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La Liberté ou l'Amour

La Liberté ou l'Amour est un roman de Robert Desnos paru en 1927.

La Liberté ou l'Amour
Auteur Robert Desnos
Pays Drapeau de la France France
Genre roman
Date de parution 1927

Présentation

Le roman met en scène deux personnages principaux : le corsaire Sanglot, incarnation de l'auteur, et Louise Lame, une femme fatale et son amante. L’œuvre relate leurs rencontres, leur flux de pensées et leur quête d'expérimentation charnelle.

Analyse

Mélange entre rêve et réalité

Ă€ l'exemple du dĂ©but du chapitre II, « Les profondeurs de la nuit », le lecteur dĂ©ambule avec le narrateur dans un dĂ©cor banal, tels les escaliers ou les boutiques, mais aussi dans un dĂ©cor imaginaire peuplĂ© de fantĂ´mes rassurants, de femmes et de souvenirs amoureux. Chaque lieu attise les songes ; que ce soit les escaliers et l'Ă©vocation du martellement de talons fĂ©minins, « l'escalier derrière moi n'Ă©tait plus qu'un firmament semĂ© d'Ă©toiles parmi lesquelles je distinguais nettement l'empreinte des pas de telle femme dont les talons Louis XV avaient, durant longtemps, martelĂ© le macadam des allĂ©es... », ou l'Ă©change de baisers dans les recoins, « C'est devant le bijoutier une femme qui se dĂ©gante pour essayer une bague et se faire baiser la main par le Corsaire Sanglot […]. La foule piĂ©tinait ces souvenirs de baisers et d'Ă©treintes sans leur prĂŞter la dĂ©fĂ©rente attention qu'ils sollicitaient. Seul, j'Ă©vitais de les meurtrir. Parfois mĂŞme je ramassais l'un d'eux. D'une Ă©treinte douce il me remerciait. Je le sentais frĂ©mir dans la poche de mon pantalon. Ainsi sa maĂ®tresse avait-elle dĂ» frĂ©mir Ă  l'instant fugitif de l'amour. Je marchais ».

Se jouer du temps

RĂŞve et rĂ©alitĂ© s'entrelacent mais aussi vie et mort. Dès le premier chapitre, l'auteur se joue du lecteur et interroge la place du narrateur ; intitulĂ© « ROBERT DESNOS Â», on peut y lire : « NĂ© Ă  Paris le 4 juillet 1900. DĂ©cĂ©dĂ© Ă  Paris le 13 dĂ©cembre 1924 », jour oĂą il Ă©crit ces lignes. « Qu'il aille donc au diable le corbillard de Louise Lame, et le corps de Louise Lame et son cercueil et les gens qui se dĂ©couvrent et ceux qui suivent. Que m'importe Ă  moi cette carcasse immonde et ce dĂ©filĂ© de carnaval. Il n'est pas de jour oĂą l'image ridicule de la mort n'intervienne dans le dĂ©cor mobile de mes rĂŞves. Elle ne me touche guère, la mort matĂ©rielle, car je vis dans l'Ă©ternitĂ© ». Pour Desnos, la mort n'est rien ; un auteur est Ă©ternel tant qu'il est lu.

Mesurer le temps est une prĂ©tention absurde : « Le regard de celui-ci errait dans la pièce. Il s'arrĂŞta enfin sur une Ă©phĂ©mĂ©ride. Celui-ci avait Ă©tĂ© oubliĂ© par un comptable narquois partagĂ© entre le dĂ©sir d'oublier et celui de mesurer le temps machinalement et sans penser Ă  la stupiditĂ© que sous-entend une pareil prĂ©tention »[1].

Le merveilleux dans le quotidien

S'évadant des jeux de cadavre exquis, des séances d'hypnotisme ou d'écriture automatique, les surréalistes quittent les lieux clos pour explorer la rue, la vie, et les rencontres que le hasard provoque. Yves Thomas[2] analyse l’œuvre de Desnos comme ouvertement intertextuelle. Il s'inspire de Jules Verne dans Le Sphinx des glaces ou des Aventures d’Arthur Gordon Pym d’Edgar Allan Poe afin de bâtir un roman d'aventures dans Paris. L'aventure naît donc dans le rêve et l'imagination chez Desnos.

Yves Thomas écrit dans son premier paragraphe : « Me voici donc lancé dans les aléas d’une aventure qui, selon toute probabilité, dépasserait en imprévu mes voyages antérieurs ».

Ces paroles dites par Jeorling, le narrateur du Sphinx des glaces et passager de la goĂ©lette l’Halbrane en route vers le cercle antarctique auraient pu bien ĂŞtre, en 1927, celles du narrateur de La libertĂ© ou l’Amour ! pleinement en phase avec les tendances aventurières des explorations surrĂ©alistes, conforme au dĂ©sir de s’émerveiller dans le quotidien du voyage extraordinaire, de l’excursion, de l’errance, cette affirmation du personnage de Verne trouve un Ă©cho significatif au chapitre V intitulĂ© « la Baie de la faim Â» lorsque les « explorateurs polaires Â» viennent se mĂŞler sans se confondre au Corsaire Sanglot et Ă  Louise Lame, les personnages principaux du rĂ©cit de Desnos. Mettant en scène l’ambivalence de l’espace par un chevauchement, voire une stratification des paysages fictifs, entre les dĂ©serts polaires et Paris, Desnos transpose « les alĂ©as d’une aventure Â» en un enchaĂ®nement de « merveilleuses aventures Â» annoncĂ© dĂ©jĂ  au chapitre IV[3].

L'humour

Provocation et jeu avec le lecteur abondent. L'auteur se moque ouvertement de ses personnages (p. 27) : « Louise Lame et Corsaire Sanglot considĂ©rèrent avec respect, eux qui n'avaient que peu de choses Ă  respecter en raison de leur valeur morale... »

Sordide et sensualitĂ© se mĂŞlent et prĂŞtent Ă  sourire ; ainsi peut-on lire page 25 qu' « un assassin dans un quartier lointain se donne beaucoup de mal pour tuer un impassible promeneur »

Les assimilations de BĂ©bĂ© Cadum Ă  Dieu dans des formulations comme celles-ci : « La nuit de son incarnation approche oĂą, ruisselant de neige et de lumière, il signifiera Ă  ses premiers fidèles que le temps est venu de saluer le tranquille prodige des lavandières qui bleuissent l'eau des rivières et celui d'un dieu visible sous les espèces de la mousse de savon, modulant le corps d'une femme admirable, debout dans sa baignoire, et reine dĂ©esse des glaciers de la passion rayonnant d'un soleil torride, mille fois rĂ©flĂ©chi, et propices Ă  la mort par insolation » (page 33), prouvent que Robert Desnos se joue de la religion en la parodiant. Dieu est un bĂ©bĂ© de publicitĂ© et son corps Ă©rotisĂ© devient celui d'une femme. Sous des aspects parodiques, l'auteur surrĂ©aliste tourne en ridicule des sujets considĂ©rĂ©s comme sĂ©rieux, tels la mort ou la religion.

Références

  1. Robert Desnos, La LibertĂ© ou l'Amour ! Gallimard, 1982, 168 p., coll. « L'Imaginaire Â», p. 23
  2. Yves Thomas, « Aux passants Verne et Sue : l’exploration du quotidien » dans La LibertĂ© ou l’Amour de Robert Desnos, Revue d'histoire littĂ©raire de la France. Paris, PUF, 2003, vol. 103, pp. 143-151.
  3. Voir aussi sur le sujet : Alexandre Tarrieu, « Résonances verniennes chez Robert Desnos », dans Bulletin de la Société Jules Verne, no 162, 2007.
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