Le napoléonisme. Les trois stades du légendaire
Le napoléonisme. Les trois stades du légendaire est un essai de Charles Dantzig paru aux Éditions SilvanaEditoriale en 2021. Il propose une analyse de la formation et de la perpétuation des légendes politiques en étudiant le cas de la légende napoléonienne. Ce texte, dans une version légèrement différente, a servi de préface au catalogue de l’exposition organisée par le musée d’Ajaccio pour le bicentenaire de la mort de Napoléon, Napoléon, légendes.
Le livre
Selon Charles Dantzig, une légende politique passe par trois stades : la propagande au bénéfice d’un seul, la sanctification au bénéfice d’un parti, la captation au bénéfice des désespérés.
La propagande au bénéfice d’un seul
L’exemple le plus saisissant est peut-être le bicorne, que Napoléon porte, non conformément à l’usage, parallèlement à la ligne des épaules. Alors qu’il est abandonné par l’Armée en 1806, Napoléon le conserve et le porte comme il porterait une couronne.
La sanctification au bénéfice d’un parti
L’auteur montre comment Le Mémorial de Sainte-Hélène devient après sa mort le fleuve sur lequel vogue sa légende ; comment, dans la France de la Restauration, humiliés par les défaites militaires et un régime qui veut faire payer au peuple l’outrage de la révolution, les Français trouvent dans la légende napoléonienne la possibilité de s’imaginer glorieux. L’auteur souligne que Napoléon a fasciné toute une génération de jeunes écrivains, au premier chef Musset et Hugo, imprégnant même la fiction, avec des personnages tel Julien Sorel. Il montre également que dans un deuxième temps, le pouvoir s’est approprié cette légende pour se légitimer : Louis-Philippe fait revenir les cendres de Napoléon à Paris en 1840, Napoléon III mobilise l’imaginaire glorieux de l’épopée de son oncle au moment de son coup d’Etat.
La captation au bénéfice des désespérés
Depuis la Première Guerre mondiale, la légende napoléonienne s’est politiquement tarie en France, et Napoléon n’est plus qu’une figure brandie par quelques dictateurs lointains et par les militaristes en tout genre. La légende a perdu en superbe, et en complexité, pour ne devenir que le grossier contour du bellicisme.
Citations
« Toute légende est fausseté. Elle froisse les intelligents, mais elle n’est pas faite pour eux. On ne gouverne pas un pays en s’adressant à l’intelligence, elle est trop peu nombreuse. »
« Le vaincu était devenu un martyr à Sainte-Hélène. Toute cette énergie pour aboutir à une mélancolie nationale ! Les Anglais lui ont rendu un grand service en mettant au coin de l’univers ce sale gosse revenu embêter les adultes. Elbe était risible, Sainte-Hélène pouvait avoir l’air tragique. »
« La Révolution avait ouvert la boite à bavardages, et tant mieux. Les rois régnaient muettement. »
« Napoléon avait permis à chaque Français de se croire glorieux, tel Churchill aux Anglais en 40, et jusqu’à aujourd’hui : la puérilité des nations en armes survit à leurs guerres. »
« L’homme croyant plus volontiers à ce qu’on lui dit qu’à ce qu’il voit, la légende napoléonienne s’est répandue oralement comme le Nil. »
« Ils étaient deux, Bonaparte et Napoléon, ayant couru sur les deux jambes de ce nom. »