Accueil🇫🇷Chercher

La Vierge de miséricorde de la famille Cadard

La Vierge de miséricorde, ou retable Cadard, est un tableau peint par Enguerrand Quarton et Pierre Villate, conservé au musée Condé, à Chantilly.

La Vierge de miséricorde de la famille Cadard
Artiste
Date
v.1452
Type
Huile sur bois transposée sur toile
Dimensions (H Ă— L)
66 Ă— 187 cm
Propriétaire
No d’inventaire
PE 111
Localisation
Musée Condé, Cabinet de Giotto, Chantilly (France)

Historique

Le tableau est commandé le par les procureurs du couvent des Augustins pour le compte de Pierre Cadard en l'honneur de son père Jean Cadard (1377-1449). Il était destiné à l'autel de la chapelle Saint-Pierre de Luxembourg que celui-ci avait fait élever dans l'église des Célestins à Avignon[1]. Le contrat conclu alors prévoyait une prédelle mais sans que soit précisé le sujet et elle a disparu depuis. Selon les traditions des retables à Avignon, elle devait représenter le Christ entouré des douze apôtres. L'ensemble devait être complété par un couronnement. Jean Cadard est un médecin de profession, ancien conseiller du roi de France Charles VII et exilé dans le Comtat Venaissin à la suite de l'accusation d'avoir commandité l'assassinat de Jean sans Peur en 1419.

On ne retrouve la trace du tableau qu'en 1823 dans les collections de la famille de Jean-Baptiste Rousseau, consul de France à Bagdad. Il est acheté ensuite par Frédéric Reiset, conservateur au musée du Louvre. Il est alors décrit comme une œuvre primitive flamande de la fin du XVe siècle. Le tableau est acheté avec la totalité de la collection de peintures du conservateur par le duc d'Aumale en 1879. Il le fait placer dans le « cabinet de Giotto » au sein du château de Chantilly. C'est en 1904 qu'une étude fondée sur une recherche en archives effectuée par Henri Bouchot et Paul Durrieu a permis d'attribuer avec certitude le tableau à Enguerrand Quarton[2].

L'auteur du tableau

Le document d'archive relatant la commande de Jean Cadard, dĂ©signĂ© sous le nom de « prix-fait Â» prĂ©cise que la commande est passĂ©e auprès d'Enguerrand Quarton, mais aussi auprès de Pierre Villate pour 30 Ă©cus d'or neuf. Le premier est alors un peintre installĂ© Ă  Avignon, Ă  qui de nombreuses commandes sont passĂ©es, aussi bien par les riches Avignonnais que par les couvents et le lĂ©gat du pape dans la ville. Pierre Villate est quant Ă  lui un jeune artiste originaire de Limoges mais dĂ©jĂ  dĂ©signĂ© sous le titre de « maĂ®tre Â». Toutes les Ĺ“uvres de Villate ont aujourd'hui disparu Ă  l'exception d'un livre enluminĂ© ; il est seulement connu grâce aux archives de ses commandes. Les deux artistes ont par ailleurs Ă©tĂ© associĂ©s Ă  la rĂ©alisation des Heures dites de Namurs ou Livre d’heures Ă  l’usage de Rome[3]. Beaucoup d'historiens de l'art se sont interrogĂ©s sur la part de chacun des deux peintres dans cette Ĺ“uvre.

Pour Charles Sterling, le tableau pourrait être entièrement de la main d'Enguerrand Quarton, tandis que la seule prédelle serait de Pierre Villatte. Cela aurait été un moyen de gagner du temps, Jean Cadard étant pressé de faire réaliser le retable avant la saint Jean Baptiste, 5 mois plus tard, ce qui fait un délai court pour une telle réalisation[4]. Selon Albert Châtelet, le tableau serait pour l'essentiel de la main de Pierre Villate, qui se serait appuyé sur la notoriété d'Enguerrand Quarton à Avignon pour obtenir une commande prestigieuse mais qui en aurait réalisé l'essentiel, Quarton ne faisant que retoucher finalement la peinture. Le fait que Cadard ne s'adresse qu'à Villate pour sa commande suivante, deux ans après, pour un autre retable le représentant avec sa femme (disparu) et que Villate se soit fait une spécialité des champs d'or en fond de composition militeraient, selon lui, en ce sens[5]. Selon Dominique Thiébaut, les deux artistes auraient participé conjointement au tableau, car des disparités apparaîtraient entre certains personnages représentés sous la Vierge et les autres personnages du tableau. C'est le cas notamment de l'évêque. Seuls ces quelques figures seraient réellement de la main de Villate[6].

Thème et composition

Le thème de la Vierge de misĂ©ricorde est dĂ©jĂ  très souvent prisĂ© Ă  l'Ă©poque de ce tableau. Il se retrouve dans la peinture byzantine et italienne[7]. Il reprĂ©sente la Vierge debout protĂ©geant de son manteau plusieurs personnages : Ă  la gauche de la Vierge, les personnalitĂ©s religieuses, Ă  la droite, des laĂŻcs. Parmi ceux-ci, on semble reconnaĂ®tre notamment le pape Nicolas V ou le roi Charles VIII. Le fond de la composition est traditionnellement d'or, symbolisant le paradis rĂ©alisĂ©. La commande prĂ©voyait dĂ©jĂ  l'usage du meilleur or pour le fond et de l'azur d'Acre. La Vierge, toujours selon l'iconographie traditionnelle, est en position dĂ©hanchĂ©e, ou contrapposto en italien. Ce dĂ©hanchement vers la droite est compensĂ© par l'inclinaison de la tĂŞte vers la gauche. Les commanditaires sont reprĂ©sentĂ©s, non pas sous le manteau de la Vierge, mais en retrait, prĂ©sentĂ©s par leurs saints patrons : saint Jean Baptiste pour Jean Cadard et saint Jean l'Ă©vangĂ©liste pour sa femme Jeanne des Moulins. Les prie-Dieu comportent les armes du commanditaire et de sa femme : « D'argent au chevron de gueule chargĂ© de trois Ă©toiles d'or et accompagnĂ© de trois merlettes de sable Â».

Notes et références

  1. Base Joconde.
  2. Paul Durrieu, « La « Vierge de misĂ©ricorde Â» d'Enguerrand Charoton et Pierre Villate au musĂ©e CondĂ© », La Gazette des Beaux-arts, vol. 32, no 565,‎ (lire en ligne)
  3. « Livre d’heures à l’usage de Rome », sur Enguerrand Quarton Online (consulté le )
  4. Charles Sterling, « L'auteur de la Piéta d'Avignon : Enguerrand Quarton (Charreton) », Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France,‎ , p. 213-223
  5. Albert Châtelet, op. cit., 1970
  6. Dominique Thiébaut, op. cit., p. 113
  7. Domaine de Chantilly.

Annexes

Bibliographie

  • Albert Châtelet, Chantilly, musĂ©e CondĂ©. Peintures de l'École française XVe : XVIIe siècle, RĂ©union des musĂ©es nationaux, coll. « Inventaire des collections publiques de France » (no 16), , notice 1
  • Dominique ThiĂ©baut (dir.), Primitifs français. DĂ©couvertes et redĂ©couvertes : Exposition au musĂ©e du Louvre du 27 fĂ©vrier au 17 mai 2004, Paris, RMN, , 192 p. (ISBN 2-7118-4771-3), p. 112-113
  • Yves Bottineau-Fuchs, Peindre en France au XVe siècle, Arles, Actes Sud, , 330 p. (ISBN 2-7427-6234-5), p. 148-152
  • Constantin Favre, « Enguerrand Quarton et Pierre Villate », dans Peindre Ă  Avignon aux XVe - XVIe siècle, Ă©dition FrĂ©dĂ©ric Elsig, Milan, Silvana Editoriale, 2019, p. 97 - 107.

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.