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Participation canadienne durant l'intervention libyenne de 2011

Durant l’intervention en Libye en 2011, l’approche du Canada dans cette rĂ©gion Ă©tait caractĂ©risĂ©e par son engagement et  sa volontĂ© de jouer un rĂ´le important dans la coalition militaire de l’OTAN, et plus particulièrement en tant que partenaire fidèle de Washington[1]. En effet, le Canada s’est immĂ©diatement joint Ă  la guerre contre la Libye lorsque les rĂ©solutions 1970 et 1973 ont Ă©tĂ© adoptĂ©es et a fait preuve de suivisme vis-Ă -vis des États-Unis tout au long de la mission[2]. Il a effectuĂ© près de 6 % des dĂ©penses totales et 9,8 % des frappes aĂ©riennes de la mission libyenne au total[3]. Sa contribution quantitative Ă  travers  ses  ressources aĂ©riennes et navales ainsi que le personnel associĂ©, l’a placĂ© au cĂ´tĂ© de ses alliĂ©s transatlantiques, au quatrième rang des pays contributeurs de l’ensemble de l’intervention[4].

Contexte de l'intervention du Canada en Libye.

L’intervention libyenne de 2011 est une opĂ©ration militaire sous l’auspice de l’ONU qui a dĂ©butĂ© le et pris fin le et avait comme but d’appliquer les rĂ©solutions 1970 et 1973 du Conseil de sĂ©curitĂ©[5]. Celle-ci a eu lieu en rĂ©ponse Ă  la guerre civile libyenne qui fut causĂ©e par un mouvement de protestation populaire vis-Ă -vis du rĂ©gime de Kadhafi, originairement Ă  Benghazi en et qui s'est finalement transformĂ© en une rĂ©bellion armĂ©e contre laquelle le gouvernement a violemment rĂ©agi[6] - [7]. Face aux rĂ©pliques de l’État libyen, le Conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU a imposĂ© Ă  travers la rĂ©solution 1970 du un embargo international contre les armes Ă  destination de la Libye, bloquĂ© l’utilisation des actifs de toute personne impliquĂ©e dans de graves violations des droits de l’homme ainsi que ceux de celles qui Ă©taient proches du rĂ©gime de Kadhafi[6] - [7].  Le , une deuxième rĂ©solution s’intitulant S/RES/1973 proclame la zone d'exclusion aĂ©rienne en Libye et approuve que les États membres de l’ONU usent de toutes les mesures nĂ©cessaires pour protĂ©ger la population civile dans cette rĂ©gion[8]. Ainsi, c’est sur ces bases lĂ©gales que les membres de l’OTAN incluant le Canada ont dĂ©cidĂ© d’intervenir jusqu’au moment oĂą la Cour pĂ©nale internationale a condamnĂ© Kadhafi et d'autres hauts responsables de la Libye en fin juin[8].

L'idéologie néoconservatrice du gouvernement de Harper.

L’intervention du Canada en Libye fut favorisĂ©e par la prĂ©sence d’une idĂ©ologie nĂ©oconservatrice  du gouvernement de l’époque. Comme l’explique Justin Massie, l’idĂ©ologie nĂ©oconservatrice se traduit par un :

volontarisme proactif sur la scène internationale; une croyance dans la supériorité morale de l’Occident; un désir de réinvestir massivement dans les Forces armées canadiennes afin de prendre activement part aux opérations d’imposition de la paix; un alignement diplomatique sur les États-Unis et une méfiance envers les institutions multilatérales; une vision du Canada comme nation guerrière, monarchique, puissance majeure et allié fiable des États-Unis; une préférence pour le recours offensif à la force militaire[9].

Les  choix du Canada en matière de politique Ă©trangère et de dĂ©fense ont toujours Ă©tĂ© en majoritĂ© influencĂ©es par ses relations avec d'autres États plus puissants, en particulier avec les États-Unis. Ă€ la veille de l’intervention en Libye,  le choix du Canada Ă©tait caractĂ©risĂ© entre autres par sa volontĂ© de jouer un rĂ´le significatif en tant que partenaire militaire crucial des États-Unis[10]. Jack Granatstein, chercheur au Canadian Defence and Foreigns Affairs Institute note qu’ en dĂ©clarant avant que la mission en Libye ne commence, que «Les Allemands ne se battront pas, les NĂ©erlandais ne peuvent pas, les Britanniques ne peuvent plus se payer une armĂ©e et les Français veulent tout gĂ©rer»[11] et que «le Canada ne participera pas Ă  moins que les États-Unis ne prennent les devants»[11], le gouvernement Harper avait implicitement reconnu les États-Unis comme le seul partenaire de la dĂ©fense sur lequel ils pouvaient vraiment compter[12]. En effet en ce qui a trait avec la crise libyenne, une fois que Washington ait fait connaitre ses positions et les ait dĂ©clarĂ©es, le gouvernement Harper adoptait et dĂ©clarait  des positions similaires Ă  celles de Washington[13]. D’ailleurs, jusqu’à la veille de l’adoption de la rĂ©solution 1973, Ottawa Ă©tait hĂ©sitant par rapport Ă  la nĂ©cessitĂ© d’une action militaire en Libye mais c’est après qu’un consensus ait Ă©tĂ© atteint, qu’il a suivi  les États-Unis en soutenant  fortement l’intervention militaire[14]. Dans le conflit libyen, le gouvernement canadien n’a pas envisagĂ© l’usage de la force comme dernier recours. Bien au contraire, le Canada est intervenu en Libye dans le but de renverser le rĂ©gime de Kadhafi et cet appui au changement de rĂ©gime a Ă©tĂ© souhaitĂ© et Ă©noncĂ© publiquement[15]. DĂ©jĂ , peu de temps après l’adoption de la rĂ©solution 1970 et  quelques semaines avant celle de la rĂ©solution 1973, Harper dĂ©clarait que: « Loin de protĂ©ger la population libyenne contre le danger, il est Ă  l'origine des dangers  auxquels elle fait face, a dĂ©clarĂ© M. Harper. La seule chose acceptable Ă  faire pour lui est de mettre fin au bain de sang et de renoncer sur-le-champ Ă  ses fonctions et au pouvoir»[16].  C’est ainsi qu’à la veille de l'Operation Mobile le , le premier ministre Stephen Harper dĂ©clara : « L’histoire nous apprend que la libertĂ© s’épanouit rarement dans une terre qui n’a pas Ă©tĂ© remuĂ©e. Ainsi, mĂŞme si rares sont les pays qui se passionnent autant que le nĂ´tre pour la  paix, un Ă©lan de gĂ©nĂ©rositĂ©  ne nous rendra pas aveugles face Ă  l’injustice. Il est encore  moins question que la retenue et l’immobilitĂ© et nous rendent indiffĂ©rents face aux oppresseurs»[17] - [18]. Il entendait donc redĂ©finir l’image du Canada en tant que nation guerrière en replaçant l’institution militaire au centre de sa politique Ă©trangère rappelant que le Canada a participĂ© Ă  la plupart des conflits internationaux du XXe siècle[19]. En effet, selon David Perry,  les officiers canadiens Ă©taient très ravis et ont Ă©tĂ© favorables Ă  rejoindre la coalition censĂ©e protĂ©ger les civils libyens du rĂ©gime Kadhafi. L’intervention du Canada en Libye s’est donc dĂ©roulĂ©e dans un contexte oĂą le gouvernement au pouvoir avait une rĂ©elle prĂ©fĂ©rence au recours offensif Ă  la force militaire et priorisait sa relation avec les États-Unis[19].

Opération Mobile.

L’OpĂ©ration Mobile  reprĂ©sentait la mission canadienne de protection des civils contre le rĂ©gime de Kadhafi. Elle a dĂ©butĂ© le en guise de mission pacifique pour Ă©vacuer des Canadiens et ressortissants Ă©trangers de Libye mais s’est transformĂ©e en en une mission de combat avec des capacitĂ©s maritimes et  aĂ©riennes basĂ©es en Italie[20]. En effet, le gouvernement Harper voulait que le Canada joue un rĂ´le prĂ©pondĂ©rant en Libye Ă  travers cette opĂ©ration[21]. L’aviation royale canadienne (ARC) a donc rapidement appliquĂ© l’ordre du gouvernement de dĂ©ployer ses forces en Libye. ImmĂ©diatement après que la rĂ©solution 1973 fĂ»t adoptĂ©e, l’ARC a envoyĂ© sept CF-18, deux Polaris CC-150T en Italie dans l’optique de soutenir l’OpĂ©ration Odyssey Dawn et aussitĂ´t après les soldats canadiens ont commencĂ© Ă  prendre activement part au combat le [22]. Ces CF-18 et leurs pilotes ont effectuĂ© 1000 sorties et constituĂ© Ă  eux seuls plus de 10 % des missions de frappes de l’OTAN[23]. La force opĂ©rationnelle comprenait Ă©galement deux avions de transports stratĂ©giques CC-177, deux avions de transport tactiques CC-130J, deux avions de patrouille maritime CP-140 Aurora[24]. L’OpĂ©ration a pris fin le [25].

Opération Unified Protector.

L’opĂ©ration Unified Protector Ă©tait une opĂ©ration de l’OTAN destinĂ©e Ă  faire respecter les rĂ©solutions 1970 et 1973 du Conseil de SĂ©curitĂ©. Elle a dĂ©butĂ© le et Ă©tait dirigĂ©e par un lieutenant General canadien du nom de Charles Bouchard[26]. Au cours de cette opĂ©ration, 260 moyens aĂ©riens (avions de combat, avions de surveillance et de reconnaissance, des systèmes ravitailleurs et des hĂ©licoptères d’attaques), 21 moyens navals (frĂ©gates, ravitailleurs, frĂ©gates, sous-marins, navires d’assaut) furent utilisĂ©s pour cette opĂ©ration[26]. De mĂŞme, l’OTAN a exĂ©cutĂ© 218 ordres de mission aĂ©rienne, effectuĂ© 26 500 sorties dont 9700 attaques au sol et dĂ©truit plus de 5 900 cibles militaires[27]. En plus du fait que cette OpĂ©ration de l’OTAN fut dirigĂ©e par un gĂ©nĂ©ral canadien, notons aussi que les forces canadiennes ont jouĂ© un rĂ´le dĂ©cisif durant celle-ci. En effet, le HMCS Charlottetown fut dĂ©pĂŞchĂ© en MĂ©diterranĂ©e dans le but de garantir une assistance humanitaire, de lutter contre les mines dans les eaux cĂ´tières libyennes et d’appliquer l’embargo sur les armes. Cette frĂ©gate canadienne est «équipĂ©e de radars de recherche aĂ©rienne et de surface qui lui permettent ainsi de collecter des informations sur son environnement aĂ©rien maritime et local et de transmettre ces images radars Ă  d’autres navires et aĂ©ronefs»[28]. D’ailleurs le , le HMCS Charlottetown (FFH-399) a pu localiser des tirs de roquette aux alentours de Misrata (ville en Libye) provenant d’un lanceur de roquettes(BM-21) de l’armĂ©e et a ainsi pu prĂ©venir un Boeing E-3 de l’OTAN qu’il y avait une attaque en cours. Par la suite, le contrĂ´leur Ă  bord de ce Boeing a ordonnĂ© Ă  deux bombardiers canadiens CF-18 de dĂ©truire le BM-21[28]. Cette mission a pris fin le et a coĂ»tĂ© au Canada environ 103 millions de dollars[6].

Références

  1. Katie Domansky, Rebecca Jensen et Rachael Bryson, «Canada and the Libya coalition», Journal  of Military and Strategic Studies, vol.14, n.3-4, 2012, p. 12.
  2. Jonathan Paquin, Justin Massie et Philippe Beauregard, «Transatlantic Leadership Style Under Obama: Or How to Enable French Leaders in Libya and Mali»,  Journal of Transatlantic Studies, 2017, vol.15, n.2, p. 8.
  3. Justin Massie et Darko Brizic, «Rupture idéologique et redéfinition de l’identité internationale du Canada : Harper et Chrétien face aux guerres en Libye et au Kosovo», Canadian Foreign Policy Journal, vol. 20, n.1,2014, p. 24.
  4. Katie Domansky, Rebecca Jensen et Rachael Bryson, «Canada and the Libya coalition», Journal  of Military and Strategic Studies, vol.14, n.3-4, 2012, p. 1.
  5. Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, « L'OTAN et la Libye », sur nato.int, .
  6. Sean McMahon, «Hegemony in the Local Order and Accumulation in the Global: Canada andLibya», in Duane Bratt and Christopher J. Kukucha (eds), Readings in Canadian Foreign Policy: Classic Debates and New Ideas, 3rd ed, Oxford University Press, 2015, p. 123.
  7. United Nations, Security Council, S/RES/1970, 26 February 2011.
  8. David P. Auerswald et Stephen M. Saideman, «Extending the argument in Libya» in NATO in  Afghanistan: Fighting Together, Fighting Alone, Princeton: Princeton University Press, 2013, p. 195.
  9. Justin Massie et Darko Brizic, «Rupture idéologique et redéfinition de l’identité internationale du Canada : Harper et Chrétien face aux guerres en Libye et au Kosovo», Canadian Foreign Policy Journal, vol. 20, n.1, 2014, p. 21.
  10. Katie Domansky, Rebecca Jensen et Rachael Bryson, «Canada and the Libya Coalition», Journal of Military and Strategic Studies, vol. 14, n. 3-4, 2012, p. 12
  11. (en) J.L. Granatstein, « A Very Albertan Foreign Policy », Ottawa Citizen,‎ (lire en ligne).
  12. Katie Domansky, Rebecca Jensen et Rachael Bryson, «Canada and the Libya Coalition», Journal of Military and Strategic Studies, vol. 14, n. 3-4, 2012, p. 21.
  13. Jonathan Paquin, «Is Ottawa Following Washington’s lead in foreign policy? Evidence from the Arab Spring», International Journal, Automne 2012, vol.67, n.4, p. 1002.
  14. Jonathan Paquin, Justin Massie et Philippe Beauregard, «Transatlantic Leadership Style Under Obama: Or How to Enable French Leaders in Libya and Mali», Journal of Transatlantic Studies, vol.15, n. 2, 2017, p. 193.
  15. Justin Massie et Darko Brizic, «Rupture idéologique et redéfinition de l’identité internationale du Canada : Harper et Chrétien face aux guerres en Libye et au Kosovo», Canadian Foreign Policy Journal, vol. 20, n.1, 2014, p. 23.
  16. Mélissa Guillemette, « Harper demande à Khadaffi de partir », Le Devoir,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. Justin Massie et Darko Brizic, «Rupture idéologique et redéfinition de l’identité internationale du Canada : Harper et Chrétien face aux guerres en Libye et au Kosovo», Canadian Foreign Policy Journal, vol. 20, n.1, 2014, p. 26.
  18. Harper, S., 2011a. Declaration du Premier ministre au sujet de la situation en Libye. Ottawa : Bureau du Premier ministre, 18 mars 2011.
  19. David Perry, «The evolution of the Harper Government’s Defence Policy : Minority versus Majority or Surplus versus Deficit ?» in The Harper era in Canadian foreign policy: Parliament, politics, and Canada's global posture, sous la dir. Adam Chapnick, Christpher J. Kukucha, Vancouver: UBC Press, 2016, p. 90.
  20. Katie Domansky, Rebecca Jensen et Rachael Bryson, «Canada and the Libya Coalition», Journal of Military and Strategic Studies, vol. 14, n. 3-4, 2012, p. 4
  21. (en) Mayne, Richard O., et al, « The Canadian Experience: Operation Mobile », dans Mayne, Richard O., et al, Precision and Purpose: Airpower in the Libyan Civil War, RAND Corporation, (lire en ligne), p. 248.
  22. (en) Mayne, Richard O., et al, « The Canadian Experience: Operation Mobile », dans Mayne, Richard O., et al, Precision and Purpose: Airpower in the Libyan Civil War, RAND Corporation, (lire en ligne), p. 250.
  23. (en) Mayne, Richard O., et al, « The Canadian Experience: Operation Mobile », dans Mayne, Richard O., et al, Precision and Purpose: Airpower in the Libyan Civil War, RAND Corporation, (lire en ligne), p. 257.
  24. (en) « Canadian Patrol planes to join Libya mission », sur CBC, .
  25. « Operation Mobile », sur Gouvernement du Canada, .
  26. (en) « Operation Unified Protector, Final missions stats », sur North Atlantic Treaty Organization, .
  27. (en) Todd R Phiney, « Reflections on Operation Unified Protector », Joint Force Quarterly, National defense University Press, no 73,‎ (lire en ligne).
  28. (en) Thomas Withington, « Canada’s Role in Op Unified Protector », Frontline Defence, vol. 8, no 4,‎ (lire en ligne, consulté le ).
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