Sophisme du paresseux
Le Sophisme du Paresseux (argos logos en grec ou ignaua ratio en latin), également appelé raison paresseuse, est un sophisme qui consiste à concevoir le futur comme prédéterminé, et donc indépendant de notre action. Le résultat étant prédéterminé, rien ne peut modifier son issue, ce qui incite donc à ne rien faire.
Cette idée, développée durant l'Antiquité, fût reprise plus récemment dans les ouvrages de Leibniz, et appelée fatum mahumetanum.
Extraits
« Les hommes presque de tout temps ont Ă©tĂ© troublĂ©s par un sophisme que les anciens appelaient la raison paresseuse, parce qu'il allait Ă ne rien faire ou du moins Ă n'avoir soin de rien, et ne suivre que le penchant des plaisirs prĂ©sents. Car, disait-on, si l'avenir est nĂ©cessaire, ce qui doit arriver arrivera quoi que je puisse faire. Or l'avenir, disait-on, est nĂ©cessaire, soit parce que la divinitĂ© prĂ©voit tout, et le prĂ©Ă©tablit mĂȘme, en gouvernant toutes les choses de l'univers ; soit parce que tout arrive nĂ©cessairement par l'enchaĂźnement des causes ; soit enfin par la nature mĂȘme de la vĂ©ritĂ© qui est dĂ©terminĂ©e dans les Ă©nonciations qu'on peut former sur les Ă©vĂ©nements futurs, comme elle l'est dans toutes les autres Ă©nonciations, puisque l'Ă©nonciation doit toujours ĂȘtre vraie ou fausse en elle-mĂȘme, quoique nous ne connaissions pas toujours ce qui en est. Et toutes ces raisons de dĂ©termination qui paraissent diffĂ©rentes, concourent enfin comme des lignes Ă un mĂȘme centre : car il y a une vĂ©ritĂ© dans l'Ă©vĂ©nement futur, qui est prĂ©dĂ©terminĂ© par les causes, et Dieu l'a prĂ©Ă©tabli en Ă©tablissant ces causes. »
â Leibniz, Essais de thĂ©odicĂ©e, 1710
« Cette considĂ©ration fait tomber en mĂȘme temps ce qui Ă©tait appelĂ© des anciens le sophisme paresseux (logos argos) qui concluait Ă ne rien faire : car, disait-on, si ce que je demande doit arriver, il arrivera, quand je ne ferais rien ; et s'il ne doit point arriver, il n'arrivera jamais, quelque peine que je prenne pour l'obtenir. On pourrait appeler cette nĂ©cessitĂ©, qu'on s'imagine dans les Ă©vĂ©nements, dĂ©tachĂ©e de leurs causes, fatum mahumetanum, comme j'ai dĂ©jĂ remarquĂ© ci-dessus, parce qu'on dit qu'un argument semblable fait que les Turcs n'Ă©vitent point les lieux oĂč la peste fait ravage. Mais la rĂ©ponse est toute prĂȘte; l'effet Ă©tant certain, la cause Qui le produira l'est aussi; et si l'effet arrive, ce sera par une cause proportionnĂ©e. Ainsi votre paresse fera peut-ĂȘtre que vous n'obtiendrez rien de ce que vous souhaitez, et que vous tomberez dans les maux que vous auriez Ă©vitĂ©s en agissant avec soin. L'on voit donc que la liaison des causes avec les effets, bien loin de causer une fatalitĂ© insupportable, fournit plutĂŽt un moyen de la lever. Il y a un proverbe allemand qui dit, que la mort veut toujours avoir une cause ; et il n'y a rien de si vrai. Vous mourrez ce jour-lĂ (supposons que cela soit, et que Dieu le prĂ©voie), oui, sans doute ; mais ce sera parce que vous ferez ce qui vous y conduira. »
â Leibniz, Essais de ThĂ©odicĂ©e, 1710