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Les Quarante martyrs de SĂ©baste

La fresque des Quarante martyrs qui retrace l'histoire des Quarante martyrs de Sébaste, est située dans l'oratoire A de la catacombe de Santa Lucia de Syracuse. Elle a été retrouvée par l'archéologue Paolo Orsi dans un état de conservation très largement dégradé. Les travaux de restauration menés en 2006 ont permis de retrouver l'histoire racontée, l'éclat des couleurs d'origine et certaines caractéristiques depuis longtemps effacées.

Cette fresque est composée de deux parties. La première, située sur le flanc Est de l’oratoire, montre six saints tous auréolés et séparés les uns des autres par des colonnes. La seconde, située sur le plafond, représente le martyre des soldats de Sébaste.

L’histoire des Quarante martyrs

Le martyre est datĂ© de 320. Son histoire est racontĂ©e dans les homĂ©lies de saint GrĂ©goire de Nysse, de saint Basile et de saint Éphrem ; elle nous est Ă©galement parvenue par l’intermĂ©diaire de leur Testamentum. Le rĂ©cit grec rapporte que l'empereur Licinius ordonna Ă  son armĂ©e de sacrifier aux dieux. Quarante soldats de la lĂ©gion campĂ©e Ă  SĂ©baste refusèrent de trahir la foi de leur baptĂŞme. Ils furent conduits au supplice après quelques jours de prison. Le gouverneur fit exposer les soldats dans un Ă©tang glacĂ© et demanda que la porte d’un bain chaud qui se tenait Ă  proximitĂ© reste ouverte pour les tenter. L’un d’eux succomba Ă  la tentation : il entra dans le bain et s’évapora sous le regard du gardien. Celui-ci aperçut alors une lumière brillante et trente-neuf diadèmes descendant du ciel. Convaincu du miracle il prit place aux cĂ´tĂ©s des martyrs. Le lendemain matin les martyrs respiraient encore. Le gouverneur leur fit briser les jambes et ordonna qu'on les jette au bĂ»cher. Leurs corps furent brĂ»lĂ©s et leurs ossements, jetĂ©s dans une rivière, se transformèrent miraculeusement en reliques. Selon la lĂ©gende syriaque le gardien vit quarante et non pas trente-neuf couronnes portĂ©es par les archanges accompagnĂ©s du Christ. Elle attribue enfin ce martyre au règne de Dèce et non Ă  celui de Licinus. La prĂ©sence du Christ et des archanges sur la fresque Ă©tudiĂ©e la rapprocherait de la lĂ©gende syriaque.

La croix gemmée et la scène du martyre

La scène du martyre se déroule autour d’une grande croix rouge bordée de noir et décorée de fils de perles et de pierres précieuses.

La croix prĂ©sente Ă  sa tĂŞte et sur chacune de ses branches des figures inscrites dans un cercle. Au centre de la croix se trouve un mĂ©daillon avec le Christ nimbĂ©. Son visage, ovale, porte une petite barbe en pointe. Il est reprĂ©sentĂ© en buste, en position frontale, et tient de la main gauche les Évangiles sur lesquels se trouve l'inscription « Ego sum lux mundi Â»; il bĂ©nit de la main droite. Il prĂ©sente un aspect Ă  la fois noble et sĂ©vère et est vĂŞtu d’une tunique rouge et d’une chlamyde bleu clair.

Les portraits de deux archanges aux ailes arquĂ©es se trouvent de part et d'autre de ce mĂ©daillon. Le personnage de gauche porte une tunique rouge dĂ©colletĂ©e et ornĂ©e de perles. Il porte de sa main droite un livre fermĂ© ornĂ© de gemmes et de la gauche un disque bleu dĂ©corĂ© en son centre une croix banche : il pourrait s’agir du globe.

Le médaillon situé en bas de la croix montre la Vierge en orante. Elle est représentée en buste. Sa tête, ceinte du nimbe et recouverte d’un voile, laisse échapper quelques mèches de ses longs cheveux. Ses yeux aux pupilles dilatées sont tournés vers le Christ auquel elle semble adresser une prière.

Le médaillon supérieur n'est plus visible. Tania Velmans pense qu’il montrait la représentation de la main divine. Marina Falla Castelfranchi pense en revanche qu’il s’agissait d’une représentation de saint Jean l’Evangéliste.

Les martyrs, immergĂ©s jusqu’aux hanches dans l’eau du lac gelĂ©, sont rĂ©partis dans les quatre compartiments formĂ©s par les branches de la croix. Il s'agit en gĂ©nĂ©ral de jeunes gens ; d’autres, moins nombreux, sont plus mĂ»rs comme en tĂ©moignent les quelques barbes en pointe. L’épisode du soldat reniant sa foi pour profiter du bain chaud est Ă©galement prĂ©sent. On voit un Ă©difice modeste et un personnage torse nu dont un des bras est encore engagĂ© dans le vĂŞtement qu’il enlève. Un autre personnage regarde du cĂ´tĂ© des martyrs et se dirige vers eux. C’est le gardien converti.

Deux figures restent énigmatiques. La première est située dans le cadre inférieur gauche, sous le disque de la Vierge. La seconde se trouve dans l’angle supérieur du second cadran, à droite du Rédempteur.

La première figure, qui plie lĂ©gèrement la tĂŞte, est vĂŞtue de la tunique talaris. Elle est assise sur une chaise pliante devant un pupitre et tient dans sa main gauche un volumen. Elle lève sa main droite en direction du pupitre comme pour s’engager dans un discours. Son visage et son regard ne sont pas tournĂ©s vers le Christ, la Vierge ou les martyrs mais dans le sens opposĂ©, vers l’extĂ©rieur de la composition. Tania Velmans pense qu’il s’agit d’un personnage racontant la lĂ©gende figurĂ©e plus loin. Carmelo Amato voit au contraire dans sa main gauche les clefs de la prison ou le rouleau de la condamnation et dans le geste de sa main droite le signe de son admiration devant le rayonnement des 39 couronnes suspendues dans l’air : il s’agirait du gardien. Paolo Orsi, se rĂ©fĂ©rant Ă  une reprĂ©sentation analogue retrouvĂ©e sur une miniature du Mont Amiata, pense qu’il s’agit de la reprĂ©sentation d'un lecteur ou d'un Ă©crivain et propose le nom de saint Jean, qui se trouverait ainsi aux cĂ´tĂ©s de Marie. Grazia Salvo rapproche ce personnage du GrĂ©goire le Grand reprĂ©sentĂ© sur une miniature du codex de la Règle Pascale des archives de Santa Maria Maggiore.

La seconde figure, très abîmée, est encore plus mystérieuse. Elle est penchée en avant et désigne de sa main gauche une sorte d’édifice sur lequel elle s’appuie de l’épaule droite.

Le Christ de l'abside

Un fragment de peinture représentant une autre image du Christ Pantocrator fut retrouvé sur le plafond de l'abside de l'oratoire. Il ne reste que la partie supérieure du personnage. Ce qui semble être la main de Dieu (en) surplombe le Christ. Celui-ci est entouré d'un nimbe orné d'une croix perlée; le visage est peu visible : on aperçoit le nez, une partie de l'œil droit, les sourcils, les moustaches et la barbe. Il porte une tunique rouge-orangée et une chlamyde banche qui le couvre de l'épaule gauche au flanc droit. Il bénit de la main droite et porte les Évangiles de la main gauche ; le livre est ouvert sur le verset de Jean, VIII, 12, comme il l'était pour le Rédempteur du centre de la fresque. Les lettres sont en grec comme toutes celles retrouvées sur la fresque.

Les Six saints

La deuxième partie de la fresque, située sur le haut de la façade sud-est de l’oratoire, montre six figures de saints à mi-buste alignées sur une même rangée. Ils sont séparés les uns des autres non par l’habituel encadrement à bâtons, caractéristique de la peinture byzantine, mais par des colonnes ornées de bases et de chapiteaux autour desquelles sont enroulés des festons. Cette organisation en partition, qui peut évoquer une organisation architectonique, trouve un écho évident dans les sarcophages siciliens.

Les personnages, tous dotĂ©s d’un nimbe perlĂ©, Ă©taient Ă  l’origine accompagnĂ©s d’une dĂ©dicace prĂ©sentant leur identitĂ© ; elles sont aujourd’hui illisibles. Deux de ces saints restent anonymes. Il s’agit de deux Ă©vĂŞques, comme l’attestent leur pallium qui descend de profil sur leur poitrine et qui prĂ©sente des croix sur chacun des pans. Le visage d’un de ces personnages a quasiment entièrement disparu mais quelques traces indiquent qu’il Ă©tait barbu. Giuseppe Agnello pense que le second personnage, situĂ© Ă  cĂ´tĂ© de saint Marcien, pourrait ĂŞtre sainte Lucie. Les vĂŞtements des deux anonymes sont identiques Ă  ceux des autres personnages. Ils lèvent leur main droite en signe de bĂ©nĂ©diction et tiennent de leur main gauche un volumen dotĂ© d’une couverture en cuir. On trouve Ă©galement saint Marcien, que la tradition dit ĂŞtre le premier martyr et le premier Ă©vĂŞque de Syracuse. Cette dignitĂ© est clairement exprimĂ©e par la prĂ©sence du pallium tombant sur sa poitrine. Il lève sa main droite en signe de bĂ©nĂ©diction et tient de sa main gauche un volumen, probablement les Évangiles. Une dalmatique recouvre sa tunique. Sainte HĂ©lène, habillĂ©e d’une tunique blanche aux manches serrĂ©es Ă  la manière des moines, porte sur l’épaule gauche un manteau de pourpre tachetĂ© : il pourrait s’agir de la chlamyde impĂ©riale. Une agrafe perlĂ©e est cousue sur son vĂŞtement, au niveau de l’épaule droite de la sainte. Elle lève sa main droite avec laquelle elle tient un bâton, peut-ĂŞtre une croix. Sa main gauche tient une couronne hĂ©misphĂ©rique dont le cĹ“ur est clos par des perles. La prĂ©sence de sainte HĂ©lène peut ĂŞtre une allusion au premier concile Ĺ“cumĂ©nique qui eut lieu Ă  NicĂ©e en 325 et lors duquel Constantin prĂ©senta sa mère ; elle peut aussi signifier le rĂ´le significatif que l’impĂ©ratrice tint dans la recherche et la dĂ©couverte de la Sainte Croix Ă  JĂ©rusalem.

Les saints Come et Damien portent la mĂŞme tenue et prĂ©sentent la mĂŞme posture. Ils lèvent leur main droite en signe de bĂ©nĂ©diction et tiennent de leur main gauche un rouleau, insigne de leur qualitĂ© de mĂ©decin. Ils prĂ©sentent un visage allongĂ© et maigre. Leur regard est dilatĂ©. Une chlamyde descend sur leur tunique sillonnĂ©e par d’épais plis ; elle recouvre complètement leurs Ă©paules. Toujours associĂ©s puisque frères et martyrisĂ©s ensemble le , ils tĂ©moignent Ă©galement de l’influence orientale qui toucha la culture syracusaine et la sociĂ©tĂ© chrĂ©tienne de ce temps.

La fresque se termine sur une bordure de rideaux qui se prolongeait à l'origine bien plus bas comme le montre la restitution proposée par Grazia Salvo.

Conclusion

Toutes les Ă©tudes portant sur cette fresque la date de la fin du VIIIe siècle. Paolo Orsi fut le premier Ă  avancer cette date, expliquant le terminus post quem par l'invasion et l'occupation arabe de Syracuse. Umberto Fasola soutient cette hypothèse et avance deux arguments. Le premier concerne la tenue du deuxième concile de NicĂ©e (787). Celui-ci met fin Ă  la lutte iconoclaste qui durait depuis 725 : la fresque ne peut lui ĂŞtre antĂ©rieure. Peindre une telle fresque dans l’oratoire aurait Ă©tĂ© un vĂ©ritable acte de rĂ©bellion ; or, explique l’auteur, il n’existe aucun texte parlant de ce type de rĂ©bellion pour Syracuse. Le deuxième Ă©lĂ©ment concerne le portrait du RĂ©dempteur qui prĂ©sente un certain nombre de similitudes avec celui retrouvĂ© sur une mosaĂŻque de la basilique de saint Ambroise de Milan, elle-mĂŞme datĂ©e du IXe siècle. Umberto Fasola date donc la fresque entre 787 et 878. Grazia Salvo, s'appuyant sur la lecture de textes anciens et sur les caractĂ©ristiques stylistiques de la fresque, la date quant Ă  elle du dĂ©but du VIIIe siècle.

L’oratoire « A Â» a donc Ă©tĂ© dĂ©corĂ© et mis en valeur Ă  la fin de l’époque byzantine.

  • La fresque des quarante martyrs de SĂ©baste avant restauration.
    La fresque des quarante martyrs de SĂ©baste avant restauration.
  • La fresque des quarante martyrs de SĂ©baste après restauration.
    La fresque des quarante martyrs de Sébaste après restauration.

Voir aussi

Bibliographie

  • Marina Falla Castelfranchi, Iconoclaste in Italia meridionale ? Con un’appendice sull’oratorio dei Quaranta Martiri nella catacomba di Santa Lucia a Siracusa, Bisanzia e l’Occidente : arte, archeologia, storia, 1996.
  • Umberto Maria Fasola, « Il « Pantocrator Â» dell 'oratorio trogloditico della catacomba siracusana di Sainte Lucie Â», S. Rodante (a cura di), La Sindone. Indagini scientifiche, Torino, 1988, pp. 226-239.
  • Grazia Salvo, « L'oratorio dei Quaranta Martiri di Sebasta Â», Mariarita Sgarlata (a cura di), La catacomba di Santa Lucia e l'Oratorio dei Quaranta Martiri, 2006, pp. 90-98.
  • Tania Verlans, « Le dĂ©cor de la voĂ»te de l’oratoire Santa Lucia : une iconographie rare des Quarante Martyrs Â», Cosimo Damiano Fonseca (a cura di), La Sicilia rupestre nel contesto delle civiltĂ  mediterranee, 1986 ; et in Velmans, Byzance, les slaves et l'Occident, S. 157-174, 2001

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