĂ©phone et elle a liĂ© la visite des trois hommes et lâassassinat «en un genre de maniĂšre thĂ©Ăątrale», et lui a, Ă ce moment-lĂ , parlĂ© de «Leon». InterrogĂ© sur la question de savoir si elle a mentionnĂ© alors le nom « Leon Oswald » ou si elle lui a parlĂ© Ă ce moment-lĂ de ce que Leopoldo aurait dit au sujet de Kennedy quâil fallait assassiner, Einspruch nâa aucun souvenir de ce point et estime possible que lâhistoire ait «grandi», en dâautre termes, que Odio avait pu enjoliver lâhistoire par la suite.
DĂ©jĂ devant la Commission Warren, Einspruch avait affirmĂ© que Sylvia Odio «était encline Ă lâexagĂ©ration, mais que tous les faits basiques quâelle fournissait Ă©taient vrais. Il a dĂ©clarĂ© que sa tendance Ă exagĂ©rer est de type Ă©motionnel, un trait propre Ă de nombreuses personnes dâorigine latino-amĂ©ricaine». Selon lui, Sylvia Odio pouvait faire preuve dâun caractĂšre thĂ©Ăątral, tout Ă fait commun aux Latino-amĂ©ricains â rien qui veuille dire quâelle Ă©tait capable dâinventer une histoire. Einspruch a donc Ă plusieurs reprises dĂ©crit Sylvia Odio comme une personne absolument digne de confiance, mais susceptible, de par son caractĂšre, de se laisser aller Ă un enjolivement de la situation.
Sa dĂ©position devant le HSCA rĂ©vĂšle cependant que la conversation tĂ©lĂ©phonique du a Ă©tĂ© brĂšve, et que Sylvia Ă©tait agitĂ©e, bouleversĂ©e. La visite des trois hommes nâa, par la suite, pas Ă©tĂ© abordĂ©e dans le dĂ©tail au cours des sĂ©ances de psychothĂ©rapie. Autant dâĂ©lĂ©ments de nature Ă indiquer que lâabsence de mention du coup de tĂ©lĂ©phone de «Leopoldo» ne signifie pas pour autant quâun tel Ă©vĂ©nement a Ă©tĂ© inventĂ©.
En tout Ă©tat de cause, Sylvia Odio a parlĂ© Ă son psychiatre dâune visite effectuĂ©e par trois hommes Ă son domicile, deux Cubains et un AmĂ©ricain. On ignore si elle lui a Ă©galement Ă©voquĂ© le fait que lâAmĂ©ricain sâappelait «Leon», ou «Leon Oswald ». On ignore Ă©galement si elle lui a parlĂ© du coup de fil passĂ© par «Leopoldo». Cependant, elle lui a dĂ©clarĂ©, le lendemain de lâattentat de Dallas, avoir reconnu lâamĂ©ricain, et que cet amĂ©ricain Ă©tait Oswald.
Identification de Oswald
Odio a positivement identifié Oswald sur photo lorsque la Commission Warren lui en a présenté.
Ce point a parfois été mis en doute par un examen superficiel de son témoignage.
Ses contempteurs extraient en effet une phrase de sa déposition devant la Commission Warren : «Je pense que cet homme était l'un de ceux qui se trouvaient dans mon appartement. Je ne suis pas sûre de l'image. Il ne ressemblait pas à ça.»
En rĂ©alitĂ©, la dĂ©position de Sylvia Odio revĂȘt une autre signification : «Eh bien, laissez-moi apporter une prĂ©cision. Je pense que cet homme Ă©tait l'un de ceux qui se trouvait dans mon appartement. Je ne suis pas trop sĂ»re de l'image. Il ne ressemblait pas à ça. Il souriait, ce jour-lĂ . Il Ă©tait beaucoup plus souriant que sur cette image.».
Sylvia Odio a donc parfaitement reconnu Oswald, mais elle apporte donc une prĂ©cision sur l'Ă©tat d'esprit d'Oswald, sur l'expression de son visage, parce que la photo quâon lui prĂ©sente est celle dâOswald juste aprĂšs son arrestation, entourĂ© de deux policiers. Ce que Sylvia confirme par la suite de sa dĂ©position, lorsqu'on lui prĂ©sente une photo de Oswald prise au moment oĂč il distribue des tracts pro-castro : «il a l'air plus dĂ©tendu sur la PiĂšce Ă Conviction N° 453-C. Il a l'air plus souriant, comme sur la PiĂšce Ă Conviction n° 453-B.»
Lorsquâon lui prĂ©senta dâautres photos, Sylvia Odio reconnut Ă chaque fois Oswald.
Datation de la visite
La datation de la visite semble, de prime abord, invalider le tĂ©moignage de Odio. Elle Ă©tait certaine que les hommes lui avaient rendu visite avant le mardi, 1er octobre, parce que le elle avait dĂ©mĂ©nagĂ© dans un autre appartement. Sa sĆur vivait avec quelques amis amĂ©ricains et Ă©tait venue le week-end dernier pour lâaider Ă prĂ©parer ses cartons. Selon Odio, sa sĆur Ă©tait arrivĂ©e le jeudi prĂ©cĂ©dent, , ou le vendredi, . Au jour oĂč les trois hommes sont venus, Odio et sa sĆur avaient «dĂ©jĂ commencĂ© Ă empaqueter pour le dĂ©part», et il y avait des meubles dans le salon. Odio sâest souvenue quâelle avait travaillĂ© ce jour-lĂ , et comme elle ne travaillait ni le samedi, ni le dimanche, elle a dĂ©clarĂ© quâ«il pouvait sâagir du 26 ou du , Ă coup sĂ»r.»
Le problĂšme est que le , Oswald amorçait son voyage en bus, dâune durĂ©e de 24 heures, de Houston Ă Mexico, oĂč il a dĂ©barquĂ© le 27. Il nâest pas retournĂ© aux Ătats-Unis avant une semaine. Il Ă©tait physiquement impossible pour Oswald de rencontre Odio au moment quâelle a indiquĂ©.
Cependant, Sylvia Odio mentionne Ă©galement le , en tant que date possible de la rencontre, quoique de maniĂšre trĂšs incertaine, puisquâelle et sa sĆur pensent que Annie est arrivĂ©e chez elle le 26.
Il convient donc dâexaminer Ă©galement si la visite aurait pu avoir lieu le 25 et, pour ce faire, examiner lâemploi du temps de Oswald.
Oswald a Ă©tĂ© vu Ă La Nouvelle-OrlĂ©ans pour la derniĂšre fois le 24 au soir. Le 25, le chĂšque de chĂŽmage de Oswald est encaissĂ© dans un magasin, mais on ne peut authentifier sa signature. Il nâest donc pas exclu quâil ait monnayĂ© ce chĂšque auprĂšs de quelquâun qui lâaurait touchĂ© Ă sa place.
Le 26 au matin, il est prĂ©sent dans le bus Houston-Laredo, en route vers le Mexique. Il a pu monter dans ce bus soit Ă Houston (dĂ©part Ă 2h35) soit Ă Alice (oĂč le bus passe apparemment vers 6 heures du matin).
La Commission Warren a considéré que l'emploi du temps d'Oswald le plus vraisemblable était le suivant :
- Tout d'abord, Oswald a pu prendre le bus qui quitte La Nouvelle-OrlĂ©ans pour Houston Ă 12h30 le , et atteint Houston Ă 22h50 le mĂȘme jour (cependant, personne n'a vu Oswald sur ce bus, alors qu'il a Ă©tĂ© remarquĂ© dans le bus qui devait l'emmener Ă Laredo).
- L'arrivée à 22h50 à Houston laissait à Oswald du temps pour acheter un ticket pour le Houston-Laredo qui quitte Houston à 2h35 le .
Un ticket Houston-Laredo fut achetĂ© pendant la nuit du 25 au 26. L'agent qui avait vendu le ticket estima que Oswald Ă©tait peut-ĂȘtre l'acheteur. - Ce qui est certain, c'est que Oswald fut remarquĂ© dans le bus Houston-Laredo vers 6 heures du matin, alors qu'il se mit Ă bavarder avec les passagers du bus, d'excellente humeur et ne faisant pas secret du fait que son but Ă©tait d'atteindre Cuba.
Quoique Oswald ait lui-mĂȘme mentionnĂ© Ă ses compagnons de voyage qu'il avait fait le voyage en bus depuis La Nouvelle-OrlĂ©ans, certains pensent cependant qu'il a pu monter Ă Alice, quoique Oswald ait Ă©tĂ© remarquĂ© dans le bus Ă 6 heures, et que le bus s'arrĂȘtait Ă Alice aprĂšs 6 heures. - Un autre Ă©lĂ©ment semble placer Oswald Ă Houston dans la nuit du 25 au 26: Horace Twifford, le reprĂ©sentant du Texas au comitĂ© national du parti socialiste amĂ©ricain, vivait Ă Houston et avait envoyĂ© Ă Oswald de la lecture Ă la suite d'une demande qu'il avait faite au Parti Socialiste Ă New York en . L'Ă©pouse de Horace Twifford, reçut, un soir de fin septembre, un appel de Oswald. Oswald souhaitait pouvoir rencontrer Twifford pour discuter. Twifford Ă©tait absent, mais sa femme lui rĂ©pondit briĂšvement. Mme Twifford eut l'impression qu'il s'agissait d'un appel local, ce qui semble confirmer du fait que Oswald demandait Ă rencontrer Twifford.
Cet épisode semble donc valider la présence de Oswald à Houston: arrivé à 22h50, il a acheté son billet pour Laredo et veut tuer le temps jusqu'au départ du bus de 2h35.
Les éléments considérés par la Commission semblent donc montrer un trajet relativement simple:
- Oswald touche son chĂšque le 25 au matin,
- prend le bus pour Houston Ă 12h30,
- arrive Ă Houston Ă 22h50,
- achĂšte son billet pour Laredo,
- appelle Twifford mais n'arrive pas Ă le rencontrer,
- prend le bus pour Laredo de 2h35, oĂč il est vu Ă 6 heures.
Pourtant, il reste possible, bien que des Ă©lĂ©ments indirects semblent indiquer le contraire, d'envisager qu'Oswald ait Ă©tĂ© Ă Dallas le 25 et ait attrapĂ© le bus au vol Ă Houston ou Alice, quoique, problĂšme additionnel, Dallas se trouve Ă 400 kilomĂštres de Houston (environ 5 heures de route). Il nâest donc pas impossible que Oswald se soit trouvĂ© Ă Dallas le 25 au soir, mais cela supposerait un emploi du temps extrĂȘmement serrĂ© (il aurait dĂ» quitter Dallas vers 21h30 pour ĂȘtre Ă temps Ă Houston).
Ătat mental de Sylvia Odio
Les adversaires de Sylvia Odio tentent de la discrĂ©diter en sâattaquant Ă ses prĂ©tendues difficultĂ©s psychologiques. Ă lâĂ©poque de lâaffaire dâOswald, prĂ©tendent-ils, elle avait un passĂ© chargĂ© en problĂšmes Ă©motionnels.
A Porto Rico, oĂč elle avait vĂ©cu avant de sâinstaller Ă Dallas en , elle a consultĂ© un psychiatre pour son mariage en difficultĂ©. DâaprĂšs les rapports du FBI, celui-ci lâa trouvĂ©e instable et incapable, mentalement ou physiquement, de sâoccuper de ses enfants. Un mĂ©decin appelĂ© un jour pour la soigner dâune «crise de nerfs» a dĂ©couvert quâelle lâavait inventĂ©e pour attirer lâattention de ses voisins. Il la dĂ©crit comme une jeune femme trĂšs perturbĂ©e, et on lui dit quâelle avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© suivie en psychiatrie Ă Miami, aprĂšs ĂȘtre venue aux Ătats-Unis en 1963.
Mais ce portrait nécessite de sérieuses retouches.
Le Dr. Einspruch, en 1964, a dĂ©crit Sylvia Odio comme issue dâun trĂšs haut niveau social. Il a dĂ©clarĂ© quâelle avait Ă©tĂ© Ă©duquĂ©e pendant cinq ans Ă Philadelphie, quâelle avait Ă©crit des nouvelles publiĂ©es dans des journaux dâAmĂ©rique latine, et quâelle composait des poĂšmes. Il lâa dĂ©crite comme Ă©tant une jeune femme magnifique, brillante, dâĂ©ducation soignĂ©e, charmante.
Sylvia Odio, qui a vécu à Porto Rico jusqu'en 1963, avait en fait de bonnes raison de subir une dépression par la suite :
- ses parents ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s par la police castriste le ;
- l'année suivante, le mari de Sylvia Odio l'a abandonnée, elle et... ses quatre enfants ;
- jusque-là préservée de la pauvreté, Sylvia Odio a rencontré de considérables difficultés financiÚres.
Sa dépression est donc totalement explicable et n'a rien à voir avec une instabilité mentale qui justifierait son envoi à l'asile. La vérité est qu'elle était simplement dépressive du fait d'un assaut de calamités dans un laps de temps relativement bref. Mais cette dépression était, au second semestre 1963, en voie de rémission.
Selon Lucille Connell, qui pour un temps sâest trouvĂ©e ĂȘtre lâamie la plus proche de Sylvia, les problĂšmes Ă©motionnels de Sylvia ont Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©s par le fait dâĂȘtre soudainement laissĂ©e seule avec ses quatre jeunes enfants, ses parents emprisonnĂ©s et son mode de vie bouleversĂ©, passant de la richesse au profond dĂ©nuement, et se sont manifestĂ©s par des attaques consistant en une totale perte de conscience «lorsque la rĂ©alitĂ© devenait trop pĂ©nible Ă supporter». Connell a dĂ©clarĂ© qu'elle avait personnellement vu Odio souffrir de ces attaques Ă son domicile lorsqu'elle est venue Ă Dallas pour la premiĂšre fois, mais grĂące Ă son traitement psychiatrique, ces attaques ont diminuĂ© et ont fini par disparaĂźtre, jusqu'Ă l'assassinat de Kennedy.
LâenquĂȘteur du HSCA ajoutait : «Au mois de , (Sylvia Odio) Ă©tait bien Ă©tablie dans la communautĂ©, bĂ©nĂ©ficiait de revenus dĂ©cents issus du fait qu'elle avait trouvĂ© du travail, maĂźtrisait ses problĂšmes Ă©motionnels et se consacrait sĂ©rieusement Ă prĂ©parer un dĂ©mĂ©nagement dans un meilleur logement.»
Absence de contact avec les agences gouvernementales
Lâun des aspects les plus inhabituels du dossier Odio est que bien quâelle ait pensĂ© avoir rencontrĂ© lâassassin, elle nâa jamais contactĂ© une quelconque agence gouvernementale ou judiciaire pour raconter son histoire.
Carlos Bringuier, le leader anti-castriste arrĂȘtĂ© en mĂȘme temps quâOswald Ă lâoccasion de leur rixe dans les rues de La Nouvelle-OrlĂ©ans, a rencontrĂ© une fois Sylvia Odio, ce qui lâa amenĂ© Ă formuler, quelques annĂ©es plus tard, ce commentaire :
«Je crois possible quâelle a reçu la visite de quelquâun â il y avait lĂ -bas un tas de gens de plusieurs organisations. Mais, aprĂšs lâassassinat, jâai pensĂ© que sa rĂ©action immĂ©diate aurait Ă©tĂ© la mĂȘme que la mienne. Elle aurait sautĂ© en lâair et appelĂ© le FBI : «HĂ©, ce type est venu me voir !» Au lieu de quoi, aprĂšs ĂȘtre sortie de lâhĂŽpital, elle en parle vaguement Ă un voisin, et ce voisin en parle au FBI, et câest la seule raison pour quâon lâait appris. Cela me rend son histoire suspecte. Ca ne sonne pas juste, et je le sais par expĂ©rience, dâaprĂšs ce que jâai fait et ressenti en me rendant compte que jâavais connu personnellement lâhomme qui a tuĂ© le prĂ©sident des Ătats-Unis. Quand jâai entendu le nom Lee Harvey Oswald, jâai sautĂ© de ma chaise. Je nâai pas fini de dĂ©jeuner, jâai aussitĂŽt appelĂ© le FBI. Peut-ĂȘtre quâelle a Ă©tĂ© troublĂ©e avec toutes les informations ayant suivi la personne quâelle a vraiment rencontrĂ©. Jâai vu cela comme avocat dans des grandes affaires criminelles. Il y a un accident avec quatre tĂ©moins, ils donnent quatre versions diffĂ©rentes, ils croient tous quâils disent la vĂ©ritĂ© et ils passeraient mĂȘme au dĂ©tecteur de mensonge. Elle croit dire la vĂ©ritĂ©. Jâaurais horreur de dire quâelle ment, mais elle se trompe.»
Cependant, Bringuier est un anti-castriste. Compte tenu du fait que le tĂ©moignage Odio risque dâamener les enquĂȘteurs Ă fouiller chez ses alliĂ©s politiques, son tĂ©moignage est donc Ă prendre avec prĂ©caution : son intĂ©rĂȘt est, en effet, de couvrir ses rĂ©seaux.
La comparaison de sa rĂ©action avec celle de Sylvia Odio doit aussi ĂȘtre relativisĂ©e. Car dĂšs lâassassinat de Kennedy, Sylvia et sa sĆur ont Ă©tĂ© terrifiĂ©es. Elles ne connaissaient pas ces visiteurs, ignoraient s'ils pouvaient revenir au cas oĂč elles attireraient l'attention. Ne fallait-il pas protĂ©ger les enfants, la famille, dont le pĂšre Ă©tait emprisonnĂ© Ă Cuba ?
Gaeton Fonzi, lâenquĂȘteur du HSCA, Ă©crit que Sylvia et Annie [...] ont dĂ©cidĂ© de n'en parler Ă personne et les cite: «On avait si peur, on Ă©tait absolument terrifiĂ©es», se rappelle Sylvia. «Nous Ă©tions toutes les deux trĂšs jeunes et pourtant nous avions beaucoup de responsabilitĂ©s, avant tant de frĂšres et sĆur, notre mĂšre et notre pĂšre en prison, nous avions trĂšs peur et ne savions pas ce qui se passait. Nous nous sommes fait le serment de n'en parler Ă personne.» [Bien sĂ»r, elles l'ont dit Ă Lucille Connell, laquelle] l'a dit Ă un ami de confiance, et bientĂŽt le FBI est venu frapper Ă leur porte. Elle dit que c'Ă©tait la derniĂšre chose au monde dont elle avait envie, mais quand ils sont venus, elle s'est sentie tenue de dire la vĂ©ritĂ©. »
Conclusion sur le témoignage
Il faut donc se contenter dâune validation partielle du tĂ©moignage de Sylvia Odio.
Il est certain que trois hommes, dont un de type amĂ©ricain, ont rendu visite Ă Sylvia Odio le 25, 26 ou et que Sylvia et sa sĆur Annie ont identifiĂ© lâAmĂ©ricain comme Ă©tant Lee Harvey Oswald.
Nous nâavons pas de confirmation que le nom Oswald ait Ă©tĂ© prononcĂ©, qu'une conversation tĂ©lĂ©phonique ait eu lieu le lendemain avec Leopoldo ou quâune rĂ©fĂ©rence Ă un assassinat de Kennedy ait Ă©tĂ© faite.
Cependant, la dĂ©claration de Sylvia relative Ă lâassassinat de Kennedy est indirectement corroborĂ©e par deux Ă©lĂ©ments :
- Il est Ă©vident que cette visite a causĂ© une forte impression sur Sylvia Odio, plus forte mĂȘme que sur sa jeune sĆurâŠqui nâa pas eu connaissance de cette dĂ©claration dâaprĂšs le tĂ©moignage des deux sĆurs,
- Lâexistence de cette dĂ©claration explique le lien immĂ©diat que Sylvia a fait avec la visite de septembre lorsquâelle apprit la nouvelle de lâassassinat.
Lâemploi du temps de Oswald nâest pas incompatible avec sa prĂ©sence Ă Dallas le , quoique sa prĂ©sence Ă Houston Ă ce moment-lĂ soit indiquĂ©e par un certain nombre de preuves indirectes.
Sylvia Odio a toujours été décrite comme un témoin crédible.
Il est donc possible que Oswald ait effectivement été à Dallas, le soir du , et ait rendu visite à Sylvia Odio en se faisant passer pour un sympathisant de la cause anti-castriste. Alternativement, il est possible que quelqu'un ait cherché à faire croire que Oswald était présent lors de cette visite.
Traitement par la Commission Warren
Si le tĂ©moignage de Mme Odio Ă©tait vĂ©ridique, il signifiait qu'Oswald avait deux camarades, inconnus de la Commission, qui, peu de temps avant l'assassinat, Ă©taient mĂȘlĂ©s Ă son voyage au Mexique.
Dans un premier temps, lâanalyse des mouvements de Oswald parut invalider le tĂ©moignage de Odio.
Le conseiller Wesley Liebeler s'aperçut pourtant quâil Ă©tait donc tout Ă fait possible qu'Oswald se fĂ»t rendu de La Nouvelle-OrlĂ©ans Ă Dallas le , qu'il eĂ»t rencontrĂ© Mme Odio, et qu'il eĂ»t ensuite poursuivi jusqu'Ă Alice, Texas, oĂč il pouvait prendre le car Houston-Mexico. Le rĂ©cit de Mme Odio d'aprĂšs lequel il Ă©tait parti de chez elle en automobile en compagnie de deux autres hommes, ne pouvait ĂȘtre aussi facilement rejetĂ©.
En , au moment oĂč sont rĂ©digĂ©es les premiĂšres versions du Rapport Warren, le premier conseiller J. Lee Rankin Ă©crit Ă John Edgar Hoover : «Il est d'une certaine importance pour la Commission que les allĂ©gations de Mme Odio soient prouvĂ©es ou rĂ©futĂ©es.».
Un mois plus tard, le rapport prĂȘt pour l'impression, l'incident Odio prĂ©occupe encore gravement la Commission. Dans un mĂ©mo adressĂ© Ă son patron, Liebeler Ă©crit : «... Odio peut trĂšs bien avoir raison. La Commission sera mal vue si cela s'avĂšre exact. Il est inutile d'avoir l'air idiot en se rattrapant Ă des brindilles pour Ă©viter de reconnaĂźtre qu'il y a un problĂšme».
Câest alors quâun rapport du FBI apporta ce qui semblait ĂȘtre une rĂ©ponse Ă lâĂ©nigme.
Le FBI crut en effet avoir rĂ©solu le mystĂšre Odio en retrouvant les trois hommes qui avaient pu venir la voir vers la fin septembre: Loran Hall, un Ă©minent anti-castriste, prĂ©sentait une ressemblance marquĂ©e avec l'homme dĂ©crit par Odio comme Ă©tant le chef, Leopoldo. Hall dĂ©clara le au FBI qu'il Ă©tait venu chercher des fonds Ă Dallas en , et qu'il Ă©tait allĂ© chez les Odio en compagnie dâindividus nommĂ©s Lawrence Howard et William Seymour. Howard ressemblait au second des Cubains/Mexicains dĂ©crits par Odio. Mais la coĂŻncidence la plus stupĂ©fiante Ă©tait que Seymour, qui ne connaissait que quelques mots d'espagnol, ressemblait grandement Ă Oswald. Seymour portait constamment une barbe de plusieurs jours, la mĂȘme qu'Odio dĂ©crivait Ă propos de «Leon»âŠ
Le tĂ©moignage de Hall venait Ă point nommĂ© pour la Commission, ce alors que le Rapport allait ĂȘtre imprimĂ©.
Pourtant, le FBI, pour complĂ©ter son enquĂȘte, interrogea William Seymour Ă Phoenix (Arizona) le , et Lawrence Howard Ă Los Angeles le : tous deux niĂšrent avoir jamais rendu visite Ă Sylvia Odio. Seymour dĂ©clara qu'il s'Ă©tait bien rendu Ă Dallas avec Loran Hall en 1963, mais en octobre, non en septembre, et quâHoward ne les accompagnait pas. Howard en convint : c'Ă©tait un autre que Seymour qui avait fait avec lui et Hall le voyage de Dallas au mois de septembre. Le FBI consulta alors le journal des salaires de la Beach Welding Supplies Company, de Miami Beach en Floride et y trouva la confirmation que William Seymour avait travaillĂ© dans cette firme sans interruption du au .
Le FBI put Ă©galement se procurer des photographies de Hall, Howard, Seymour et Castro et les soumit Ă l'examen de Sylvia Odio et de sa sĆur. Le procĂšs-verbal mentionne que Sylvia Odio dĂ©clara qu'aucun de ces quatre hommes ne lui avait rendu visite. Sa sĆur fut encore plus affirmative : «Annie Laurie Odio a affirmĂ© qu'aucune de ces photographies ne ressemble Ă l'un des trois individus dont elle se souvient.»
Enfin, le , le FBI, interrogea Hall une nouvelle fois. Le compte-rendu de l'agent efface tout doute : «Hall a dit qu'il s'Ă©tait trompĂ© en affirmant qu'il Ă©tait mĂȘlĂ©, ainsi que William Seymour et Lawrence Howard, Ă l'incident qu'avait rapportĂ© Sylvia Odio. AprĂšs avoir rĂ©flĂ©chi aux voyages qu'il a faits Ă Dallas et Ă Miami, il se rappelle maintenant que William Seymour et Lawrence Howard l'ont accompagnĂ© sĂ©parĂ©ment Ă Dallas [...] Hall a dit qu'ayant ainsi Ă©liminĂ© la confusion entre ceux qui l'avaient accompagnĂ© dans ses voyages de septembre et d'octobre, il ne se souvient maintenant d'aucun moment oĂč, en compagnie de deux autres individus, il ait Ă©tabli un contact qui soit celui qu'a rapportĂ© Sylvia Odio.»
La conclusion de l'enquĂȘte Ă©tait claire : les hommes que la Commission dĂ©signait implicitement comme Ă©tant les visiteurs de lâappartement de Sylvia Odio, y compris celui dont le tĂ©moignage servait de base Ă sa conviction, niĂšrent tous ĂȘtre allĂ©s chez elle.
Le rapport final du FBI du fut transmis à la Commission, qui venait de prononcer sa dissolution, ce bien avant la publication des Auditions et PiÚces à Conviction à la fin . Le document ne fut pas intégré parmi les piÚces à conviction.
On peut donc constater que la Commission Warren, sans doute un peu pressĂ©e par le temps, nâa pas traitĂ© correctement le cas Odio, en partie Ă cause du temps pris par le FBI pour complĂ©ter son enquĂȘte.
Il y a cependant plus grave, puisque le , c'est-Ă -dire le lendemain des dĂ©nĂ©gations de Hall et Lawrence et trois jours aprĂšs le dĂ©menti de Seymour, le Directeur du FBI, John Edgar Hoover, Ă©crit Ă la Commission Warren que le tĂ©moignage de Hall recueilli le peut apporter une lumiĂšre nouvelle sur les dĂ©clarations de Sylvia Odio ! Hoover ne pouvant manquer de connaĂźtre ces Ă©lĂ©ments, il faut en conclure quâil a menti Ă la Commission â laquelle lâa cru bien volontiers, non sans un certain empressement.
Traitement par le HSCA
Odio et Einspruch ont Ă©tĂ©, comme on lâa vu, interrogĂ©s par le HSCA. Lâhomme chargĂ© de cette enquĂȘte Ă©tait Gaeton Fonzi. La conclusion de Fonzi Ă©tait qu'Odio disait vrai. Ce fut dâailleurs Ă©galement la conclusion du HSCA dans son rapport : le tĂ©moignage d'Odio Ă©tait essentiellement crĂ©dible.
La Commission parlementaire sâest toutefois abstenue de creuser cette piste.
Interprétation
Fondamentalement, trois possibilités sont à considérer.
- Soit Sylvia Odio s'est totalement trompĂ©e, et a, involontairement, induit sa sĆur en erreur : Oswald n'Ă©tait pas chez elle et le nom d'Oswald n'a pas Ă©tĂ© prononcĂ©.
- Soit Sylvia Odio décrit correctement la situation, et Oswald était effectivement à son appartement le .
- Enfin, il est également possible qu'Oswald n'ait pas été sur place, mais que des individus aient délibérément utilisé son nom lors de la visite, en insistant lourdement, leur référence à La Nouvelle-Orléans devant induire Odio à vérifier leur histoire... et à découvrir qu'Oswald était en fait un castriste.
MĂȘme si un certain nombre d'Ă©lĂ©ments, notamment de temps, semblent indiquer qu'Oswald n'aurait pu ĂȘtre une des personnes qui visita Sylvia Odio, le tĂ©moignage de Sylvia Odio a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme solide et crĂ©dible par divers enquĂȘteurs, y compris les enquĂȘteurs officiels.
RĂ©alitĂ© ou non, lâĂ©pisode Odio (ou lâincident Odio comme devait lâappeler le HSCA) est considĂ©rĂ© par les chercheurs tenants de la conspiration comme la preuve de l'existence d'un complot (voir Summers). Cependant, mĂȘme Ă considĂ©rer qu'Oswald a pris part Ă l'Ă©vĂ©nement, comme beaucoup dâĂ©vĂ©nements relatifs Ă cette affaire, une multitude dâinterprĂ©tations sont permises.
Dans une optique conspirationniste, l'Ă©vĂ©nement prouverait que Oswald aurait, dĂšs fin septembre, envisagĂ© lâassassinat de Kennedy et aurait obtenu lâaide de Cubains qui Ă©taient soit des anti-castristes, soit des personnes se faisant passer pour des anti-castristes [1]
Des cubains anti-castristes auraient pu vouloir crĂ©er un lien entre Oswald et Kennedy, et donc mouiller les pro-castristes ou le gouvernement Castro. Dans cette optique, le voyage d'Oswald au Mexique sâanalyserait comme un morceau du puzzle qui consisterait Ă bien Ă©tablir Oswald comme un castriste. Des agents castristes par contre auraient pu vouloir compromettre la mouvance anti-castriste en lâassociant avec le futur assassin.
Quelle que soit l'origine des castristes, lâincident pourrait Ă©galement ĂȘtre un Ă©pisode de la guerre interne qui agitait la communautĂ© cubaine, entre anti- et pro-castristes, et entre divers mouvement anti-castristes (lâidĂ©e de mouiller la JURE, mouvement de gauche opposĂ© Ă Castro, pouvant naĂźtre dans lâesprit de beaucoup dâanti-castristes plutĂŽt situĂ©s Ă droite), mais il pourrait Ă©galement s'agir d'une tentative dâOswald dâinfiltrer les milieux anti-castristes, comme lorsqu'il tentait de se faire passer pour un anti-castriste et anticommuniste auprĂšs de Carlos Bringuier, en .
Enfin, des agents utilisĂ©s par des comploteurs auraient pu chercher Ă faire d'Oswald un agent communiste, en contact avec les services de renseignements cubains et soviĂ©tiques, Oswald Ă©tant le complice, peut-ĂȘtre involontaire, dâune manipulation visant Ă mouiller le monde communiste et de lui attribuer le futur attentat qui se produira Ă Dallas, sachant qu'Oswald doit ĂȘtre le « pigeon » Ă sacrifier.
Quoi qu'il en soit, si complot il y a, la question de l'origine du complot dépend de l'identité des deux hommes qui accompagnaient Oswald, point qui n'a jamais été éclairci, et la nature du complot est à mettre en parallÚle avec le fait que ce n'est que le , lendemain de cette visite, que le voyage de Kennedy au Texas a été annoncé, et encore cette annonce ne donnait-elle aucune date ni aucune ville.
Voir aussi
Notes
- On note Ă cet Ă©gard un mĂ©morandum interne Ă la Commission Warren, non datĂ©, rendu public seulement en 1975 : «les Ă©lĂ©ments en notre possession pourrait nous mener Ă une participation dâĂ©lĂ©ments anti-castristes dans lâassassinat selon le scĂ©nario suivant : Oswald a pu se faire connaĂźtre des Cubains comme violemment pro-Castro. Il ne faisait aucun secret de ses sympathies, et les Cubains anti-castristes ont dĂ» rĂ©aliser que les forces de lâordre devaient connaĂźtre ces sentiments et que sâil venait Ă avoir des ennuis, le public lâapprendrait aussi. Ces anti-castristes auraient mĂȘme pu croire Ă la fiction Ă laquelle Oswald avait tentĂ© de faire croire, Ă savoir quâil y avait un important groupe de pro-castristes Ă La Nouvelle-OrlĂ©ans. Quelquâun dans cette mouvance anti-castriste aurait pu dĂ©celer en Oswald un penchant pour la violence. Ce serait le cas si Oswald sâĂ©tait moquĂ© des Cubains en disant quâil aurait Ă©tĂ© aisĂ© de tuer Kennedy aprĂšs la Baie des Cochons. Sur la base de ces faits, il serait possible quâun forme de manipulation soit utilisĂ©e pour pousser Oswald Ă tuer Kennedy lors de sa venue Ă Dallas. Peut-ĂȘtre des agents doubles pourraient convaincre Oswald que des cubains castristes lâaideraient pour organiser lâassassinat ou sâenfuir aprĂšs. Le motif de cette action serait qu'aprĂšs lâassassinat, une fois Oswald arrĂȘtĂ©, ses sympathies pro-castristes auraient pour consĂ©quence que lâassassinat serait attribuĂ© au gouvernement Castro, et une nouvelle invasion de Cuba sâensuivrait.». Le mĂ©morandum prĂ©cise : «ce qui prĂ©cĂšde est une pure spĂ©culation (wild speculation).»
Sources
- (en) Vincent Bugliosi, Reclaiming History - The Assassination of President John F. Kennedy, W.W.Norton & Company, 2007, (ISBN 978-0-393-04525-3), pp. 1299-1335
- (en) Gerald Posner, Case Closed, 1993, (ISBN 1-4000-3462-0), pp. 175-180
- (en) Anthony Summers, The Kennedy Conspiracy, 1980 (révisé en 1998), (ISBN 0-7515-1840-9), pp. 296-301
- (en) Michael L Kurtz, Crime of the Century, 1982, (ISBN 0-87049-824-X), pp. 150-151
- (en) TĂ©moignage de Sylvia Odio devant la Commission Warren
- (en) TĂ©moignage de Sylvia Odio devant le FBI
- (en) Mémorandum résumant le témoignage du Dr Einspruch devant la Commission Warren
- (en)http://history-matters.com/archive/jfk/hsca/reportvols/vol10/html/HSCA_Vol10_0012a.htm Rapport du HSCA sur lâincident Odio]
- (en) DĂ©position du Dr Einspruch devant le HSCA
- (en) MĂ©morandum interne de la Commission Warren concernant une possible interprĂ©tation de lâincident Odio