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Nemo auditur propriam turpitudinem allegans

Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans est un adage ou maxime juridique, sous la forme d'une expression latine qui peut se traduire par : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », le terme « turpitude » signifiant négligence, faute, comportement illégal ou fraude.

Droit français

MalgrĂ© la gĂ©nĂ©ralitĂ© de sa formule, son domaine d'application en droit est trĂšs restreint[1] : cet adage s'applique pour bloquer le jeu des restitutions consĂ©cutives Ă  l'annulation d'un contrat dont la cause est immorale. Exemple : contrats relatifs Ă  l'exploitation de maisons de tolĂ©rance ; refus de la restitution du prix de vente d'un tel Ă©tablissement[2]. Il est Ă©galement appliquĂ© pour empĂȘcher une personne de bĂ©nĂ©ficier de ses actes illicites, par exemple, pour une personne ayant tuĂ© son conjoint de toucher une pension de rĂ©version[3].

Elle ne doit pas ĂȘtre confondue avec d'autres notions proches. On peut penser notamment Ă  la condition de lĂ©gitimitĂ© du prĂ©judice permettant par exemple de dĂ©bouter un voleur qui accuserait les propriĂ©taires de la maison qu'il a cambriolĂ©e de s'ĂȘtre blessĂ© parce qu'elle Ă©tait mal Ă©clairĂ©e. Dans un cas tel que celui-ci, nemo auditur n'a aucune vocation Ă  s'appliquer puisqu'on n'est pas dans le domaine contractuel mais dĂ©lictuel, qui plus est, il n'est pas question de faire obstacle Ă  des restitutions. C'est ici la condition de lĂ©gitimitĂ© du prĂ©judice qui va permettre aux propriĂ©taires de la maison de ne pas avoir Ă  indemniser le voleur puisque son prĂ©judice est illĂ©gitime.

On peut cependant constater une certaine tendance de la part de praticiens du droit Ă  utiliser l'adage nemo auditur hors de son champ d'application, ce que la Cour de cassation ne manque pas de sanctionner[4].

Droit québécois

En droit quĂ©bĂ©cois, la doctrine a dĂ©gagĂ© que l'article 1503 du Code civil du QuĂ©bec[5] exprime le principe que nul ne peut se prĂ©valoir de sa propre turpitude[6] - [7]. Cette disposition prĂ©voit que l’obligation conditionnelle a tout son effet lorsque le dĂ©biteur obligĂ© sous telle condition en empĂȘche l’accomplissement. L'article 2474 C.c.Q. prĂ©voit une rĂšgle similaire en droit des assurances Ă  l'effet que l'assureur est libĂ©rĂ© de son obligation d'indemniser l'assurĂ© quand celui-ci empĂȘche la subrogation[8].

Relations internationales

Le , pendant la 475e réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, alors qu'on discutait de la validité de résolutions sur la Guerre de Corée prises en l'absence de l'un des membres permanents, le délégué français invoqua cette maxime de droit romain, observant que

« la délégation de l'Union soviétique, en abandonnant le Conseil, a abandonné la Charte. Quand elle retournera à l'un et à l'autre, elle retrouvera son droit de parole, de critique, de vote et de veto. Tant qu'elle ne l'a pas fait, le gouvernement de l'URSS n'a ni le droit juridique ni le droit moral de contester l'action des Nations unies[9]. »

Notes et références

  1. François Terré, Philippe Simler, et Yves Lequette, Droit civil : Les Obligations, 10e éd (Dalloz-Sirey, 2009)
  2. Req. 1er octobre 1940, Gaz. Pal. 1940.2.146
  3. http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007034437&fastReqId=781661098&fastPos=1
  4. Civ 2e, 4 février 2010, n° 09-11464
  5. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 1503, <http://canlii.ca/t/1b6h#art1503>, consulté le 2020-10-18
  6. Benoit Moore, Didier Luelles, Droit des obligations, MontrĂ©al, Éditions ThĂ©mis, 2018.
  7. Baudouin, Jean-Louis, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie VĂ©zina. Les obligations, 7e Ă©d., Cowansville (Qc), Éditions Yvon Blais, 2013
  8. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 2474, <http://canlii.ca/t/1b6h#art2474>, consulté le 2020-10-18
  9. Yuen-Li Liang, « Abstention and Absence of a Permanent Member in Relation to the Voting Procedure in the Security Council. », American Society of International Law, vol. 44, no 4,‎ , p. 694–708 at 704 (JSTOR 2194987) :
    « At the 475th meeting of the Council on June 30, 1950, the representative of France, commenting on the above-mentioned statement of the Soviet Government, invoked the old adage of Roman law, "Nemo auditur propriam turpitudinem allegans," and observed that "the delegation of the Soviet Union, by abandoning the Council, has abandoned the Charter. When it returns to the one and to the other, it will find again its right of speech, of criticism, of vote and of veto. So long as it has not done so, the U.S.S.R. Government has no legal or moral basis for contesting the action of the United Nations." Security Council, Official Records, 5th Year, No. 17, p. 8. »

Voir aussi

Bibliographie

  • Choucri Cardahi, « L'exĂ©cution des conventions immorales et illicites », Revue internationale de droit comparĂ©, vol. 3, no 3,‎ , p. 385–411 (DOI 10.3406/ridc.1951.6404, lire en ligne, consultĂ© le )

Liens externes

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