Libre recherche scientifique
La libre recherche scientifique est une école de philosophie juridique, prédécesseur de la jurisprudence des principes, qui défend l'idée que pour découvrir les origines des principes et des règles de droit, l'interprète doit s'appuyer sur les sciences, comme la sociologie, économie, linguistique, philosophie et théologie, que les anciens interprètes n'utilisaient pas.
Le principal penseur de cette école est François Gény mais d'autres auteurs ont également influencé ce mouvement comme Stammler et Eugen Ehrlich.
L'école qu'on analyse ici est souvent nommé l'école française d'interprétation et elle hérite des caractères de la philosophie grecque.
Concepts
La libre recherche scientifique cherche à résoudre les contradictions de l'école de l'exégèse et améliorer le positivisme juridique traditionnel. Un de ses buts est de compléter les lacunes de l'ordre juridique, en les enrichissant avec des éléments scientifiques, et en niant l'idée que la loi est l'unique source de cet ordre-là .
Ce paradigme-ci de pensée mets en relief l'usage de l'équité comme source du droit. Autrement dit, la libre recherche scientifique peut être appréhendé comme une sorte d’interprétation libre les textes juridiques. Elle consiste en quelque sorte à une interprétation objective et scientifique. C'est François Gény qui, en 1899, dans son livre sur « Méthodes d'interprétation et sources en droit privé positif », a révolutionné la théorie de l'interprétation avec une théorie de la libre recherche scientifique. Pour l'auteur, un texte ne peut être sollicité à l'infini. À partir d'un certain seuil, il y a toujours un vide qu'il faut combler. On comblera celui-ci par la libre recherche scientifique, méthode selon laquelle l'interprète doit purement et simplement élaborer une solution qui lui paraît la meilleure, compte tenu d'un certain nombre de données susceptibles de faire naître et de façonner une règle de droit (données réelles, données historiques, données rationnelles, données idéales), et dans une certaine mesure faire véritablement œuvre de législateur. Selon Gény, l'interprétation doit se faire par le code civil, mais au-delà du code civil. À ce principe, Saleillles, son contemporain, répondait : « Au-delà du code civil mais par le code civil », tout en ayant le souci d'ancrer le droit dans les réalités pratiques, sociales, économiques et donc historiques et évolutives.
Libre recherche scientifique et nature des choses
L'école de la libre recherche scientifique a des éléments d'origines de l'école philosophique connue comme nature des choses. Une sorte de diversité des instruments de recherche.
Libre choix de la méthode
Étant donné que l’interprète est libre dans sa recherche, il y a la liberté d'option de la méthode adéquate à son interprétation. En matière juridictionnelle, le juge du fond a le libre choix de la méthode la plus opportune et la plus efficace pour l’interprétation d'une loi dans un cas espèce. Dans l’interprétation de la loi, le juge fait face à une multitude de règles d’interprétation à sa portée.
L'interprétation a fortiori consiste à dire une chose déjà exprimée auparavant mais avec une forte expression avec des arguments semblables, plus solides et plus nombreuses. Par exemple, si un texte interdit à un incapable de procéder seul à la vente de l'un de ses biens, il est permis de penser qua fortiori, c'est-à -dire à plus forte raison, il lui défend d'en faire donation, car la donation serait, pour son patrimoine, un acte plus dangereux encore parce que consenti sans la contrepartie d'un prix.
L'interprétation par induction consiste, à l’aide d'une méthode inductive, à remonter du singulier à un règle générale ou de principe.
L'interprétation téléologique a été développée à propos des contrats et traités. Les dispositions doivent être interprétées de telle manière qu'elles acquièrent une pleine efficacité. Ce principe, qui est appelé l'interprétation téléologique, a été baptisé « principe de l'effet utile » par la CJCE.
L’interprétation par analogie est un procédé classique d'interprétation rationnelle qui consiste à étendre la solution édictée par un texte pour un cas à un cas semblable non prévu par le texte, en montrant que la raison d'appliquer la règle a la même force dans les deux cas. Par l'interprétation par analogie, l'interprète applique une règle prévue pour un cas connu, par extension, à un cas particulier inconnu. Elle est extrêmement fréquente. Mais elle est interdite en droit pénal, matière régie par le principe selon lequel « la loi pénale est d'interprétation stricte » (C. pén., art. 111-4), ce qui signifie que les juges ne peuvent « prononcer par induction, présomption, analogie ou pour des motifs d'intérêt général » (Crim. , no 91-82.141 , Bull. crim. no 214). Il en est de même s'agissant des textes fiscaux (MARCHESSOU, L'interprétation des textes fiscaux, Économica, 1980). L'interprétation par analogie est également interdite lorsqu'une disposition est d'interprétation stricte, ce qui équivaut à dire que toute interprétation par analogie est exclue.
L'interprétation a contrario consiste, lorsque la solution n'a pas été prévue par les textes, à appliquer la solution contraire à celle que les textes ont prévue pour un cas opposé c'est-à -dire faire référence à une situation contraire présente. En effet, on suppose que si la loi a énoncé une règle de conduite, elle a, par là -même occasion exclu la proposition contraire. En d'autres termes, cette interprétation revient à dire que l'inclusion de l'un signifie nécessairement l'exclusion de l'autre; « citer l'un c'est exclure l'autre » ; « qui affirme pour l'un, nie pour l'autre ».
Les limites de la libre recherche scientifique
Ces limites peuvent être perçues au niveau de l’interprétation de la loi. En s'appuyant sur la méthode de la libre recherche scientifique, le juriste peut ne pas rendre fidèlement les idées exprimées par le législateur. De plus, l’interprétation des œuvres trouve certaines limites liées à l'intraductibilité de certains mots d'une langue à une autre. Ce qui pousse les traducteurs à les conserver dans leur langue d'origine.
Confusion
La libre recherche scientifique ne doit pas être confondue avec le droit naturel, ces concepts-ci sont différents. On ne doit pas confondre libre recherche avec droit libre. Donc, ces deux écoles ne sont pas identiques l'une à l'autre.
Libre recherche scientifique et droit naturel
Le droit naturel, selon Grotius, est formé de « principes de la droite raison, qui nous font connaître qu'une action est moralement honnête ou déshonnête selon la convenance ou la disconvenance nécessaire qu'elle a avec la nature raisonnable et sociable de l'homme ». Selon l’école du droit naturel, les droits nationaux ne sont que des variations inspirés du droit naturel dont il faut apprécier la conformité avec le droit commun et idéal. L'un des pères de cette école est Grotius. Hollandais, jurisconsulte, il a publié plusieurs ouvrages. Dans ces ouvrages, il évoque le principe de la liberté de naviguer sur la mer et établit des règles de recourir à la guerre, les règles dans la guerre ainsi que les règles pour la paix. De plus, il différencie le droit naturel du droit divin car pour lui le droit divin provient de la volonté de Dieu hors le droit naturel procède de la nature humaine. Selon lui, les choses doivent convenir avec la nature raisonnable et sociable de l'Homme et donc ce droit naturel est composés de principes qui consistent le respect du bien d'autrui, le respect également de ces engagements et réparé le dommage causé. Il vise à la conservation de l’existence, à l’interdiction de nuire de libéralement.
Libre recherche scientifique et libre de droits
La notion de libre de droits, en anglais royalty-free, se réfère à la liberté d'utilisation de certains contenus, le plus souvent des images ou de la musique, qui une fois acquis, peuvent être utilisés sans payer de redevances à l'auteur. Elle se distingue de la notion de contenu libre car les œuvres concernées ne peuvent pas forcément être redistribuées légalement à des tiers, que ce soit à titre gratuit ou payant. Les conditions varient selon le contrat établi. En droit français, en 2015, et en termes strictement juridiques, la notion « libre de droits » n'existe pas. Cette appellation reste manifestement contraire au code de la propriété intellectuelle (articles L.111-1, L. 121-1, L. 131-3), notamment le droit moral concernant l'œuvre reste incessible.
Position de l'Ă©cole devant d'autres paradigmes
Comme dit au-dessus, le principal penseur de cette école est François Gény mais d'autres tels que Stammler et Eugen Ehrlich aussi ont illustré cette école.
François Gény
Il était professeur de droit à Nancy. Il a publié deux ouvrages, l'un « Méthode d’interprétation et sources en droit positif » en 1899, le second « Science et technique en droit positif ». Il va notamment critiquer l’interprétation textuelle du code civil qui est associée à des raisonnements beaucoup trop abstraits, à des grands principes et il propose de remplacer ces méthodes par la méthode de la libre recherche scientifique qui repose sur certaines idées :il critique le fétichisme de la loi écrite et codifier et suggère de se consacrer sur l’étude de la jurisprudence car elle suit le mouvement de la vie, elle suit les mœurs et donc traduit la réalité sociale. Il suggère que les juristes s'appuient sur les apports des nouvelles sciences sociales telles que la sociologie, la criminologie, l'anthropologie apparue au XIXe siècle. Il considère également que dans le cas non prévu par la loi, le juriste doit rechercher librement et scientifiquement la solution objectivement juste conforme à l'ordre des choses et à l'harmonie sociale.
Eugen Ehrlich
Ehrlich est considéré comme l'un des fondateurs de la branche sur la sociologie du droit.
Dans son œuvre principale, Grundlegung der Soziologie des Rechts (Les fondements de la sociologie du droit, 1913), Ehrlich cherche à poser les bases d'une vraie sociologie du droit, non formelle mais empirique, guidée non par des intérêts pratiques mais par des intérêts cognitifs. Dans son œuvre, Ehrlich aborde principalement les problématiques suivantes : la détermination du détail de l'objet qui caractérise la sociologie juridique (définition du concept de droit), l'influence des valeurs sociales sur le développement du droit (évolution du droit), l'effectivité du droit comme moyen de changement et de contrôle social (efficacité du droit) et le problème du rôle de la recherche sociologique vis-à -vis des sciences traditionnelles (recherches sur le droit).
Bibliographie
- (de) Olivier J. Motte, Michael Stolleis, Munich, Beck, , 236 p. (ISBN 3406459579).
- Benoît Frydman (3e édition), Le sens des lois, Bruxelles, Bruylant, , 720 p..