Parler sauget
Le sauget (lou sâdjet) est une variante dialectale du francoprovençal parlée dans le pays du Saugeais dans le Haut-Doubs. Le sauget est la langue nationale de la République libre du Saugeais, micronation née en 1947 d'une blague. L'Hymne des Saugets est écrit en sauget.
Caractéristiques
Au sein de l'aire linguistique du francoprovençal, le sauget se distingue par un certain nombre de particularités :
- rhotacisme du -n- intervocalique en -r- : mainterant pour maintenant, terir (t'ri') pour tenir, veru (v'ru) pour venu, lerá (l'ra) pour lená ou luna en francoprovençal, c'est-à-dire lune en français, etc. etc. ;
- comme dans d'autres parlers francoprovençaux, CH est prononcé TS et J est prononcé DZ (cette remarque vaut aussi pour G devant E et I).
- O est fréquemment prononcé ou sauf en position accentuée ou il est prononcé plutôt eu : mot est prononcé mout, parola est prononcé pareula, jorn est prononcé dzeur et jornal dzournâ etc. Cette remarque ne vaut cependant pas toujours, ainsi fort se prononce fau(r) ;
- article masculin singulier lo prononcé lou
- article pluriel unique les ;
- l'article indéfini féminin est souvent réduit en 'na au lieu de una ;
- terminaison du masculin -o et -os prononcées -ou et -ous : nôtro maîtro est prononcé nôtrou maîtrou
- réduction du groupe de consonnes VR en R : Lîramont ou Léramont pour Lièvremont, chîra (tsîra) pour chièvra (chèvre).
- devant R, A peut prendre une intonation à la limite entre A et È : gargota (la gorge) est prononcé gairgueuta etc. Ceci vaut pour la terminaison -ar des verbes du premier groupe, bien que, comme dans la plupart des parlers francoprovençaux, l'R final ne s'y prononce plus : chantar / chantair est prononcé tsantai, volar / volair se dit voulai.
Au niveau de la conjugaison, le sauget présente, par rapport à d'autres parlers francoprovençaux, de formes plutôt conservatrices :
- le pronom ils est resté sous la même forme qu'en ancien francoprovençal (ou qu'en ancien français), c'est-à-dire sans -s final : il sont, il ant (ils ont) etc. ; il se réduit fréquemment à l’ devant une voyelle (l'ant pour ils ont)
- l'imparfait du verbe être est : j'éro (dz'érou), t'éres, il ére (l'ére), nos èrams (nouz èran), vos èraz (vouz èrâ), il érant (l'érant)
Quelques mots
- honno : « homme » (du latin hominem dont le sauget a gardé l'N final en le géminant, là où le français et les autres parlers francoprovençaux ont plutôt conservé l'M initial : homme, homo en dauphinois etc.) ;
- fenna : « femme » (du latin feminam, le sauget a gardé l'N final en le géminant, comme la plupart des autres dialectes francoprovençaux, là où le français a plutôt conservé l'M initial : femme) ;
- Sâget finra fonta : « Sauget fine fonte », c'est ainsi qu'on qualifie quelque chose de typique du Saugeais, quelque chose « du cru » ;
- dreit (prononcé dré) : « juste, simplement, à peine, seulement » (adverbe très fréquent) ;
- mainterant (prononcé maint'ran) : « maintenant » ;
- tot chied aval (prononcé tou tsié avâ) : « être dans l'abondance, dans l'opulence » (littéralement « tout choit aval, tout tombe en contrebas ») ;
- cen no valt pais 'na roba de Charreton (prononcé çan n'vâ pai na reuba de Tsair'ton) : « ça ne vaut rien » (une roba de Charreton est un costume traditionnel du Saugeais) ;
- no veir grief (prononcé n'vé grié) : « voir à peine » ;
- cheir (prononcé tsié) : « tomber » ;
- poyeir (prononcé pouyé) : « pouvoir ». Conjugaison : jo pó (dze peu), tu póz (tu peu), il pót (i peu), nos poyems (no pouyein), vos pódes / poyez (vo peude / vo pouyé), ils póiant (i peuyan) ;
- se recreire : « s’enorgueillir, faire le fier » ;
- beire : « boire » ;
- chantair / chantar (prononcé tsantai) : « chanter » ;
- chemeráe (prononcé tsem'râ) : « cheminée » ;
- gençainra : « gentiane », particulièrement appréciée dans le Saugeais et utilisée dans de nombreuses recettes ;
- nôtro : « notre » (la plupart des dialectes francoprovençaux conservent la forme latine nostrum devenue noûtron, nôtron, mais le sauget ne connaît pas cette terminaison finale en -on) ;
Exemple
Extrait de l'Hymne des Saugets :
Texte original | Graphie standardisée | Traduction en français |
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Les Sadjets ant dans yeu gairgueuta Des mouts qu’nion n’saît, cman yeu, rdâtai. L’an pairki cmant na pteta rota qu’a toudj’ loulzi d’let sacrôlai : La tsîra qu’ minre, la lra que rlut, La tsrâ, la creuille, lou daidjuron, Lou dzreu d’la dzrensse, lou tsri qu’est tru... Y a d’quet aipouairie lèz Larmond ! |
Les Saugets ant dans lor gargota Des mots que néun no sait, quomment yeuz, redâtair. L'ant per-qui quommant 'na rata qu'a toge lo leisir de les sacrôlair : La chîra qui meinre, la lerá qui relut, La cheral, la queroilli, lo dêjuron, Lo geró de la gerinsi, lo cherí qu'est teru... Y a de quei êpoirier les Larmond ! |
Les Saugets ont dans leur gosier Des mots que personne ne sait, comme eux, rouler. Ils ont par là comme une petite souris Qui a toujours le loisir de les secouer : La chèvre qui « mène », la lune qui brille, Le chéneau, la quenouille, le déjeuner, Le genou de la génisse, le cabri qui est tenu... Il y a de quoi épouvanter les « Larmond ». |
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