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Rousseau juge de Jean-Jacques

Rousseau juge de Jean-Jacques est une œuvre autobiographique et polémique de l'écrivain et philosophe Jean-Jacques Rousseau rédigée entre 1771[1] et 1775[2] si l'on se fonde sur le premier manuscrit complet connu (dit "Condillac"), et non entre 1772 et 1776 comme le veut une tradition éditoriale fondée uniquement sur les manuscrits dits "de Paris" et "de Genève".

Manuscrit de Rousseau juge de Jean-Jacques.
Rousseau juge de Jean-Jacques
Dialogues
Image illustrative de l’article Rousseau juge de Jean-Jacques
Portrait de Jean-Jacques Rousseau en manteau arménien, Allan Ramsay, 1766

Auteur Jean-Jacques Rousseau
Genre Dialogues
Version originale
Langue Français
Version française
Date de parution 1772-1776

En 1771, les lectures privées des Confessions que Rousseau a engagées se heurtent à l'incompréhension et à l'interdiction du chef de la police Sartine. La faillite des Confessions laisse place à une autre forme d'apologie que sont ces dialogues qui s'appuient encore sur l'analyse psychologique[3], mais surtout désormais sur la rhétorique judiciaire[4]. L'auteur présente son projet dans un avant-propos, intitulé: "Du sujet et de la forme du présent écrit": "La forme du dialogue m'ayant paru la plus propre à discuter le pour et le contre, je l'ai choisie pour cette raison." Il explique ensuite qu'il sera représenté par deux personnages: d'une part celui qui parlera sous son nom de famille: "Rousseau", de l'autre celui dont il est question dans l'opinion publique: "Jean-Jacques" (J.J dans le texte), lequel fera l'objet d'une controverse de "Rousseau" avec un troisième personnage: "le Français", censé défendre la cause des adversaires de l'auteur. Ce dispositif conversationnel ouvre un espace dialectique en distinguant le Rousseau authentique de sa contrefaçon fabriquée par ses ennemis [5]. Rousseau juge de Jean-Jacques est effet indissociable de l'idée de complot, d'abord pris comme hypothèse, puis progressivement établi au fil des trois dialogues, comme une réalité dont les racines seraient en dernière instance politiques[6] - [7] et concerneraient donc non seulement la société française mais l'Europe entière, donnée, dans le IIIe dialogue, comme étant sur le point de basculer dans le règne de l'arbitraire généralisé.

  • Dans le premier dialogue, le personnage "Rousseau" est un Suisse lettrĂ©, particulièrement compĂ©tent en matière juridique, et qui admire la pensĂ©e de J.J sans l'avoir encore rencontrĂ© ; "Le Français" est un mondain cultivĂ© et persifleur qui, quoique n'ayant pas lu les Ă©crits de J.J, colporte les calomnies rĂ©pandues sur leur compte et celui de leur auteur. Leur entretien, dont le style doit beaucoup Ă  la maĂŻeutique socratique et Ă  l'ironie des Provinciales de Pascal, dĂ©bouche sur le consentement du Français Ă  lire J.J., et sur l'engagement de Rousseau Ă  lui rendre visite, afin de vĂ©rifier in vivo s'il est un honnĂŞte homme au lieu du scĂ©lĂ©rat qu'on prĂ©tend.
  • Les deux hommes s'Ă©tant retrouvĂ©s quelques mois plus tard, leur second dialogue est constituĂ© du rapport très dĂ©taillĂ© de Rousseau sur son enquĂŞte et Ă  ses rĂ©ponses aux questions et objections argumentĂ©es que le Français lui adresse Ă  propos de la fiabilitĂ© de ses analyses concernant le portrait moral de J.J.
  • Dans le troisième dialogue, le Français avoue qu'il n'avait initialement dĂ©fendu le point de vue des ennemis de J.J qu'avec toutes sortes de rĂ©serves intĂ©rieures, et surtout pour savoir quelles objections pouvaient leur ĂŞtre adressĂ©es: devenu un lecteur averti de ses Ĺ“uvres, il reconnaĂ®t la rĂ©alitĂ© du complot[5] et les deux hommes conviennent de se consacrer Ă  la transmission authentique de ses Ă©crits, ce pour quoi ils se rendront auprès de lui.

Rousseau raconte dans un supplément intitulé "Histoire du précédent écrit" qu'il avait imaginé, en 1776, de laisser un manuscrit sur l'autel de Notre-Dame, mais les grilles de l'autel étant fermées, il finira par le remettre à un ami de longue date, l'abbé Condillac. Ce manuscrit était préparé pour la publication, mais Rousseau, dans la suscription qu'il a jointe au paquet remis à Condillac, souhaitait qu'il ne fût ouvert qu'au début du XIXe siècle: il est aujourd'hui conservé à la BNF qui l'a acquis en 1996. Rousseau juge de Jean Jacques sera cependant publié en 1782 (l'auteur est mort en 1778), en même temps que Les Confessions, au t. XI de la Collection complète des Œuvres de J.J. Rousseau, Citoyen de Genève, à partir du manuscrit dit "de Genève" laissé entre les mains de son ami Paul Moultou, avec recommandation de ne le publier, ainsi que Les Confessions, qu'au siècle suivant.

D'autres manuscrits préparés pour la publication existent : ceux dits "de Londres" (conservé à la British Library) et "de Paris" (conservé à la Bibliothèque du Palais-Bourbon; si de très nombreuses variantes apparaissent dans et depuis le manuscrit Condillac, elle ne portent pas sur le forme générale du propos ni sur l'argumentation, mais sur la formulation, que Rousseau n'a cessé de retravailler. Le sous-titre "dialogues" qu'on trouve dans de nombreuses éditions, ainsi qu'une épigraphe tirée d'Ovide n'apparaissent que sur le manuscrit de Londres, qui ne contient que le premier dialogue. Pour autant, Rousseau parle de ses "Dialogues" dans la première promenade des Rêveries du Promeneur solitaire.

Éditions critiques. - Rousseau juge de Jean-Jacques, Philip Stewart éd., Œuvres complètes, Raymond Trousson et Frédéric Eigeldinger dir., Genève, Slatkine et Paris, Champion, 2012, t. 3. - Rousseau juge de Jean Jaques (manuscrit "Condillac"), avec les variantes ultérieures, Jean-François Perrin éd., Œuvres complètes sous la direction de J. Berchtold, F. Jacob, C. Martin et Y Seïté, Paris, Classiques Garnier, 2015, t. XVIII.

Notes et références

  1. Jean-François Perrin, « « Deux manuscrits de Rousseau juge de Jean-Jacques Â» », RHLF n°4, p. 791-804,,‎ dĂ©cembre 2016.
  2. Jean-François Perrin, Rousseau juge de Jean Jaques (manuscrit "Condillac"), édition critique, Paris, Classiques Garnier, , p. 927-932.
  3. Robert Osmont, Œuvres complètes, Gallimard 1959, collection la Pléiade, introduction au texte
  4. Jean-François Perrin, Politique du renonçant, le dernier Rousseau (des Dialogues aux Rêveries), Paris, Kimé, , p. 10-11 et 17-20.
  5. Raymond Trousson, Jean-Jacques Rousseau, Tallandier, 1989, T;II p.422-425
  6. (en) Jean-François Perrin, « « Reflecting on the Outlaw: Rousseau Judge of Jean-Jacques in Light of the Greek Tragedians Â» », The Rousseauian Mind (Eve Grace & Christopher Kelly Ă©ds), ch. 19.,‎ london, routledge, 2019.
  7. Gérald Allard, « "La pensée politique des Dialogues: le juste, l'injuste et le juge" », Études Jean-Jacques Rousseau n°7,‎ , p. 105-126
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