Négro Caraïbe
Négro Caraïbe ou école négro-caraïbe est un mouvement pictural ivoirien impulsé par les artistes martiniquais Serge Hélénon et Louis Laouchez en 1970, en Côte d'Ivoire.
Cherchant à établir un pont entre les origines africaines et le lieu où ces artistes sont nés, il a une grande influence sur les artistes ivoiriens dans leur recherche identitaire ainsi que dans l'utilisation des matières (sable, tissus), l'intégration de l'art abstrait ainsi qu'une forme de minimalisme, notamment sur le groupe vohou-vohou.
Histoire et démarche
Depuis l'indépendance de la Côte d'Ivoire en 1960, l'art contemporain ivoirien est d'inspiration occidentale, et plus particulièrement française. Comme pour les autres pays africains qui acquièrent leur indépendance aux tournants des années 1960 et 1970, les artistes locaux cherchent une identité propre, un art national, de nouveaux canons de beauté[1]. Les Antillais ressentent cet « appel des racines, la recherche des origines, le ressourcement » et nombreux sont ceux qui partent en Afrique une fois diplômés[2].
Le Manifeste de l'école négro-caraïbe[3] - [alpha 1] | |
« L’École négro-caraïbe a pour objectif principal l’instauration d’un nouvel état d’esprit dans la sphère caribéenne et plus particulièrement dans la région Martinique, pour tout ce qui concerne la culture et plus singulièrement les arts plastiques. |
Parmi eux, trois artistes se distinguent : Serge Hélénon, Louis Laouchez et Mathieu-Jean Gensin (d), dont les deux premiers lancent le mouvement Négro Caraïbe en 1970[5], cherchant à établir un pont entre le lieu où ils sont nés, la terre d'accueil qu'est la Martinique, et le lieu de leurs origines, la Côte d'Ivoire. Gensin explique : « À la recherche de mes origines, je retrouve la lutte des réalités. Cette nouvelle voie m’a conduit vers le primitivisme de l’art négro-africain »[6]. Hélénon et Laouchez racontent la démarche dans le statement d'une exposition à Paris en 1982 :
« L'École Négro-Caraïbe a été créée par des peintres antillais venus de la Martinique passant par l'Europe et découvrant l'Afrique. Ce départ traduit la recherche de références qui leur sont propres. Il se fait dans un élan instinctif pour déchiffrer, comprendre, ce qui est encore présent de l'Afrique dans les Caraïbes. Pour Serge Hélénon et Louis Laouchez, cet itinéraire est en fait leur expression, dans la différence de l'identité antillaise. Il ne faut surtout pas entendre par École, orientation esthétique[7]. »
Elle veut en revanche éviter tout folklorisme ethnique pour s'affranchir de toute catégorisation préjugée par les Occidentaux. En embrassant le modernisme, l'art abstrait et un certain minimalisme — c'est-à-dire en faisant des emprunts occidentaux —, l'école négro-caraïbe invente un art proche du primitivisme tout en étant éloigne de l'art tribal et en s'inscrivant dans l'avant-garde occidentale. Elle crée une nouvelle démarche qui privilégie les objets récupérés ou les éléments plus primitifs pour leurs supports et matières afin d'étendre le champ de son exploration : écorces, planches de bois, vieilles portes, morceaux de palissade, toiles de jute, sable, tissus, bouts de ficelle, morceaux de fer, clous, boîtes de conserves...)[8] - [2] - [9] - [10] - [11] - [12].
Serge Hélénon est professeur à la nouvellement créée école des Beaux-Arts d'Abidjan, dont il influence grandement les élèves. Parmi eux, certains s'inspirent des expositions du groupe Négro Caraïbe et de leur façon de rechercher des supports et des matières plus primitifs (écorces, toiles de jute, sable, tissus...) et de l'abstraction et créent le groupe vohou-vohou, qui deviendra le plus important mouvement d'art contemporain de Côte d'Ivoire[2] - [6] - [13]. La recherche de celui-ci est également identitaire, en cherchant à se détacher de l'académisme occidental[6].
Cependant, l'école négro-caraïbe se sépare assez rapidement. Pas totalement intégrés, les Antillais demeurent des Français d'origine africaine mais toujours attachés aux Antilles, où beaucoup reviennent. Gensin est le seul des trois à être resté en Afrique[2].
Expositions notables
Le groupe expose jusqu'en 2000 aux Antilles, en France et en Afrique[5].
- 1970 : première exposition du groupe Négro Caraïbe, au centre culturel français d’Abidjan[14]
- 1975 : exposition Négro Caraïbe organisée par le CMAC[15]
- 1982 : exposition Négro Caraïbe à Paris, où le manifeste de 1970 est rendu public pour la première fois[5]
Notes et références
Notes
- Il s'agit du manifeste tel qu'il apparaît lors de sa dernière mise à jour en 1993[4].
Références
- Mimi Errol, « L'art contemporain en Côte d'Ivoire : des origines à l'aventure vohou-vohou », Africultures, no 56, , p. 91 (ISBN 2747553787, ISSN 1276-2458, DOI 10.3917/afcul.056.0091, lire en ligne).
- Gaudibert 1991.
- Berthet 1993, par. 22.
- Berthet 1993, par. 21, note 4.
- Berthet 1993, par. 20.
- « Mathieu-Jean Gensin », sur rotondedesarts.com, (consulté le ).
- Cités par Mpoyi-Buaty 1982, p. 231.
- Le Monde, « Une affaire de racines Existe-t-il une école de peinture " négro-caraibe " ? », Le Monde, (lire en ligne).
- Danielle Monpierre, « Serge Hélénon », sur réseau Canopé (consulté le ).
- « Le premier espace de souveraineté à gagner est celui de la culture », sur africultures.com, (consulté le ).
- Berthet 1993, par. 12.
- Pascal 2011, p. 66-68.
- Africa Remix (cat. exp.), Paris, Centre Pompidou, 2005, p. 282.
- Henri Micaux, Catalogue de la 1re exposition du groupe Négro Caraïbe, au centre culturel français d’Abidjan, du 3 au 18 avril 1970.
- Pierre Dargelos, Catalogue de l’exposition négro-caraïbe organisée par le CMAC, décembre 1975.
Annexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Dominique Berthet, « Serge Hélénon et l'École négro-caraïbe : une poétique de la rencontre », Africultures, vol. 2-3, nos 92-93, , p. 68-75 (DOI 10.3917/afcul.092.0068, lire en ligne ).
- Pierre Gaudibert, « Le mouvement Negro Caraïbe », Revue Noire, no 2, (lire en ligne).
- Henri Micaux, Catalogue de la 1re exposition du groupe négro-caraïbe, au centre culturel français d’Abidjan, du 3 au 18 avril 1970.
- Th. Mpoyi-Buaty, « Deux peintres de l'école négro-caraïbe à Paris », Présence Africaine, Présence Africaine Editions, no 124 « Aspects de la médecine en Afrique », , p. 230-233 (JSTOR 24350743).