Accueil🇫🇷Chercher

Partage de l'infini

Partage de l’infini (2005)[1] est un roman de l’écrivain libanais de langue française Ramy Zein.

Partage de l'infini
Auteur Ramy Zein
Pays Drapeau du Liban Liban
Genre Roman
Éditeur Éditions Arléa
Collection 1er Mille
Date de parution
Nombre de pages 245
ISBN 286959691X
Chronologie

Intrigue

Le récit est centré sur deux groupes de personnages qui apparaissent alternativement : les premiers sont palestiniens et vivent près de Naplouse ; les seconds, israéliens, habitent entre Tel-Aviv et une colonie de Cisjordanie. À la faveur de plusieurs péripéties, les destins des uns et des autres se croisent, se heurtent et s’entremêlent jusqu’au dénouement tragique du roman.

Dimension humaine de l'Histoire

Partage de l'infini restitue la rĂ©alitĂ© humaine du conflit israĂ©lo-palestinien en montrant ses rĂ©percussions matĂ©rielles et psychologiques sur la vie de tous les jours. « Puissance de la fiction pour rendre compte du rĂ©el, puissance de « l’inventĂ© Â» pour dire le vrai, Ă©crit Pierre-Yves Le Priol. VoilĂ  un roman qui nous en apprend plus que bien des reportages sur le conflit du Proche-Orient ! Loin des affres du moi et de ses horizons minuscules, le lecteur est d’emblĂ©e plongĂ© ici dans une situation forte, avec pour enjeux rien moins que l’honneur, la vie, la mort. »[2] « ce roman très fort, ajoute Anne Dossin, […] pose le doigt sur la question fondamentale de la souffrance : jusqu’oĂą peut-on aller dans la violence quand on souffre trop et qu’il n’y a pas d’issue ? »[3] Selon Dominique Grosfils, Partage de l'infini montre surtout « les mĂ©canismes de la peur, la pression psychologique»[4], d’oĂą sa « charge dramatique très intense »[5], souligne Maya Ghandour Hert.

Arrière-plan politique

En plus de montrer l’opposition entre les deux bords, le roman illustre les divisions au sein de chaque camp entre pacifistes et résistants, colombes et faucons, religieux et athées, progressistes et conservateurs. À quoi s’ajoute un troisième niveau de clivage qui concerne certains personnages ballottés entre plusieurs tendances contraires. Partage de l’infini superpose ainsi trois strates de division : entre les Palestiniens et les Israéliens, à l’intérieur de chaque peuple, et au cœur de certains personnages. Appliquant le procédé de l’immersion, le livre reflète les points de vue des uns et des autres, ce qui amène le lecteur à questionner les stéréotypes répandus sur les Israéliens, les Palestiniens, les musulmans, les juifs. Ramy Zein montre notamment l’inanité d’une lecture néo-orientaliste de « l’âme arabo-musulmane », de même qu’il présente plusieurs visages de l’État hébreu en déconstruisant la confusion habituelle entre « judaïté », « sionisme » et « Israël ».

Dimension textuelle

Partage de l'infini est bâti sur l’alternance des récits qui est destinée à mieux faire ressortir, par le jeu des contrastes, les différences et les similitudes entre les personnages. De plus, les parcours des uns et des autres se croisent à la faveur de plusieurs coïncidences, ce qui illustre la réalité du terrain : les destins des deux peuples, qu’ils le veuillent ou non, sont imbriqués (comme ils le sont dans les initiales du titre : « P » pour Palestine, « I » pour Israël). « C’est tout l’art […] [de] Ramy Zein que de savoir construire son intrigue »[2], juge Pierre-Yves Le Priol, tandis que Zahida Darwiche Jabbour souligne « le talent que démontre l’auteur dans la construction de l’intrigue, la mise en scène des personnages et son style à la fois simple et subtil, qui dénote une sensibilité profonde et une connaissance intime de la vie et de l’homme. »[6]

Les rapports des personnages avec le temps et l’espace constituent également un aspect significatif du livre : Partage de l'infini répercute une tension permanente entre le temps mythique, le temps historique et le temps humain. L’espace joue un rôle important à travers la récurrence de certains schèmes (cf. les « montées » de Ron vers Bat Esber) et de certains éléments investis de valeur symbolique, notamment l’antenne de Hazegdal, les lieux de claustration et les barrages.

Extraits

  • « Il voulait se convaincre que la raison finirait par l’emporter, que l’histoire, cette vieille pimbĂŞche aux caprices de furie, allait le surprendre, comme elle avait surpris le monde avec la chute du mur de Berlin. »[7]
  • « Cette espèce de tendresse rituelle, de mĂ©canique compassionnelle que sa mère se croyait obligĂ©e de mettre en Ĺ“uvre du matin au soir pour la consoler et la distraire, ces gestes Ă©tudiĂ©s, ces paroles de rĂ©confort lui pesaient par leur insincĂ©ritĂ©. C’était de l’indiffĂ©rence dĂ©guisĂ©e en sollicitude, du silence drapĂ© de paroles. »[8]
  • « C’était l’engrenage habituel : agression, riposte, reprĂ©sailles, contre-attaque, sanction, vengeance... La machine de la mort Ă©tait parfaitement huilĂ©e. Il suffisait d’un rien pour la mettre en branle. Aucun apport extĂ©rieur n’était nĂ©cessaire Ă  son fonctionnement ; elle se nourrissait de sa propre chaleur, en circuit fermĂ©, selon le principe du mouvement perpĂ©tuel. [...] Un cycle aussi vieux que le monde, qui durera sans doute jusqu’à la fin de l’homme, et probablement au-delĂ , lorsque, dans le nĂ©ant d’un chaos postapocalyptique, il y aura encore, flottant dans l’air anĂ©miĂ©, des rĂ©manences d’exĂ©cration si tenaces que rien n’aura pu les dissoudre. »[9]
  • « La vie de Hassan et Seyf n’aura Ă©tĂ© que cela : une course vers la mort. Oum Hassan avait beau penser Ă  ses deux garçons, elle ne voyait que des ombres fugitives, des bribes de scènes, des images Ă©parses brouillĂ©es par l’intense coloration affective qu’elle projetait sur ces visions intĂ©rieures. Elle ne « voyait » pas ses deux fils. Hassan et Seyf lui Ă©chappaient. Ils Ă©taient insaisissables, pris dans une brume Ă©paisse et mobile oĂą se dĂ©tachaient pĂ©niblement leurs silhouettes Ă©vanescentes. »[10]
  • « Parfois Oum Hassan essayait de ralentir le flux de sa mĂ©moire. Elle essayait de fixer une image, pour la dĂ©tailler, pour y sentir l’odeur de ses enfants, pour y puiser la sensation de leur prĂ©sence, mais l’image finissait toujours par fondre sous l’excès de chaleur, comme ces plans de cinĂ©ma qu’on voit se figer subitement sur la toile, avant de se liquĂ©fier et de disparaĂ®tre dans un abĂ®me de lumière. »[11]
  • « Oum Hassan avait l’impression d’avoir traversĂ© un pays de silence et de brume Ă  bord d’un train express. Tout s’était dĂ©roulĂ© si vite, d’une manière si vague, si volatile, si rĂ©pĂ©titive, qu’elle avait de la peine Ă  en cerner la substance. C’était donc ça, la vie qu’elle avait crue, un jour, Ă©ternelle ! Quelques dĂ©chirures plus ou moins longues Ă  se cicatriser, quelques pĂ©pites de joie, quelques instants d’éblouissement, un corps qu’on avait quittĂ© jeune et vigoureux, et qu’on retrouvait meurtri, enlaidi, brisĂ© ? »[12]

Bibliographie

  • Dominique Grosfils, « Partage de l’infini », Psychologies-Magazine, 05/2005
  • Pierre-Yves Le Priol, « Partage de l’infini de Ramy Zein », La Croix, 02/06/2005
  • Maya Ghandour Hert, « Partage de l'infini de Ramy Zein », L’Orient-Le Jour, 30/08/2005
  • Anne Dossin, « Ramy Zein, Partage de l’infini », Indications – La Revue des romans, 09/2005
  • N.M., « Partage de l’infini de Ramy Zein », Service Information Documentation Juifs et ChrĂ©tiens, 11/2005
  • Zahida Darwiche Jabbour, « Partage de l'infini », Al-Hayat, 20/03/2006
  • Rima Daezly, La guerre contre la paix, la paix contre la guerre : Ă©tude comparĂ©e de Partage de l’infini de Ramy Zein et de L’Attentat de Yasmina Khadra, UniversitĂ© Saint-Esprit Kaslik, MĂ©moire de DEA, 2009, 134 p.
  • Carole AndrĂ©-Dessornes, « S'interroger par la fiction sur un conflit devenu inaudible », entretien croisĂ© avec Yasmina Khadra et Ramy Zein, L’Orient littĂ©raire, 05/2015 http://www.lorientlitteraire.com/article_details.php?cid=6&nid=4894

Notes et références

  1. Paris, Arléa, 245 p.
  2. Pierre-Yves Le Priol, « Partage de l’infini de Ramy Zein », La Croix, 2 juin 2005
  3. Anne Dossin, « Ramy Zein, Partage de l’infini », Indications – La Revue des romans, septembre 2005
  4. Dominique Grosfils, « Partage de l'infini», Psychologies-Magazine, mai 2005
  5. Maya Ghandour Hert, « Partage de l'infini de Ramy Zein », L’Orient-Le Jour, 30 août 2005
  6. Zahida Darwiche Jabbour, « Partage de l'infini de Ramy Zein », Al-Hayat, le 20/03/2006
  7. Ramy Zein, Partage de l'infini, p. 48.
  8. Ramy Zein, Partage de l'infini, p. 95-96.
  9. Ramy Zein, Partage de l'infini, p. 117-118.
  10. Ramy Zein, Partage de l'infini, p. 161.
  11. Ramy Zein, Partage de l'infini, p. 162.
  12. Ramy Zein, Partage de l'infini, p. 162-163.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.