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Isomorphisme institutionnel

Théorie proposée par DiMaggio et Powell, l'isomorphisme institutionnel analyse la convergence de comportements entre des organisations appartenant à un même champ. Les auteurs désignent par là un processus d'homogénéisation dans la structure, la culture et le produit de ces organisations. Le concept d'isomorphisme institutionnel apparaît dans un article publié par l'American Sociological Review en avril 1983, « The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields ». Le terme isomorphisme est emprunté aux mathématiques et à la chimie.

Introduction

Depuis les travaux de Max Weber sur le capitalisme[1], la bureaucratisation des organisations est présentée comme inéluctable et répondant aux exigences de rationalisation et d’efficacité. Or, l’intérêt pour l’institution va de pair avec l’apparition de l’idée que l’efficacité n’est pas l'unique force motrice derrière les processus de décision mais qu’il faut tenir compte d’éléments culturels tels que les valeurs, normes, règles, croyances et tout ce qui est tenu pour acquis dans les organisations[2].

DiMaggio et Powell suggèrent que, si la bureaucratisation participe à des processus qui tendent à rendre les organisations de plus en plus similaires (isomorphisme), elle ne les rend pas pour autant plus efficaces.

Champ organisationnel

L'isomorphisme institutionnel se produit à l'intérieur d'un champ organisationnel[3] que DiMaggio et Powell définissent comme l’ensemble des organisations qui appartiennent à une même « aire » de la vie institutionnelle. Au sein d’un même champ, les organisations partagent les mêmes fournisseurs, des ressources similaires ou des consommateurs identiques. Les organisations qui produisent des services ou des produits similaires appartiennent donc à un même champ, parce qu’elles sont connectées mais aussi parce qu’elles sont structurellement équivalentes. Un champ organisationnel n’est pas déterminé a priori mais sur la base d’une investigation empirique.

Changement isomorphique institutionnel

Lorsque plusieurs organisations se structurent dans un même champ, elles tendent à devenir similaires les unes aux autres. DiMaggio et Powell donnent à ce processus le nom de changement isomorphique institutionnel. Plus que pour des questions d’efficacité ou de performance, l’homogénéisation renforcerait la légitimité des organisations[4].

Trois mécanismes à travers lesquels le changement isomorphique institutionnel se produit peuvent être distingués :

  • l'isomorphisme normatif : Il se dĂ©veloppe parallèlement Ă  la professionnalisation des membres de l'organisation, via la standardisation des cursus Ă©ducatifs et des rĂ©seaux professionnels. La professionnalisation se dĂ©veloppe Ă©galement en mĂŞme temps que la structuration d’un champ organisationnel. DiMaggio et Powell notent que les membres d’une organisation qui aspirent Ă  des fonctions de direction auront tendance Ă  anticiper les règles de cette dernière, renforçant, de ce fait, l’isomorphisme institutionnel. Ainsi, la mobilitĂ© intra-organisationnelle (comme les carrières institutionnalisĂ©es, par exemple de l’assistant jusqu’au professeur Ă©mĂ©rite Ă  l’universitĂ©), participe au changement isomorphique institutionnel ;
  • l'isomorphisme mimĂ©tique : dans un contexte d'incertitude et de rationalitĂ© limitĂ©e, les organisations ont tendance Ă  s'imiter les unes les autres (phĂ©nomène Ă©galement observĂ© en finance, sous le terme « herding » ou « comportement moutonnier »). L'incertitude peut recouvrir diffĂ©rents aspects comme le manque de comprĂ©hension de l'usage des technologies dans l'organisation ; les buts de l’organisation peuvent ĂŞtre ambigus ; l’environnement est incertain (par exemple en pĂ©riode de crise Ă©conomique). Les incertitudes poussent les organisations d’un mĂŞme champ Ă  s’imiter les unes les autres pour ĂŞtre perçues comme plus lĂ©gitimes ;
  • l'isomorphisme coercitif : la pression exercĂ©e par l'État notamment via les financements publics, par les attentes culturelles de la sociĂ©tĂ© ou par d'autres organisations, peut Ă  terme imposer certains comportements, favorisant ainsi la prise en compte de normes communes. L'isomorphisme coercitif dĂ©coule donc d’une influence politique au sens large, laquelle peut ĂŞtre formelle ou informelle. Les changements opĂ©rĂ©s peuvent prendre une forme essentiellement cĂ©rĂ©monielle, ce qui ne signifie pas qu’ils seraient sans consĂ©quence. Au plus l’État Ă©tend son influence, au plus les organisations deviennent homogènes en essayant de correspondre aux institutions plus larges qui les contiennent. Le cas d’organisations participatives montre que la pression de l’environnement peut amener ces dernières Ă  se hiĂ©rarchiser dans l’objectif d’obtenir des fonds, par exemple, d’organisations donatrices. Ce phĂ©nomène est dĂ©crit comme un obstacle important au maintien de formes organisationnelles Ă©galitaires ou collectivistes.

Prédire le changement isomorphique institutionnel

Suivant les mécanismes décrits plus haut, DiMaggio et Powell ont émis une série d'hypothèses concernant les facteurs influençant le changement isomorphique institutionnel. Leur objectif était de donner une utilité prédictive à leur théorie. Les hypothèses qui suivent sont détaillées dans l'article The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields.

Les prédicteurs au niveau organisationnel

  • Au plus une organisation est dĂ©pendante d’une autre, au plus elle tendra Ă  lui ressembler dans sa structure, son climat et ses comportements.
  • Au plus la centralisation de l’approvisionnement en ressources d’une organisation est grande, au plus cette organisation tendra Ă  ressembler aux organisations dont elle dĂ©pend.
  • Au plus la relation entre les fins et les moyens est incertaine, au plus l’organisation tendra Ă  ressembler aux autres organisations qui lui paraissent prospères.
  • Au plus les buts de l’organisation sont ambigus, au plus l’organisation tendra Ă  ressembler aux autres organisations qui lui paraissent prospères.
  • Au plus l’organisation fait appel Ă  des collaborateurs issus d’un cursus acadĂ©mique pour les fonctions dirigeantes, au plus l’organisation tendra Ă  ressembler aux autres organisations du mĂŞme champ.
  • Au plus les dirigeants d’organisations participent Ă  des associations professionnelles et commerciales, au plus l’organisation deviendra comme les autres organisations du mĂŞme champ.

Les prédicteurs au niveau du champ

  • Au plus un champ organisationnel est dĂ©pendant d’un seul (ou de plusieurs similaires) support pour ses ressources vitales, au plus le niveau d’isomorphisme sera Ă©levĂ©.
  • Au plus les organisations appartenant Ă  un champ effectuent des transactions avec des agences Ă©tatiques, au plus le champ organisationnel aura tendance Ă  ĂŞtre isomorphe.
  • Au moins il y a de modèles organisationnels alternatifs qui semblent possibles, au plus vite le champ organisationnel aura un taux Ă©levĂ© d’isomorphisme.
  • Au plus les technologies semblent incertaines et les buts ambigus, au plus grand sera le taux de changement isomorphique.
  • Au plus un champ est structurĂ©, au plus l’isomorphisme en son sein sera important.

Références

  1. Weber, M., Baehr, P., & Wells, G. (2002). The Protestant ethic and the“ spirit” of capitalism and other writings. Voir sur scholar.google.com.
  2. Barley, S. R., & Tolbert, P. S. (1997). « Institutionalization and Structuration : Studying the Links between Action and Institution ». Organization Studies, 18(1), 93–117.
  3. DiMaggio, Paul J. Powell, W. W. (1983). The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields. American Sociological Review, 48(2), 147–160.
  4. Meyer, J. W., & Rowan, B. (1977). Institutionalized Organizations : Formal Structure as Myth and Ceremony. American Journal of Sociology, 83(2), 340–363.
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