Maldéveloppement
Le mal-développement désigne des lacunes dans le développement humain et le développement durable d'un pays. Ce terme a été inventé dans les années 1980 pour se distinguer du « sous-développement », qui ne considère que les aspects économiques, et qui suppose implicitement une « voie unique » pour le progrès humain.
Mal-développement / sous-développement
Le terme « mal-développement » a été créé par analogie avec le couple « sous-nutrition/mal-nutrition ». La population des pays développés souffre parfois de malnutrition, rarement de sous-nutrition. Le terme « sous-développement » fait référence à un déficit (quantitatif), alors que le terme « mal-développement » fait référence à une inadéquation (qualitative). L'agronome et universitaire français René Dumont l'a utilisé pour l'Amérique Latine[1] et l'Afrique subsaharienne.
Ce terme de mal-développement est à rapprocher de diverses critiques du capitalisme moderne concernant l'hybris ou la démesure, la non-satisfaction des besoins de base, les sur-inégalités sociales et entre pays, la mal-bouffe, le saccage de l'environnement.
Poser le problème en termes de « mal-développement » revient ainsi à poser le problème de comment se développer, alors que le sous-développement, de par son sens quantitatif, insinue qu'un peuple « pas assez » développé doit fournir un effort pour atteindre le « même niveau » de développement, c'est-à -dire doit suivre le modèle de développement du pays qui juge qu'il est « sous-développé ». Cela revient implicitement à considérer que le modèle du pays qui juge un pays « sous-développé » est un modèle de référence, adapté au contexte de ce pays. Cette position apparaît assez nettement dans le discours sur l'état de l'Union prononcé par le président Harry Truman en 1949.
Cependant la notion de mal-développement ne parvient pas, à l'exemple de la notion de développement durable, à mettre vraiment en cause la notion même de développement dont elle dépend et qui a plusieurs acceptions : la conception marchande (croissance du seul PNB ou du PNB par habitant) et les conceptions plus scientifiques et englobantes du Développement économique et social et du développement durable.
Combattre le mal-développement
La réduction du mal-développement est une problématique à laquelle il est difficile d'apporter une solution. Quelques initiatives ont été prises pour le combattre :
- Les pays développés, en tant qu'anciens colonisateurs pour certains, peuvent jouer leur rôle dans ce combat. Tout le monde s'accorde à dire que cette aide ne peut pas se cantonner dans l'urgence humanitaire (même si celle-ci semble nécessaire). Les politiques d'aide au développement sont définies par chacun des États souverains les mettant en œuvre, souvent par le biais de la coopération. Néanmoins, les populations des pays développés sont mal informées sur les réalités locales et l'aide au développement peut être inefficace. C'est le cas de nombreux éléphants blancs, des réalisations somptuaires et inefficaces économiquement étant souvent privilégiées au détriment de la satisfaction des besoins de base .
- Les pays développés furent eux-mêmes victimes du mal-développement aux XVIIIe et XIXe siècles, en passant du mode de vie traditionnel au mode de vie moderne. Le propre de la civilisation industrielle est par rapport aux autres civilisations, depuis l'Antiquité égyptienne, romaine, etc., le bouleversement démographique, caractérisé par une forte "explosion", et dû paradoxalement à la plus humaine de toutes les inventions scientifiques : la découverte des vaccins.
- Après l'Angleterre, toute la population de l'Europe augmenta fortement. La population du monde entier, décupla en moyenne, de un milliard en 1800 à dix milliards en 2050, ce qui laissait moins de place aux cultures vivrières traditionnelles et acculait les populations du monde entier à suivre le cheminement de l'Angleterre vers la modernité. Or, l'Angleterre a eu besoin de deux siècles pour achever sa Transition démographique par l'élévation de son niveau d'instruction, mais le reste du monde n'a plus autant de temps. Un programme à l'échelle locale, nationale et mondiale de planification familiale est nécessaire, en liaison avec l'élévation du niveau d'instruction du reste de l'humanité, condition incontournable pour accéder au développement et à la modernité. En 2020, tous les pays ont au moins commencé la transition de la fécondité et 80 % de la population mondiale vit dans des pays qui l'ont quasiment achevé[2]. Le niveau d'instruction des filles, qui est traditionnellement en moyenne en retard sur celui des garçons dans les pays pauvres, est le principal déterminant de l'ajustement de la fécondité à la mortalité, elle-même en très forte baisse. Selon une étude de la Population Crisis Comitee de Washington, le coefficient de corrélation négative entre le statut de la femme (éventail de critères) et l'indice synthétique de fécondité (ISF) ou nombre moyen d'enfants par femme est de -0,9[3] (le plus élevé) ; la corrélation entre la proportion de filles parmi les élèves de l'enseignement secondaire et l'ISF est de -0,86, coefficient également parmi les plus élevés.
Bibliographie
- Les ouvrages du philosophe et homme politique Ebénézer Njoh-Mouellé (De la médiocrité à l'excellence, Député du peuple...) documentent en détail cette question du mal-développement humain au Cameroun et dans d'autres pays africains.
- René Dumont, Le mal-développement en Amérique latine. Mexique, Colombie, Brésil avec Marie-France Mottin, 1981 (Le Seuil, Paris, coll. « L’Histoire immédiate »)
Articles connexes
Notes et références
- René Dumont et Marie France Mottin, Le mal-développement en Amérique latine, Paris, (Le Seuil, coll. « L’Histoire immédiate »),
- Gilles Pison, « Tous les pays du monde 2019 », sur www.ined.fr, population-et-sociétés, (consulté le )
- Daniel Noin, Atlas de la population mondiale, Paris, Reclus- La Documentation française, (ISBN 978-2-11-002605-7), p 78