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Indicateurs d'attitude en lojban

En lojban, des mots spécialisés permettent d'exprimer l'attitude du locuteur par rapport à un terme ou à un énoncé.

D'une manière générale, les attitudes sont des sentiments, et échappent à une définition logique précise (qui serait la définition de l'attitude intellectualisée et réfléchie). Une attitude est « GrmpF », et par nature, cette expression primale du sentiment part des trippes et ne se laisse pas facilement capturer par le cerveau.

Généralités

En lojban, les indicateurs de base sont notés par des doubles voyelles (V'V) ou des diphtongues[1]. Les 25 paires de voyelles, 4 diphtongues standards et 10 diphtongues supplémentaires conduisent à 39 indicateurs différents.

L'indicateur est un commentaire émotionnel sur quelque chose : quand il est ajouté à un énoncé, il n'ajoute rien à sa signification objective, mais précise l'attitude du locuteur par rapport à « ça » (qui peut être un énoncé complet, un objet mentionné...). En toute rigueur, l'indicateur émotionnel ne devrait pas se traduire par des mots, mais par l'expression d'un sentiment. La « traduction » qui en est donnée est nécessairement approximative, c'est par exemple celle qui apparaîtrait dans une « bulle de pensée » dans une bande dessinée. Par exemple, là où mi benji do le ckana signifie « je te mets au lit » ; .ai mi benji do le ckana exprime la même chose mais précise de plus l'état émotionnel dans lequel c'est énoncé (c'est ma volonté), ce qui pourrait se rendre par « je te mets au lit (et essaye donc de m'en empêcher...) ».

Pour refléter cette indépendance entre l'indicateur d'attitude et l'assertion objective, la traduction des indicateurs est ici donnée sous forme de commentaires, qui peuvent être mis entre parenthèses et être détachés du texte. Inversement, la traduction d'une langue naturelle vers le lojban peut nécessiter de séparer ce qui traduit une attitude de ce qui est réellement exprimé littéralement. Par exemple, « celui-là va voir de quel bois je me chauffe » sera mieux traduit comme la superposition d'un contemplatif « celui-là » et d'une expression émotionnelle « .o'onai.aile'o » ([patience]-[terminé] ; [maintenant je veux]-[agressif]).

Indicateurs de base

cmavoAttitude
& sentiment
Sens positifabsence
-cu'i
Sens négatif
-nai
.a'aprêter attentionça attire mon attentionsans observationce n'est pas mon truc
.a'edynamismepartant pour çala routinemarre de ça
.a'ieffortc'est dursans effortça repose
.a'oespoirj'espère çac'est possibleje n'y crois pas
.a'uintérêtje me sens concernéça ne m'intéresse pasje ne veux pas en entendre parler
.aivolontéje veux çaj'hésitec'est contre ma volonté
.audésirje désire çaça ou autre choseça me dégoûte
.e'alicéitéc'est autoriséce n'est pas défenduc'est défendu
.e'ecompétencec'est dans mes cordesje vais bien y arriverça me dépasse
.e'ifatalitéc'est fatalc'est sans rapportc'est mon défi
.e'osouhaitc'est mon souhaitça ou autre chosece n'est pas ce que je souhaite
.e'usuggestionc'est ma suggestionc'est une possibilitéje déconseille
.eiobligationc'est mon devoirje n'y suis pas obligéje ne dois pas
.i'aacceptabilitéc'est biensans commentairec'est inadmissible
.i'eapprobationc'est d'accordj'en prend actenon, pas ça
.i'icohésion de groupeon est d'accord là-dessusc'est mon avisça ne regarde que moi
.i'oappréciationj'en suis contentça m'est égalça me met en rage
.i'ufamiliaritéça c'est mon domainej'ai déjà vu çac'est pour moi un mystère
.iacrédibilitéj'y croisj'ai des doutesje n'y crois pas
.ieconfiancec'est vraic'est envisageableça ne doit pas être ça
.iipeureffrayant !méfiancerien à craindre
.iorespectje le respecteça ne m'impressionne pasje le méprise
.iuattirancej'aimeça m'est indifférentje déteste
.o'afiertéj'en suis fierpas de quoi en faire un platj'en ai honte
.o'eappropriationc'est mon trucça m'est égalce n'est pas mon truc
.o'iprécautionil faut faire attentionon peut y alleradvienne que pourra !
.o'opatienceon y arriveraon se calmey'en a marre !
.o'udécontractionzen et coolcalmequelle angoisse !
.oipeineça me fait de la peineça vasuper !
.u'aapport, gainj'ai trouvé !ça ne donne rienoù ai-je mis ça ?
.u'eétonnementc'est bluffantça n'est pas malon voit ça tous les jours
.u'iamusementc'est drôleça me laisse froidc'est lassant
.u'ocouragehaut les cœurs !j'hésiteplanquons-nous !
.u'uremordsje regrettec'est comme çaça ne me concerne pas
.uaidées clairesvoilà bien sûr !j'y réfléchisng ? que ? quoi ?
.uesurprisec'est inattenduça arrivec'est couru d'avance
.uisatisfactionc'est super !c'est la routineah zut !
.uoachèvementenfin !on progresseon n'est pas rendu !
.uupitiépauvre chère chosec'est la viebien fait !

Modificateur d'intensité

Les indicateurs peuvent être plus ou moins intense, sur une échelle aussi bien positive que négative. Partant par exemple de .ei (je dois) on aura ainsi (noter que les suffixes ne sont pas toujours des abréviations) :

suffixeexempleTraductionMot hameçon
400%-cai.ei,caij'ai l'obligation de ; obligation ou contrainte formelle impérativecarmi, être intense
200%-sai.ei,saije dois ; obligation forte sans être une contraintetsali, être fort
100%-∅.eiil faut que ; obligation non spécifique-
50%-ru'e.ei,ru'eje pourrais ; question de possibilité, de permission ou de désirruble, faible
0%-cu'i.ei,cu'ije n'ai pas besoin, absence d'obligationcumki, possible, neutre
-50%-nairu'e.ei,nai,ru'eje pourrais ne pasnai + ru'e
-100%-nai.ei,naiil ne faut pas que jenai en négation
-200%-naisai.ei,nai,saije ne dois pasnai + sai
-400%-naicai.ei,nai,caij'ai l'interdiction denai + cai
  • Les pourcentages sont donnés à titre d'illustration, par rapport au sentiment de base, et ne prétendent à aucune objectivité mesurable.
  • Les « hameçons » sont des moyens mnémotechniques, mais les suffixes ne constituent pas nécessairement des abréviations (gismu) de ces termes (gismu).

Le mot pei sert de point d'interrogation sur les indicateurs d'attitudes[2]. Seul, c'est l'équivalent de « comment ça va? ». Utilisé devant un indicateur, il demande à l'interlocuteur quel est son degré de sentiment sur l'échelle correspondante, par exemple .uapei pour « as-tu l'impression de comprendre? ».

Il est possible inversement d'utiliser l'indicateur ge'e, qui indique explicitement que l'on ne veut pas donner d'indication sur le degré atteint par le sentiment[3]. Par exemple, .iige'e peut se rendre par « tu ne sauras jamais si je suis effrayé ».

Catégories

Les émotions peuvent être spécifiées en précisant la catégorie à laquelle elles s'appliquent :

SuffixePrécisionAbsence -cu'iContraire -naiExemple .oi
ro'asocialsolitaire, asocialantisocial.oiro'a mal intégré socialement
ro'emental, intellectuelirréfléchistupide.oiro'e c'est compliqué
ro'iémotionnel, passionnelimpassibleapathique.oiro'i pas dans son assiette
ro'ophysiquenon concrétiséimmatériel.oiro'o mal quelque part
ro'usexuelchasteprude.oiro'u pas ce soir
re'espirituelmondainsacrilège.oire'e moralement problématique
ga'ide haut rangégalitaireinférieur, humble.oiga'i lèse-majesté
le'oagressifpassifdéfensif.oile'o soif de vengeance
vu'evertueuxsans incidence moraledébauche, criminel.oivu'e douleur salutaire
se'itourné vers soiobjectiftourné vers les autres.oise'i macération, apitoiement
ri'erelâché, libredisputécontrôlé.oiri'e pénétré de douleur
fu'ifacilement, aidésans aidedifficilement.oifu'i douleur justifiée
be'umanqueprésencesatiété.oibe'u hébété
se'aauto-suffisancedépendance.oise'a fardeau lourd à porter

Expression d'émotions complexes

À partir d'un indicateur de base, l'expression d'une émotion peut être précisée par un modificateur d'intensité, et peut être spécifiée par une catégorie, qui peut elle-même être qualifiée par un modificateur d'intensité. De plus, chacun des éléments peut être suffixé par nai pour indiquer son contraire (nai exprime la négation du terme immédiatement précédent)[4]. Chaque modificateur ou catégorie modifie le premier indicateur situé à sa droite. Il est possible d'omettre chacun de ces éléments, y compris l'indicateur de base, qui peut être remplacé par ge'e pour indiquer une émotion non spécifiée.

Par exemple, .ie,ru'e signifie que l'on se sent plutôt confiant, mais .ie,ge'e,ru'e signifie que l'on a bien confiance (.ie) et en même temps qu'il y a un faible sentiment (ru'e) que le locuteur a également en tête mais ne précise pas (.gee), l'équivalent de « je te suis, mais... »

L'expression d'émotions complexes se fait en superposant des émotions élémentaires. L'état émotionnel est donc considéré comme un vecteur dans un espace d'une quarantaine de dimension, mais seules sont mentionnées les émotions que l'on veut préciser[5]. Par exemple, .iu.uinai signifie qu'on est à la fois attiré (.iu) et insatisfait (.uinai), ce que peut ressentir par exemple quelqu'un qui est malheureux en amour.

Il s'agit d'une superposition de sentiments : l'ordre dans lequel ces deux sentiments sont exprimés est indifférent, et il ne faut pas rechercher dans une combinaison l'expression d'une idée de subordination, ou de qualification d'un des termes par l'autre. Contrairement au cas des mots composés, il ne faut pas comprendre ici que le sentiment est un « chagrin d'amour » ou un « amour insatisfaisant » ou une « insatisfaction plaisante », mais simplement la superposition des deux, attiré et frustré.

Les sentiments sont par eux-mêmes vagues et très elliptiques. Suivant le contexte, quelqu'un qui se dit .iu.uinai n'est pas nécessairement amoureux (.iuro'u.uinai), ce peut être un logicien peinant à trouver la solution d'une énigme (.iuro'e.uinai).

Dialogues sur les sentiments

Le mot pei sert de point d'interrogation sur les indicateurs d'attitudes[2] Seul, c'est l'équivalent de « comment ça va? ». Utilisé devant un indicateur, il demande à l'interlocuteur quel est son degré de sentiment sur l'échelle correspondante, par exemple .uapei pour « as-tu l'impression de comprendre? ». Enfin, placé devant un indicateur éventuellement quantifié, il demande à son interlocuteur si cette expression traduit son sentiment : pei.o'u « te sens-tu décontracté? »

Le mot dai est un marqueur d'empathie, pour traduire que le sentiment évoqué s'applique non pas au locuteur mais à l'objet auquel il se rattache. Par exemple, .oiro'odai peut se traduire par « il a du avoir mal! »

Le mot bu'o indique que l'émotion évoquée est naissante. Il donne bu'ocu'i pour indiquer que l'on continue à ressentir cette émotion, et bu'onai pour indiquer que l'émotion correspondante a cessé.

Notes et références

Liens internes

Aspects spécialisés :

Références

  1. Pour l'ensemble des indicateurs, voir The Lojban Reference Grammar, Chapter 13 - Oooh! Arrgh! Ugh! Yecch! Attitudinal and Emotional Indicators. Ce chapitre comporte quelques incohérences manifestes, dans la mesure du possible elles ont été corrigées dans le présent exposé.
  2. The Lojban Reference Grammar, §13.10 : Attitude questions; empathy; attitude contours.
  3. The Lojban Reference Grammar, §13.13 :Miscellaneous indicators.
  4. The Lojban Reference Grammar, §13.8 : Compound indicators.
  5. The Lojban Reference Grammar, §13.5 : The space of emotions.
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