Skholè
Skholè ou scholè (en grec ancien : σχολή), veut dire « temps libre », « loisir », mais c’est aussi la racine du mot « école », en latin schola. La notion d’enseignement ou leçon, aussi bien que celle qui fait référence à l’institution scolaire, ont comme origine l’idée de temps libre, de diversion, de repos propres au travail intellectuel. C’est pour cela que Pierre Bourdieu, dans son livre Méditations pascaliennes, a donné au mot skholè un sens technique emprunté au mode de vie et à la pensée des Grecs : « temps libre et libéré des urgences du monde qui rend possible un rapport libre et libéré à ces urgences, et au monde » (p. 10). Les hommes de la σχολή sont ceux qui, en Grèce, sont nés libres et font leur travail politique, littéraire ou législatif, librement, c’est-à-dire à loisir, comme le rappelle Platon[1] ; ce sont essentiellement les philosophes. Ils s’opposaient aux hommes de l’ἀνάγκη / ananké, la nécessité qui contraignait les orateurs des tribunaux ; faute de temps, ceux-ci ne pouvaient se dégager des nécessités et de la hâte de la pratique routinière, vu que demain serait trop tard[2].
D'après Bourdieu, la skholè est condition de l'existence de tous les champs savants. Elle est « la plus déterminante de toutes les conditions sociales de possibilité de la pensée « pure », et aussi la disposition scolastique qui incline à mettre en suspens les exigences de la situation, les contraintes de la nécessité économique et sociale, et les urgences qu'elle impose ou les fins qu'elle propose » (idem. p. 27).
Notes et références
- Platon, Les Lois [détail des éditions] [lire en ligne], livre IX, 857 e - 858 c.
- Auguste Diès, livre IX des Lois de Platon, édition Les Belles Lettres, 1956, note 1 page 105.
Bibliographie
- Elisabeth-Charlotte Welskopf, « Loisir et esclavage dans la Grèce antique », Actes du colloque 1973 sur l'esclavage. Besançon 2-3 mai 1973, , p. 159-178 (lire en ligne)
- Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, coll. "Liber", 1997, (ISBN 2020320029).