Leary c. La Reine
Leary c. La Reine [1] est un arrĂȘt historique de la Cour suprĂȘme du Canada rendu en 1978 sur la dĂ©fense d'intoxication volontaire en tant qu'excuse Ă la responsabilitĂ© pĂ©nale. Cet arrĂȘt a crĂ©Ă© ce qui est appelĂ© la « rĂšgle Leary ».
Les faits
Allan H. P. Leary est accusé de viol. La victime soutient qu'il l'a forcée à avoir des relations sexuelles alors qu'il était armé d'un couteau. Il admet à la police avoir eu des relations sexuelles avec la plaignante, mais affirme que celle-ci a consenti et qu'il n'y avait pas eu de contrainte sous la forme de force ou de menaces.
ProcĂšs
Il est déclaré coupable au procÚs devant le juge Meredith de la ville de Nelson en Colombie-Britannique.
Il a été soulevé lors du procÚs qu'il était trÚs ivre au moment des faits, à tel point que selon la victime, l'agresseur « avait commencé à s'endormir »[2]. Il fait appel de la décision sur le fondement de la défense d'intoxication volontaire.
Appel
La Cour d'appel de la Colombie-Britannique rejette son appel.
Jugement de la Cour suprĂȘme
Le pourvoi de Leary est rejeté.
Motifs du jugement
La Cour a statuĂ© que lorsque l'accusĂ© est jugĂ© suffisamment ivre au moment de l'infraction pour ĂȘtre incapable de former l'Ă©lĂ©ment mental minimal requis pour une infraction d'intention gĂ©nĂ©rale, ce qui Ă©quivaut Ă un Ă©tat d'intoxication extrĂȘme, il peut quand mĂȘme ĂȘtre tenu responsable, car l'acte d'induire une intoxication peut se substituer Ă l'exigence de la mens rea.
Faits subséquents
Par la suite, la rĂšgle issue de l'arrĂȘt Leary a Ă©tĂ© contestĂ©e avec succĂšs dans l'affaire R. c. Daviault[3] de 1994. Cet arrĂȘt tient compte de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s[4], en vigueur depuis 1982, et dĂ©clare que condamner une personne avec un degrĂ© d'intoxication extrĂȘme est une violation des articles 7 et 11 d) de la Charte canadienne.
En rĂ©action Ă l'arrĂȘt Daviault, le lĂ©gislateur fĂ©dĂ©ral a adoptĂ© une loi statutaire[5] qui a ajoutĂ© l'article 33.1 au Code criminel[6].
Dans l'arrĂȘt R. c. Bouchard-Lebrun[7], la Cour suprĂȘme affirme que « lâadoption de cette disposition nâa pas ressuscitĂ© la rĂšgle de lâarrĂȘt Leary. Cette disposition lĂ©gislative nâa effectivement pas codifiĂ© la position des juges dissidents dans lâarrĂȘt Daviault; elle a plutĂŽt restreint la portĂ©e de la rĂšgle Ă©noncĂ©e par lâopinion majoritaire. En consĂ©quence, les principes Ă©noncĂ©s dans lâarrĂȘt Daviault constituent toujours lâĂ©tat du droit au Canada, sous rĂ©serve bien sĂ»r de lâimportante restriction imposĂ©e par lâart. 33.1 C. »[8].
En juin 2020, la Cour d'appel de l'Ontario a invalidĂ© l'art. 33.1, concluant qu'il violait les articles 7 et 11d) de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s[9]. La Cour suprĂȘme dans l'arrĂȘt R. c. Brown[10] de 2022 confirme que l'article 33.1 C.cr. est inconstitutionnel. Cette dĂ©cision affirme cependant que pour rĂ©aliser l'objectif souhaitĂ©, le lĂ©gislateur a tout de mĂȘme la possibilitĂ© d'adopter une infraction distincte d'intoxication criminelle.
Notes et références
- [1978] 1 RCS 29
- p. 48 de la décision
- [1994] 3 RCS 63
- Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11
- Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire), L.C. 1995, c. 32
- Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 34, <https://canlii.ca/t/ckjd#art34>, consulté le 2021-12-29
- 2011 CSC 58
- R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58 (CanLII), [2011] 3 RCS 575, au para 35, <https://canlii.ca/t/fp2qz#par35>, consulté le 2021-12-29
- R. c. Sullivan, 2020 ONCA 333, par. 195 ss.
- 2022 CSC 18