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Gouvernement Cánovas (5)

Le cinquième gouvernement Cánovas del Castillo est le gouvernement du royaume d'Espagne en fonction du au [1].

Histoire

Antonio Cánovas del Castillo, leader du Parti conservateur et artisan du régime politique de la Restauration, aussi dit « canoviste ».

Après l’approbation du suffrage universel masculin, point phare du programme libĂ©ral, Sagasta cĂ©da le pas Ă  Cánovas qui forma son cinquième gouvernement en juillet 1890, quelques jours seulement après le vote de la loi aux Cortès. Le motif premier du changement fut apparemment la menace adressĂ©e Ă  Sagasta par Francisco Romero Robledo de rendre publics certains documents sur la concession d’une ligne de chemin de fer Ă  Cuba qui impliquaient son Ă©pouse — « un potentat cubain paya plus de 40 000 pesetas or pour les documents que, des mois plus tard, Moret dĂ©truisit » —. Un autre scandale qui pesa pour le changement au gouvernement fut celui qui entoura la prison Modelo de Madrid (es) — entre les mains des libĂ©raux, comme le conseil municipal de la capitale —, rĂ©vĂ©lĂ© Ă  la suite des enquĂŞtes sur le crime de la rue Fuencarral (es), que les prisonniers entraient et sortaient librement de l’établissement[2].

Le nouveau gouvernement ne modifia pas les rĂ©formes introduites par les libĂ©raux, comme le confirma le message de la rĂ©gente lors de l’inauguration des Cortès Ă©lues en 1891 : « Le gouvernement n’a pas l’intention de prĂ©senter Ă  vote examen aucune restriction des rĂ©formes politiques et juridiques qui, menĂ©es Ă  terme dans les premiers jours de la RĂ©gence, constituent un Ă©tat lĂ©gal digne de respect »[2]. C’est ainsi que fut scellĂ©e une condition fondamentale du système politique de la Restauration : les avancĂ©es libĂ©rales Ă©taient respectĂ©es par les conservateur, si bien que « le rĂ©gime se consolidait Ă  partir d’un Ă©quilibre entre la conservation et le progrès »[3]. C’est ainsi que le gouvernement Cánovas fut celui qui organisa les premières Ă©lections au suffrage universel cĂ©lĂ©brĂ©es en fĂ©vrier 1891, au cours desquelles la machinerie de la fraude fonctionna Ă  nouveau, les conservateurs obtenant une large majoritĂ© au Congrès des dĂ©putĂ©s (253 sièges, face Ă  74 pour les libĂ©raux, et 31 pour les rĂ©publicains)[4]. Cánovas avait dĂ©jĂ  exprimĂ© ne pas craindre la « gestion pratique » (« manejo práctico ») du suffrage universel, en dĂ©pit de l’augmentation considĂ©rable du nombre de votants, passant de 800 000 Ă  4 800 000[5].

El albañil herido ou Los últimos sacramentos (« Le Maçon blessé » ou « Les Derniers Sacrements », 1890), de Rafael Romero de Torres. Ce tableau montre à voir la manière d’aborder les problèmes sociaux de la part de secteurs idéologiques opposés à l’intervention de l'État qui fut notamment dénoncée par le président du gouvernement Antonio Cánovas del Castillo.

Le gouvernement Cánovas annonça qu’une fois conclues les réformes politiques et juridiques il souhaitait donner priorité aux questions économiques et sociales « en développant un régime de protection efficace à toutes les branches du travail », avec une attention particulière à « tout ce qui concerne les intérêts de la classe travailleuse ». Sur ce dernier point, les réformes furent néanmoins largement obstruées par l'opposition aux tentatives d’approuver les premières lois sociales, y compris dans les rangs du Parti conservateur lui-même[6]. Par exemple, le député Alberto Bosch y Fustegueras, de la faction dirigée par Romero Robledo, se manifesta contre la limitation des heures de travail des femmes et enfants avec l’argument suivant[7] :

« Limiter le travail est la plus odieuse et la plus étrange des tyrannies ; limiter le travail de l’enfant est entraver l’éducation technologique et l’apprentissage ; limiter le travail des femmes […] est même empêcher que la mère fasse le plus beau des sacrifices […] le sacrifice indispensable dans certains cas pour maintenir le foyer de la famille. »

Lorsqu’à la fin de 1890 le chef du gouvernement Cánovas parla à l'athénée de Madrid de la nécessité de l'intervention de l'État pour résoudre la question sociale en alléguant de l’insuffisance des attitudes morales — la charité du riche et la résignation du pauvre —, le penseur catholique traditionaliste Juan Manuel Ortí y Lara l’accusa de « tomber dans le gouffre du socialisme, en violant les principes de la justice, qui consacrent le droit de la propriété », louant par la suite « l’office de la mendicité, [qui] ne répugne pas à la religion ; au contraire, la religion l'a sanctionné […] et l’ennoblit. […] Le spectacle de la mendicité [développe] l’esprit chrétien »[8].

La mesure la plus importante prise par le gouvernement fut le dénommé Arancel Cánovas de 1891, nouveau tarif douanier qui dérogea celui libre-échangiste mis en place par Laureano Figuerola de 1869 et établit de fortes mesures protectionnistes pour l'économie espagnole, qui furent complétées avec l'approbation l’année suivante de la loi des relations commerciales avec les Antilles (es). Le gouvernement satisfaisait ainsi les demandes de certains secteurs économiques — essentiellement l'agriculture céréalière castillane et le textile catalan — tout en se situant dans la lignée avec la tendance internationale de cette époque[9]. Cánovas justifia l’abandon du libre-échange dans un opuscule intitulé De cómo he venido yo a ser doctrinalmente proteccionista (« De comment je suis devenu doctrinairement protectionniste »), en avançant davantage des motifs nationalistes espagnoles que des raisons économiques[8].

En 1891 la Lliga de Catalunya proposa la formation de l'Unió Catalanista, qui obtint immédiatement le soutien des entités et de la presse catalanistes, ainsi que de particuliers — à différence de ce qui était survenu quatre ans plus tôt avec l'échec du Gran Consell Regional Català proposé par Bernat Torroja, président de l'Associació Catalanista de Reus, qui avait eu des prétentions similaires —. L’Unió célébra sa première assemblée à Manresa en mars 1892, à laquelle assistèrent 250 délégués en représentation d’environ 160 localités et où furent approuvées les Bases per a la Constitució Regional Catalana (« Bases pour la Constitution régionale catalane »), plus connues comme les Bases de Manresa et souvent considérées comme l’« acte de naissance du catalanisme politique », du moins dans son versant conservateur[10].

Notes et références

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • (es) Carlos DardĂ©, La RestauraciĂłn, 1875-1902 : Alfonso XII y la regencia de MarĂ­a Cristina, Madrid, Historia 16, coll. « Temas de Hoy », (ISBN 84-7679-317-0). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (es) JosĂ© Luis de la Granja (en), Justo Beramendi (es) et Pere Anguera (es), La España de los nacionalismos y las autonomĂ­as, Madrid, SĂ­ntesis, (ISBN 84-7738-918-7). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (es) Manuel Suárez Cortina, La España Liberal (1868-1917) : PolĂ­tica y sociedad, Madrid, SĂ­ntesis, (ISBN 84-9756-415-4). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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