Niddah
Les statuts de la niddah (hĂ©breu : Ś ÖŽŚÖžÖŒŚ « Ă©loignĂ©e » ou « Ă©cartĂ©e[note 1] ») forment la majeure partie des lois de la puretĂ© familiale (hĂ©breu : ŚŚŚ§Ś ŚŚŚšŚȘ ŚŚŚ©Ś€ŚŚ âhouqei taharat hamishpa'ha) ainsi dĂ©nommĂ©es dans le judaĂŻsme orthodoxe Ă partir du XIXe siĂšcle, rĂ©gissent lâĂ©tat dâimpuretĂ© rituelle dans laquelle se trouve la femme en pĂ©riode de rĂšgles, et impliquent une sĂ©paration physique temporaire du couple, sous peine dâenfreindre une prohibition biblique passible de retranchement : tenue de vĂ©rifier le moindre indice dâĂ©coulement de sang menstruel Ă lâapproche de la pĂ©riode supposĂ©e, la femme doit sâĂ©loigner de son mari dĂšs quâil a commencĂ©, sâabstenant de contacts physiques et, Ă plus forte raison, de relations sexuelles au cours dâune pĂ©riode plus ou moins longue (les couples ont pour coutume de dormir sĂ©parĂ©ment pendant cet intervalle), Ă lâissue de laquelle elle doit se tremper dans un bain rituel pour se laver de lâimpuretĂ© et reprendre la vie conjugale.
Niddah | |
Mougat goujo, hutte réservée aux « impures de sang » dans le rite des Beta Esraël, Ambober, 1976 | |
Sources halakhiques | |
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Textes dans la Loi juive relatifs Ă cet article | |
Bible | LĂ©vitique 15 & 19-24 |
Talmud de Babylone | Niddah |
Sefer Hamitzvot | Assin n°99 (niddah) et 106 (zavah) |
Sefer HaHinoukh | Mitzvot n°181 & 207 |
MishnĂ© Torah | Sefer Tahara, Hilkhot MetamÊżei mishkav oumoshav 1-5, 8 & 12 (impuretĂ© des femmes lors des flux utĂ©rins) Sefer Kedousha, Hilkhot Issourei biÊŸa 4-11 (interdictions de rapports avec ces femmes) |
Choulhan Aroukh | Yore Dea 183-202 |
Le poids de la niddah sur la vie juive est majeur aux Ă©poques biblique et antique, faisant lâobjet dâun traitĂ© homonyme consacrĂ© au sujet oĂč il est notamment enseignĂ© quâune communautĂ© juive doit faire passer la construction du bain rituel avant toute autre prioritĂ©. Le respect des lois de la niddah façonne ainsi un pan considĂ©rable de la vie des communautĂ©s traditionnelles puis orthodoxes, oĂč leur complexitĂ© suscite un important corpus de questions-rĂ©ponses des autoritĂ©s rabbiniques ainsi quâune nĂ©cessitĂ© dâinitier les filles Ă marier afin de ne pas donner naissance Ă des enfants en Ă©tat de niddah, qui seraient Ă peine mieux considĂ©rĂ©s que des bĂątards. Elles sont cependant fortement relativisĂ©es dans les mouvances non-orthodoxes, qui en critiquent le caractĂšre archaĂŻque ou sexiste, allant jusquâĂ abolir ou modifier leurs rituels, en particulier ceux qui sont liĂ©s aux ablutions et au bain.
La niddah et ses lois dans les sources juives
Dans la Bible
Le terme niddah apparaĂźt dans le LĂ©vitique, au sein du Code de saintetĂ© oĂč ses lois sont principalement exposĂ©es : la Torah Ă©nonce dâabord, au sujet dâune parturiente qui mettrait un garçon au monde, quâelle sera « impure durant sept jours kimei niddat devota, comme lorsqu'elle est isolĂ©e Ă cause de sa souffrance » (Lv 12:2) ou bien « deux semaines keniddata, comme lors de son isolement » si elle donne naissance Ă une fille (Lv 12:5).
Lâisolement mĂȘme, est dĂ©crit trois chapitres plus loin, aprĂšs lâexposition des lois concernant les hommes atteints dâĂ©coulement gĂ©nital (en) ou aprĂšs Ă©mission de sperme (en) :
« [litt. : Et[note 2] une] femme qui aura un flux, un flux de sang en sa chair, restera sept jours dans son impuretĂ©. Quiconque la touchera sera impur jusquâau soir.Tout objet sur lequel elle repose lors de son isolement, sera impur ; tout objet sur lequel elle s'assied, sera impur. Quiconque touchera Ă sa couche devra laver ses vĂȘtements, se baigner dans l'eau, et restera impur jusquâau soir. Quiconque touchera Ă quelque meuble oĂč elle sâassoirait, lavera ses vĂȘtements, se baignera dans lâeau, et restera impur jusquâau soir. Sâil y a quelque chose sur le lit ou sur lâobjet sur lequel elle sâest assise, celui qui la touchera sera impur jusquâau soir. Et si un homme couche avec elle et que sa niddah [Ă elle] vienne sur lui, il sera impur pendant sept jours, et tout lit sur lequel il couchera sera impur. »
â LĂ©vitique 15:19-24
La Torah interdit les rapports avec une femme niddah (he) Ă plusieurs reprises, les comptant dâune part parmi les relations interdites (Lv 18:19), et proclamant dâautre part quâ« un homme cohabitant avec une femme souffrante [du flux], et a dĂ©couvert sa nuditĂ©, dĂ©couvrant sa source, et elle[-mĂȘme] a dĂ©voilĂ© la source de ses sangs, ils seront retranchĂ©s tous deux du sein de leur peuple » (Lv 20:18).
Lorsque lâĂ©coulement se prolonge au-delĂ de la pĂ©riode dâisolement ou survient en-dehors de celle-ci, elle est impure de la mĂȘme maniĂšre mais le demeure en outre pendant une semaine aprĂšs que le sang a cessĂ© de couler, et elle doit apporter ensuite deux oiseaux en offrande, lâune expiatoire et lâautre holocauste (Lv 15:25-30).
Lâemploi de niddah est ensuite Ă©largi Ă dâautres fautes : câest une niddah pour un homme que de dĂ©couvrir la nuditĂ© de la femme de son frĂšre, du vivant de celui-ci (Lv 20:21), câest en niddah que Dieu place lâor et lâargent des habitants dâIsraĂ«l qui sont tombĂ©s par eux dans le crime, lâorgueil et lâidolĂątrie (Ez 7:19-20), et câest de la niddah quâĂzĂ©chias prie les LĂ©vites de dĂ©barrasser le temple de JĂ©rusalem avant de le sanctifier (2 Chron 29:5). Le Livre des Nombres utilise quant Ă lui lâexpression mei niddah Ă cinq reprises pour dĂ©nommer « lâeau de sĂ©paration » Ă laquelle ont Ă©tĂ© mĂ©langĂ©es les cendres de la vache rousse (en) (Nb 19:9, 19:13, 20-21 & 31:21) car elle sert Ă laver les fautes qui sĂ©parent IsraĂ«l de Dieu[1] ; câest en ce sens que lâexpression revient dans lâannonce eschatologique de Zacharie, qui prophĂ©tise lâapparition dâune source Ă JĂ©rusalem pour la laver de ses fautes et pĂ©chĂ©s (Zach 13:1).
Dans la littérature tannaïtique
Les nombreux enseignements autour de ces versets bibliques, transmis de génération en génération par les sages dits « répétiteurs », sont regroupés par versets dans le Sifra puis, dans un second temps, par thÚmes dans la Mishna et son « complément, » la Tossefta.
De lâ« et » superflu accollĂ© à « une femme » dans le verset Lv 15:19[note 2], les sages dâIsraĂ«l tirent en loi que les rĂšgles de la niddah sâappliquent Ă toute femme dĂšs son premier jour de vie, et non seulement Ă la « femme complĂšte » (MetZav 4:1). Une lecture qui harmonise « un flux » avec « elle a rĂ©vĂ©lĂ© la source de [litt.] ses sangs » (Lv 20:18), conduit ces docteurs de la Loi Ă limiter lâimpuretĂ© dâĂ©coulement au sang et non Ă dâautres fluides ; il doit en outre provenir de « la source » et non dâautres endroits pour rendre la femme niddah mais « ses sangs » indique quâil y a plus dâune teinte impurifiante â le « rouge » comme le sang qui sâĂ©coule des plaies vives (mais non anciennes), le « noir » comme lâencre sĂšche, la teinte rouge-orange de la « racine de curcuma », celle rouge-brune de « lâeau de terre » qui charrie le limon fertilisĂ© dans les vallĂ©es de GalilĂ©e, et le rouge violacĂ© du « vin du Sharon diluĂ© » dans deux mesures dâeau[2] â les sages de la maison de ShammaĂŻ mais non ceux de la maison de Hillel, ajoutent Ă ces nuances celles de âlâeau de fenugrec ou lâeau de viande rĂŽtieâ (MetZav 4:2-3 & mishna Niddah 2:6).
De surcroĂźt, « dans sa chair » rend la femme impure « de lâintĂ©rieur comme de lâextĂ©rieur », câest-Ă -dire dĂšs lâĂ©mission de sang utĂ©rin dans le beit haâhitson, avant mĂȘme quâil ne sâĂ©coule du vagin (MetZav 4:4). Elle est dĂšs cet instant impure pour sept jours et nuits consĂ©cutifs, quâelle voie dâautres Ă©coulements ou non au cours de cette pĂ©riode, et elle doit attendre la fin du septiĂšme jour, câest-Ă -dire la nuit du huitiĂšme jour pour se purifier dans un bain rituel (MetZav 4:5-8 ; TazYol 1:12-14 applique ces mĂȘmes statuts Ă la femme en couche dâaprĂšs Lv 12:2).
Soulignant le contraste biblique entre la personne qui touche la niddah et celle qui couche avec elle, les sages enseignent que lâimpuretĂ© de la premiĂšre ne serait pas plus sĂ©vĂšre que celle du zav puisquâelle ne pas confĂšre Ă son tour lâimpuretĂ© aux personnes et rĂ©cipients de terre quâelle toucherait (MetZav 4:9-11). Les sages restreignent aussi la transmission de lâimpuretĂ© non à « tout objet sur lequel elle repose [ou] sâassied » (Lv 15:20) mais aux lits ou siĂšges spĂ©cifiquement employĂ©s par elle Ă cet usage, puisquâil est dit « sa couche » au verset suivant (MetZav 4:12 et seq.). En revanche, un homme â donc ĂągĂ© de neuf ans et un jour ou plus â qui couche avec une niddah, que ce soit ou non dans un but dâunion, et que celle-ci sâeffectue ou non selon la nature, reçoit et communique son impuretĂ© mais non dâautres comme la tsaraât.
Notes et références
Notes
- De la racine N-D-D qui marque lâĂ©loignement, selon le Rashbam s.v. Lv 12:2 et dâaprĂšs les traductions judĂ©o-aramĂ©ennes de la Bible ; Abraham ibn Ezra s.v. Nb 19:9 rapproche le terme de menadekhem (« [vos frĂšres âŠ] qui vous repoussent ») en Is 66:5, et le Hizqouni s.v. Lv 20:21 de mitnodedet, « errant [temporairement] du cĂŽtĂ© de lâimpuretĂ©. »
- Cet âetâ est omis des traductions Cahen et du Rabbinat ainsi que de la Bible Louis Segond, nâapparaissant que dans la Bible Chouraqui
Références
- (en) Joseph Jacobs et Judah David Eisenstein, « Red Heifer », dans Jewish Encyclopedia, vol. 10, New York, Funk & Wagnalls, 1901-1906 (lire en ligne), p. 344-345, (en) G. Johannes Botterweck et Helmer Ringgren, Theological Dictionary of the Old Testament, vol. 4, Grand Rapids, Mich., Wm. B. Eerdmans, (OCLC 838020993), p. 344-345
- (he) Eliezer Melamed, « Dam veketem : Damim tmeÊŸim outehorim », dans Sefer Taharat Hamishpakha [« Sang et tache : sangs impurs et purs »], coll. « PninĂ© Halakha », (lire en ligne)
Annexes
Bibliographie
- (he) Shmouel Avraham Adler, Aspaklaria : Compendium of Jewish Thought, Jérusalem, 1992-1998 (lire en ligne), « Niddah Zavah »
- Evyatar Marienberg, Niddah. Lorsque les juifs conceptualisent la menstruation, Paris, Les Belles Lettres, , 366 p. (ISBN 978-2-251-44246-4).
- (he) Evyatar Marienberg, La BaraĂŻta de-Niddah : un texte juif pseudo-talmudique sur les lois religieuses relatives Ă la menstruation, Turnhout, Brepols, , 228 p. (ISBN 978-2-503-54537-0)