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Mahmoud Mohamed Taha

Mahmoud Mohamed Taha (arabe : Ù…Ű­Ù…ÙˆŰŻ Ù…Ű­Ù…ŰŻ Ű·Ù‡), nĂ© en 1909 Ă  Rufa'a au Soudan anglo-Ă©gyptien et mort le Ă  Khartoum, est un homme politique soudanais, ingĂ©nieur et thĂ©ologien musulman libĂ©ral. Il joue un rĂŽle important dans la lutte anti-colonialiste et co-fonde le Parti rĂ©publicain du Soudan. Il est exĂ©cutĂ© en 1985 par le prĂ©sident Gaafar Nimeiry pour apostasie[1].

Mahmoud Mohamed Taha
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Fonctions
Chef du Parti républicain du Soudan
–
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Rufa'a, Soudan anglo-Ă©gyptien
Date de décÚs (à 76 ans)
Lieu de décÚs Khartoum, Soudan
Nationalité Soudanaise
Parti politique Parti républicain du Soudan
Profession Homme politique, théologien, ingénieur civil
Religion Islam soufi

Enfance et débuts en politique

Mahmoud Mohamed Taha nait en 1909 Ă  Rufa'a, une petite ville situĂ©e sur la rive orientale du Nil Bleu, dans la rĂ©gion de El Gezira au centre du Soudan[2]. Sa mĂšre, Fatima Bint Mahmoud, meurt vers 1915. Son pĂšre, Mohammad Taha, dĂ©mĂ©nage alors avec ses enfants Ă  Al-Higailieg, un village voisin. La famille travaille dans l'agriculture. Muhammad Taha meurt en 1920, laissant ses quatre enfants qui sont Ă©levĂ©s par leur tante Taha Ă  Rufa'a. Elle permet aux enfants de poursuivre leurs Ă©tudes. En 1936, Mahmoud Mohamed Taha est diplĂŽmĂ© de l'Ă©cole d'ingĂ©nieur de Gordon Memorial College, aujourd’hui l'UniversitĂ© de Khartoum. AprĂšs une courte pĂ©riode au service des chemins de fer du Soudan, il dĂ©missionne et se met Ă  son compte en 1941. Il devient un participant actif de la lutte nationaliste pour l'indĂ©pendance du dĂ©but du mouvement Ă  la fin des annĂ©es 1930, mais il n'est pas satisfait de la participation des Ă©lites musulmanes Ă©duquĂ©es de maniĂšre pieuse au sein de ce combat.

Taha et d'autres personnes ayant adhéré à ses critiques du mouvement nationaliste créent le Parti Républicain au mois d'. Les publications de l'organisation reflÚtent une forte tendance libérale au sein de l'islam. La politique du parti, prÎnant la confrontation directe et ouverte avec les autorités coloniales, aboutit à l'arrestation et l'emprisonnement de Taha en 1946. Il est condamné à un an de prison pour avoir refusé de cesser ses revendications politiques contre le gouvernement colonial britannique. Toutefois, en réponse aux protestations orchestrées par le Parti républicain, il est gracié par le gouverneur général britannique et libéré au bout de cinquante jours.

La mĂȘme annĂ©e, il est de nouveau arrĂȘtĂ©, jugĂ© et condamnĂ© Ă  deux ans de prison pour avoir dirigĂ© une rĂ©volte populaire contre les Britanniques dans la ville de Rufa'a. Plus tard, il dĂ©crit cette pĂ©riode en prison : « Quand j'Ă©tais en prison, j'ai commencĂ© Ă  rĂ©aliser que j'ai Ă©tĂ© Ă©levĂ© ici-bas par mon Seigneur, et lĂ , j'ai commencĂ© ma Khalwah (traduction littĂ©rale "retraite/isolement") avec Lui. ». Durant ces deux annĂ©es d'emprisonnement ainsi que les trois annĂ©es suivantes, il s'impose Ă  lui-mĂȘme un isolement religieux dans sa ville natale de Rufa'a. Taha s'initie aux mĂ©thodes de culte islamique qui conduisent Ă  une nouvelle comprĂ©hension de la signification du Coran. Ces mĂ©thodes consistent principalement au culte de la priĂšre et du jeĂ»ne en suivant les prĂ©ceptes de Mahomet. Bien que Taha partage la conviction commune de tous les musulmans que les rĂ©vĂ©lations cĂ©lestes sont inscrites dans le Coran, il souligne que les personnes consacrĂ©es peuvent recevoir une comprĂ©hension Ă©clairĂ©e de la Parole de Dieu et apprendre directement par l'intermĂ©diaire de sa parole tel qu'il lui est rĂ©vĂ©lĂ© Ă  Mahomet. À l'appui de cet argument, il cite le verset 282 de la deuxiĂšme sourate du Coran qui dit que « Dieu enseigne Ă  celui qui est pieux et qui craint Dieu. » Il cite Ă©galement le "dire prophĂ©tique" qui dit que « la personne qui agit conformĂ©ment Ă  ce qu'il ou elle connaĂźt sera consacrĂ©(e) par Dieu de la connaissance de ce qu'il ou elle ne sait pas ».

Élaboration d'une pensĂ©e juridique et religieuse

Selon M. Taha, il y a une distinction fondamentale entre la période mecquoise (formulation des dogmes et des principes éthiques) et la période médinoise (une expérience historique dans un contexte déterminé), et il faut que les musulmans donnent plus d'importance à la premiÚre période[3].

Taha Ă©labore la thĂ©orie d’un « Second Message de l’islam » (titre de son livre paru en 1967 sous le titre arabe Ar-Risala at-taniya min al-islam) aprĂšs une longue pĂ©riode d’ Â« isolement religieux »[4]. D’aprĂšs cette thĂ©orie, le Coran contient deux messages qui se contredisent. Le message contenu dans les versets du Coran rĂ©vĂ©lĂ©s Ă  La Mecque (« Coran mecquois ») exposent un discours diffĂ©rent sur la libertĂ© religieuse et l’égalitĂ© entre les sexes que les versets rĂ©vĂ©lĂ©s aprĂšs le dĂ©part de Mahomet pour MĂ©dine (« Coran mĂ©dinois »). La tradition juridique coranique a rĂ©solu cette « contradiction » en usant de l’ Â« abrogation » (naskh), principe qui dĂ©coule du Coran lui-mĂȘme (II, 106) : « Nous ne transfĂ©rons aucun signe, nous n'en laissons pas oublier, sans en susciter un autre, meilleur ou similaire » (traduction Chouraqui). Les premiers lĂ©gislateurs abrogĂšrent les versets mecquois et se servirent des versets mĂ©dinois : ce fut la crĂ©ation de la loi islamique traditionnelle, la charia.

C’est ce que M. Taha appelle « le premier message de l’islam ». Il pensait que le « Coran mĂ©dinois » ainsi que les lois de la charia basĂ©es sur ces versets violaient les valeurs d’égalitĂ©, de libertĂ© religieuse et la dignitĂ© humaine, et qu’elles Ă©taient dĂ©passĂ©es[4]. Ces versets Ă©taient des « versets subsidiaires », valables pour la sociĂ©tĂ© du VIIe siĂšcle, mais « inadaptĂ©s Ă  l’époque moderne, le vingtiĂšme siĂšcle ». Les versets mecquois, qui forment le « Second message » de l’islam, doivent constituer la Â« base de la lĂ©gislation » islamique pour une sociĂ©tĂ© moderne. La vraie charia, d’aprĂšs Taha, n’est pas figĂ©e, mais capable « d’évoluer, d’assimiler les capacitĂ©s de l’individu et de la sociĂ©tĂ© et de guider la vie suivant une Ă©chelle de dĂ©veloppement continu »[5]. Pour lui, le Coran de MĂ©dine est appropriĂ© en son temps pour constituer la charia, mais la « forme originale, authentique » de l’islam est le Coran de La Mecque, qui garantit un statut Ă©gal entre hommes et femmes, musulmans et non musulmans. Taha affirme que la constitution soudanaise doit ĂȘtre rĂ©formĂ©e pour rĂ©concilier « le besoin individuel de libertĂ© absolue et le besoin commun de justice sociale totale ».

Afin de promouvoir sa thĂ©orie, il crĂ©e un groupe de travail, les « FrĂšres rĂ©publicains »[6]. Ce collectif Ă©tudie en dĂ©tail les rituels islamico-soudanais, les coutumes, les valeurs culturelles et les pratiques lĂ©gales. Les RĂ©publicains mettent fin Ă  la norme sociale qui restreint le rituel soufi aux hommes. Un groupe de « SƓurs rĂ©publicaines » se forme Ă©galement. « Non seulement les femmes prenaient part Ă  toutes les priĂšres et autres rituels religieux, mais elles jouĂšrent un rĂŽle dĂ©terminant dans la composition d’hymnes et de poĂšmes. »[4]

Arrestation, procÚs et exécution

Le , Taha est arrĂȘtĂ© pour avoir distribuĂ© des pamphlets appelant Ă  l’abolition de la charia au Soudan. Il refuse d’assister Ă  son procĂšs, qui dĂ©bute le . Le procĂšs dure deux heures avec pour charge principale l’aveu que les accusĂ©s Ă©taient opposĂ©s Ă  l’interprĂ©tation de la loi islamique en vigueur au Soudan[7]. Devant la Cour, M. Taha dĂ©clare[8] :

« J'ai affirmĂ© Ă  plusieurs reprises mon opinion, selon laquelle les lois de septembre 1983 bafouent la charia islamique et l'islam lui-mĂȘme. De plus, ces lois ont dĂ©figurĂ© la charia islamique et l'islam jusqu'Ă  les rendre repoussants. Plus encore, ces lois ont Ă©tĂ© Ă©dictĂ©es et utilisĂ©es pour terroriser le peuple et le soumettre Ă  force d'humiliation. Ces lois ont Ă©galement mis en pĂ©ril l'unitĂ© nationale du pays. VoilĂ  quelles sont mes objections sur le plan thĂ©orique. Sur le plan pratique, les juges qui ont imposĂ© ces lois n'ont pas les qualifications techniques requises. Ils ont aussi failli moralement, ne refusant pas de se placer sous le contrĂŽle des autoritĂ©s de l'exĂ©cutif, qui les ont utilisĂ©s pour bafouer les droits des citoyens, humilier le peuple, dĂ©figurer l'islam, insulter l'intellect et les intellectuels et pour humilier des opposants politiques. Pour toutes ces raisons, je n'ai pas l'intention de coopĂ©rer avec un tribunal qui a trahi l'indĂ©pendance de la justice et qui ne s'est pas opposĂ© Ă  ce qu'on le manipule afin d'humilier le peuple, d'insulter la libre pensĂ©e et de persĂ©cuter des opposants politiques. »

Le lendemain, il est condamnĂ© Ă  mort avec quatre disciples (qui se repentirent par la suite et furent acquittĂ©s) pour « hĂ©rĂ©sie, opposition Ă  l’application de la loi islamique, trouble Ă  la sĂ©curitĂ© publique, incitation Ă  s’opposer au gouvernement, et reconstitution d’un parti politique interdit[9]. » Le gouvernement interdit que ses opinions non orthodoxes sur l’islam soient dĂ©battues en public pour la raison que cela « crĂ©erait un trouble religieux » ou fitnah (« scission », « sĂ©dition »). Un tribunal spĂ©cial confirme la sentence en appel le . Deux jours plus tard, le prĂ©sident Nimeiry fixe l’exĂ©cution au . MalgrĂ© la faible importance de son groupe, des milliers de manifestants contestent son exĂ©cution et la police montĂ©e use de nerfs de bƓuf pour repousser la foule[10]. L’inhumation du corps est tenue secrĂšte[11].

Bibliographie

  • 2002, Mahmoud Mohamed Taha, Un Islam Ă  vocation libĂ©ratrice, l'Harmattan, 180 pages (ISBN 2747528200)
  • (en) 1996, Mahmoud Mohamed Taha, The Second Message of Islam, Syracuse University Press, (ISBN 081562705X)
  • (ar)(en) Tous ses livres (en arabe et en anglais) sont tĂ©lĂ©chargeables gratuitement sur: www.alfikra.org
  • Ghassan Finianos, Islamistes, apologistes et libres penseurs, Presses universitaires de Bordeaux, 2006 (2e Ă©dition), pages 177-216.
  • A. A. An-Naim, Introduction Ă  l'ouvrage de Mahmoud Mohamed Taha "The Second Message of Islam", Syracuse University Press, 1996.
  • E. Renauld, A la mĂ©moire de Mahmoud Mohamed Taha, Revue maghrĂ©bine du livre, no 10, Prologue, 1997.

Notes et références

  1. Le Dieu "Voie, Vérité et Vie" et le Dieu de la "Religion immuable"
  2. « Carte de Rufa'a », sur collinsmaps.com
  3. Abdou Filali-Ansary, L'islam est-il hostile à la laïcité ?, Sindbad - Actes Sud, 2002, p. 97-98
  4. LichtenthÀler, Gerhard. "Mahmud Muhammad Taha: Sudanese Martyr, Mystic and Muslim Reformer". Institute of Islamic Studies. Evangelical Alliance of Germany, Austria, Switzerland. Retrieved 30 July 2014.
  5. Taha, Mahmoud Mohamed (1987). The Second Message of Islam. Syracuse University Press. p. 39.
  6. Packer, George (11 September 2006). "The Moderate Martyr: A radically peaceful vision of Islam"
  7. Wright, Robin. Sacred Rage. p. 203, 4.
  8. « Ustazh Mahmoud's statement before the court of Mahallawy in January 7th, 1985 »
  9. Wright, Robin. Sacred Rage. p. 203.
  10. Wright, Robin. Sacred Rage. p. 203, 4.
  11. Préface (not by author) à The Second Message of Islam by Mahmoud Mohamed Taha. Translated by Abdullahi Ahmen An-Na`im, 1987.

Article connexe

Liens externes

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