R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society
R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society[1] est un arrêt de principe de la Cour suprême du Canada rendu en 1992 sur l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et la doctrine de l'imprécision. La Cour a jugé que les lois peuvent être annulées en tant que violation de l'article 7 lorsqu'elles sont si vagues qu'elles violent la justice fondamentale.
Les faits
Un certain nombre de pharmacies furent accusées de complot « pour empêcher ou diminuer indûment la concurrence » en vertu de l'article 32(1)(c) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions[2] pour la vente de médicaments sur ordonnance et de services de délivrance avant juin 1986. Elles ont contesté la disposition au motif qu'il violait l'article 7 de la Charte en raison de son imprécision.
Au procès, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a donné raison aux sociétés pharmaceutiques et a annulé la condamnation. En appel, la cour a infirmé le verdict et a donné raison au ministère public.
Décision de la Cour suprême du Canada
La question dont était saisie la Cour suprême était la suivante :
si l'article 32(1)c) de la Loi contrevenait à l'art. 7 de la Charte en raison de l'imprécision découlant de l'emploi du mot « indûment »; et si l'article 32(1)c) contrevenait à l'article 7 en raison de la mens rea requise par l'infraction.
La Cour a conclu que l'article 32(1)c) de la Loi était suffisamment clair et ne contrevenait pas à la Charte. Le juge Gonthier a écrit ce jugement rendu unanimement par la Cour.
Motifs du jugement
Le juge Gonthier a fait remarquer que la doctrine de l'imprécision en vertu de l'article 7 était fondée sur la doctrine de la primauté du droit. Plus précisément, elle est fondée sur « les principes voulant que les citoyens soient raisonnablement prévenus et que le pouvoir discrétionnaire en matière d'application de la loi soit limité ». Une loi sera en violation de l'article 7 pour imprécision si « elle manque de précision au point de ne pas donner suffisamment d'orientations pour le débat judiciaire »[3].
L'exigence que les « citoyens soient raisonnablement prévenus » signifie qu'il doit y avoir une connaissance de la loi. Le citoyen doit avoir « la conscience qu'une certaine conduite est assujettie à des restrictions légales ». La « limitation du pouvoir discrétionnaire dans l'application de la l » vise le contenu de la loi, qui exige qu'une loi « ne doit pas être dénuée de précision au point d'entraîner automatiquement la déclaration de culpabilité dès lors que la décision de poursuivre a été prise »[4].
Le terme « débat judiciaire » vise à refléter et à englober les principes d'imprécision « dans le contexte plus global d'une analyse de la qualité et des limites de la connaissance et de la compréhension qu'ont les particuliers de l'application de la loi »[5]. Cela exige que la loi définisse « les limites des conduites autorisées et non autorisées ».
Dans l'ensemble, le seuil de l'imprécision est élevé. Gonthier a donné une liste de facteurs à considérer pour déterminer si une disposition est vague :
- la nécessité de la souplesse et le rôle des tribunaux en matière d'interprétation;
- l'impossibilité de la précision absolue, une norme d'intelligibilité étant préférable ; et
- la possibilité qu'une disposition donnée soit susceptible de nombreuses interprétations qui peuvent même coexister.
Compte tenu des faits, la disposition contestée de la loi n'a pas été jugée vague. La Cour a examiné le libellé de la disposition et a pris en compte le contexte de la loi dans le domaine du droit commercial, et a conclu que « le Parlement a suffisamment délimité le domaine de risque et les termes du débat pour respecter la norme constitutionnelle ».
Notes et références
- [1992] 2 RCS 606
- S.R.C. 1952, c. 314
- p. 643 du recueil de jurisprudence
- p. 636 du recueil
- p. 640 du recueil