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Mystérieuse : matin, midi et soir

MystĂ©rieuse : matin, midi et soir est une adaptation libre en bande dessinĂ©e de L'ĂŽle mystĂ©rieuse de Jules Verne rĂ©alisĂ©e par Jean-Claude Forest et publiĂ©e en 1971 dans les journaux Linus et Pif Gadget. RĂ©gulièrement redĂ©couverte, c'est « l'une des Ĺ“uvres majeures[1] Â» de son auteur.

Mystérieuse : matin, midi et soir

Une bande dessinée au destin complexe

En 1970, Jean-Claude Forest, devenu très célèbre dans les années 1960 avec Barbarella, décide d'adapter L'Île mystérieuse de Jules Verne. Désireux de toucher un public d'enfants et de jeunes adolescents, il contacte Pif Gadget, où il s'était fait connaître vingt ans plus tôt avec des histoires humoristiques. Tandis qu'une traduction de l'histoire paraît dans le mensuel italien Linus à partir de janvier, deux épisodes de vingt planches de Mystérieuse matin, midi et soir paraissent dans l'hebdomadaire français en avril et . Le troisième épisode n'est jamais publié, le récit ne convenant pas au public visé par le périodique[Note 1].

Toutefois, la SERG fait paraĂ®tre une version complète en album dès l’annĂ©e suivante, permettant ainsi au public francophone de lire les 61 pages de l'histoire dans leur intĂ©gralitĂ©. En 1982, Dargaud publie une version coloriĂ©e par Danie Dubos. En 1993, en vue d'une nouvelle Ă©dition, Forest retouche ses dessins, conformĂ©ment Ă  son habitude. Le projet Ă©choue avant d'ĂŞtre repris en 2004 par l’Association, qui Ă©tait dĂ©sireuse de rendre de nouveau disponible une Ĺ“uvre majeure de la bande dessinĂ©e d'expression française.

Une histoire de science-fiction originale

En 4880 sur la planète Maurice, cinq voyageurs fuient la guerre à bord d’un vieil aérostat. Tentant de traverser l’océan jaune, ils sont pris au milieu d’une tempête et l’un des passagers, le docteur Alizarine, tombe à la mer. Les autres voyageurs parviennent à aborder un rivage où ils retrouvent le docteur Alizarine, mystérieusement sauvé des eaux et ayant tout oublié de son sauvetage. Ils partent alors explorer leur environnement et découvrent qu’ils sont naufragés sur une île en forme de point d’interrogation, qu’ils baptisent île Pourquoi. Cette île est dominée par un arbre gigantesque, de la variété des arbres minuit, dans lequel vit une faune fantastique. Entre ses branches, une accumulation d’eau forme un lac dans lequel l’animal familier du docteur plonge se baigner. Il est attaqué par une bête féroce mais ressort de l’eau miraculeusement indemne tandis que le cadavre d'un monstre est retrouvé sur la berge. Peu à peu, les naufragés prennent conscience qu'une présence les accompagne sur cette île.

La suite de la bande dessinée suit presque exactement la trame du roman de Jules Verne, avec la découverte d'un autre naufragé, et l'arrivée des pirates. Jean-Claude Forest y rajoute l'arrivée d'une jeune fille. Plus tard, on révèle que la mystérieuse présence qui se trouve dans l'île Pourquoi n'est autre que Barbarella, une Barbarella qui a un peu vieilli et qui reprend ici le rôle que tenait le capitaine Nemo dans le roman original.

Analyse

Une bande dessinée pour enfants ?

Parue initialement en France dans Pif Gadget, hebdomadaire destinĂ© Ă  un public enfantin, MystĂ©rieuse matin, midi et soir « n'est aucun cas une Ĺ“uvre « pour enfants Â», si cette expression est entendue dans un sens restrictif Â»[2]. En effet, Forest, qui avait crĂ©Ă© Ă  partir de 1952 dans Vaillant de nombreuses bandes dessinĂ©es pour enfants, rĂ©alistes ou humoristiques (Le Piège, Charlot, Copyright, etc.), Ă©tait passĂ© par la bande dessinĂ©e adulte dans les annĂ©es 1960[Note 2], et revenait au dĂ©but des annĂ©es 1970 dans Pif « en pleine possession de ses moyens crĂ©atifs Â», « ne bridant en rien son imagination Â». Si Forest emploie Ă  destination d'un jeune public les mĂŞmes moyens graphiques, la mĂŞme libertĂ© narrative que dans ses Ĺ“uvres pour adultes, c'est qu'il se fait une haute idĂ©e de la bande dessinĂ©e pour enfant et dĂ©sire dĂ©passer la diffĂ©renciation alors en formation des deux types de publics. L'arrĂŞt de la publication dans Pif après deux livraisons alors que Linus publie en entier l'histoire et le fait que le premier album soit publiĂ© par la SERG, Ă©diteur qui, tel Éric Losfeld et Kesselring, ne publiait que des histoires pour adultes, montrent que l'objectif de Forest Ă©tait trop novateur.

Verne revisité

MystĂ©rieuse matin, midi et soir n'est pas la première adaptation d'ouvrage littĂ©raire rĂ©alisĂ©e par Forest. Cependant, elle « marque une rupture Â» dans son travail, en Ă©tant son premier travail assez Ă©loignĂ© du texte d'origine, dont seule la trame gĂ©nĂ©rale a Ă©tĂ© conservĂ© : arrivĂ©e d'un groupe d'hommes sur une Ă®le dĂ©serte après une tempĂŞte, aide d'un mystĂ©rieux protecteur (qui est un ancien personnage de l'auteur[Note 3]) tuĂ© par des pirates, explosion volcanique qui engloutit tout, sauvetage in extremis[1]. Au-delĂ , transpositions et transformations sont omniprĂ©sentes, Ă  la fois du cĂ´tĂ© de la rĂ©interprĂ©tation du roman de Verne et de celui du dĂ©veloppement des « obsessions rĂ©currentes » de Forest[3].

Ainsi, l'histoire est transposĂ©e dans un contexte de science-fiction afin d'Ă©viter la contextualisation laborieuse des premières pages de L'ĂŽle mystĂ©rieuse, les longs dĂ©veloppements scientifiques du romancier dĂ©crivant l'Ă®le sont repris par le dessin, ou traitĂ©s via une « onomastique dĂ©calĂ©e[Note 4] Â», l'Ă©loge vernien d'une lente mais glorieuse rĂ©invention de la civilisation occidentale portĂ©e par l'ingĂ©nieur Cyrus Smith devient une « robinsonnade onirique Â» et labyrinthique[Note 5] bien peu positiviste[4] dominĂ©e par Petit Paul, oĂą une certaine sensibilitĂ© Ă©cologiste se fait parfois jour[5].

Du rĂŞve enfantin d'une l'Ă®le mystĂ©rieuse au roman positiviste vernien, l'histoire est ramenĂ©e par Forest Ă  son origine onirique. L'Ă©dition en couleurs de 1982 renforce ce glissement par l'emploi d'« une gamme de couleurs rĂ©solument Ă©loignĂ©e de tout rĂ©alisme, oĂą dominent le violet, le bleu et le vert[1] Â».

Publications en français

Revues

  • Pif Gadget no 111 et 115, Vaillant Ă©ditions, 1971. Les deux premiers Ă©pisodes seulement.

Albums

Notes et références

Notes

  1. Dans son ouvrage Pif, la véritable histoire, Richard Médioni, rédacteur en chef en 1971, se justifie longuement en expliquant que le récit de Jean-Claude Forest était beaucoup trop compliqué pour de jeunes lecteurs. Il suggère qu'il aurait été à l'origine d'une chute des ventes du numéro 115 de Pif gadget. Aucun lecteur n'aurait écrit pour se plaindre de la non publication du dernier épisode.
  2. Avec notamment Barbarella, considérée comme la première bande dessinée française pour adultes d'importance, ou Hypocrite, publiée en strips dans France-Soir.
  3. Nemo chez Verne, Barbarella chez Forest.
  4. Laquelle vaut aussi bien pour les espèces (« arbre de minuit de la famille des furibons Â», « fulmicocon Â», etc.) que pour les personnages principaux (« John Paragraph Â», etc.).
  5. L'île-arbre que parcourent les cinq héros évoque cette figure du labyrinthe, omniprésente dans l'œuvre forestienne. Mercier (2003), p. 25.

Références

  1. Mercier (2003), p. 23
  2. Pour ce paragraphe : Mercier (2003), p. 22-23
  3. Mercier (2003), p. 24
  4. Mercier (2003), p. 24-25
  5. Mercier (2003), p. 26

Annexes

Documentation

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