Spanda
Le spanda (स्पन्द en devanāgarī) est l'un des thèmes fondateurs du tantrisme dans l'école connue sous le nom de Shivaïsme du Cachemire. Le terme, qui signifie à l'origine vibration, pulsation[1] en sanskrit, y est défini comme « la vibration de l'Un, accompagnée de conscience, vibration qui a suscité les différences[2] de l'univers[3] ». Cette vision du monde a été pour la première fois exposée au VIIIe siècle dans la Spandakārikā, attribué soit à Vasugupta, soit à son disciple Kallata[3].
À l'encontre du Vedānta, où la Réalité suprême est conçue comme inactive, la Réalité telle que la perçoit l'école tantrique du Cachemire « est lumière consciente, énergie de pure liberté appelée spanda, acte vibrant[4]. »
Pour le tantrika, ou adepte du tantra, cette vision est source d'un mode de vie et de pratique. « Parce qu'il est actuel, éternellement présent, le spanda est source de toute efficience, il est l'efficience même[4] ». Cette efficience — autre nom de la Shakti — définit la quête du tantrika : non pas tourner le dos à la vie, mais l'accueillir au contraire dans toutes ses manifestations, jusqu'aux plus terrifiantes et aux plus extatiques, en portant son attention aux émotions, aux sensations qui le font mouvoir à chaque instant :
« Celui qui tend avec ardeur vers le frémissement profond touche à sa vraie nature même au sein de l'activité. »
« Le frémissement profond peut être touché dans les états extrêmes : la colère, la joie intense, l'errance mentale ou l'élan de survie. »
« Comme un objet qui échappe à l'attention est plus clairement perçu lorsqu'on fait l'effort de mieux le cerner, le frémissement suprême apparaît au tantrika lorsqu'il tend vers lui avec ardeur. Ainsi tout s'accorde à l'essence de sa vraie nature[5]. »
Le thème du spanda constitue la trame sur lequel seront tissés les enseignements des écoles Kula et Trika qui succèdent à l'école Spanda[4], l'exemple le plus connu étant celui du Vijñānabhairava Tantra[6].
Notes et références
- Du radical spand : vibrer, frémir, entrer en mouvement, venir au monde. Nadine Stchoupak, Luigia Nitti et Louis Renou, Dictionnaire sanskrit-français, Adrien Maisonneuve, Paris, 1932.
- Appelés tattva en sanskrit, ce sont les différents plans qui s'échelonnent entre la Réalité suprême et la matière inerte.
- Jan Gonda, Les Religions de l'Inde, traduit de l'allemand par L. Jospin, vol. II, L'Hindouisme récent, Payot, Paris, 1965, p. 270.
- Lilian Silburn, Études sur le śivaïsme du Cachemire, école Spanda, Collège de France, Institut de civilisation indienne, Paris, 1980
- Versets 21, 22, 36-37 de la Spandakārikā. Traduction de Daniel Odier, L'Incendie du cœur, le chant tantrique du frémissement, Le Relié, Gordes, 1999.
- Traduit en français entre autres par Pierre Feuga sous le titre Cent Douze Méditations tantriques. Le Vijñāna-Bhairava, L'Originel, Paris, 1988, et par Daniel Odier sous le titre Tantra Yoga. Le Vijñānabhairava Tantra. Le Tantra de la connaissance suprême, Albin Michel, Paris, 1998.