Finale Scouppe
La finale Scouppe est une fin de partie stratégique du jeu de dames dont le mécanisme gagnant fut découvert en 1927[1] par le joueur lilois Paul Scouppe, notablement capable de jouer à l'aveugle[2].
La position-clé est importante à connaître car elle peut être amenée assez souvent en fin de partie[3].
L'enjeu est de faire franchir à un de ses pions la grande diagonale, contrôlée par la dame adverse, en vue d'obtenir une troisième dame, indispensable ici pour gagner.
Contexte de la finale Scouppe
En fin de partie, si les joueurs parviennent à damer, le contrôle par une dame de la ligne oblique allant de 5 à 46 est souvent déterminant, dès lors qu'il empêche l'adversaire d'amener à dame d'autres pions. Contrairement aux autres coulisses, il est en effet difficile de déloger une dame de cette diagonale. Pour cela, il faut disposer d'au moins quatre pièces, mettre généralement en place un crochet et menacer de prendre la dame en sacrifiant trois pièces. La dame doit alors laisser le contrôle de la grande diagonale à son adversaire qui, avec quatre dames, peut ensuite gagner facilement.
Dans les explications ci-dessous, il va de soit que la couleur des pièces peut être inversée.
Quand en plus d'une dame sur la grande ligne, les Noirs possèdent un pion à 36, il est nécessaire pour gagner d'avoir deux dames, d'avoir aussi un pion à 47, et il faut que son dernier pion soit en dehors du triangle formé des cases 15, 24 et 35[4].
Pour les finales de ce genre avec le second pion blanc sur une des cases 33, 34, 38, 39 ou 42, les positions-clés permettant de déloger la dame adverse étaient connues depuis le XVIIIe siècle. Mais la position avec le pion blanc avancé en 29 était considérée comme nulle avant la découverte de Scouppe et ce durant plus d'un siècle[5].
La finale Scouppe
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Le pion blanc est à 29 X : Autre case possible pour la dame à 50 |
Notation | Signification |
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50-45 | Coup des Blancs |
(5x46) | Prise des Noirs |
* | Coup forcé |
! | Coup fort |
B+ | Gain des Blancs |
Dans cette position-clé, que les Blancs ont construit, (voir diagramme n°1) les Noirs vont être contraints de quitter la grande diagonale sous peine de perdre rapidement après 47-42 !
Sur la grande diagonale, les Noirs ne sont en sécurité que sur la case 14 car ils menacent d’annuler, si les Blancs jouent trop tôt 47-42, par (14-3)! 50-28A (36-41) 28x46 (3-20) etc. Et sur la variante A.47-42 (3-26) partie nulle également.
Si les Blancs ont le trait, ils disposent heureusement du coup d'attente 50-6, qui conserve les menaces combinatoires décrites ci-après[6] - [7].
C'est alors aux Noirs de jouer. S'ils persistent à rester sur la grande diagonale, ils ne peuvent qu'aller sur les cases 5, 10 ou 19, sans quoi ils se feraient piéger par le simple crochet 28 (x34) 45x29 B+
Les Blancs jouent alors 47-42! ce qui active un imparable crochet.
- La dame placée en 5, s'y fait prendre après (5-10...) 42-37 (x46) 28 (46x34) 45x23 B+
- La dame placée en 10 peut s'échapper par (10-4) mais 42-37! (4-15)* 29-23 etc. B+
- Elle peut aussi attaquer directement le pion 29 par (10-15), mais suit 33* (15-4)A 42-37! etc. B+ ou bien A.(36-41) 42-37 (41x32) 33-47 (15x33) 47x29 B+
- La dame placée en 19 peut habilement manœuvrer par (19-8) 28* mais l'attaque (8-26) échoue après 28-17 en raison de la prise majoritaire (26x34) 45x23 B+
Enfin, toujours après 47-42, si plutôt que de jouer la dame, les Noirs jouent (36-41), les Blancs gagnent en mettant en place une butée : 42-37 (41x32) 29-23 (x28) x B+
Ou plus rapidement, si la dame noire est en l'air : 42-37 (41x32) puis 28 (32x34) et prise par la dame blanche depuis la case 45 B+
Ainsi, dans la position dite « Scouppe », les Noirs ne peuvent pas se maintenir longtemps sur la grande diagonale ce qui permet aux Blancs de s'en emparer.
Ces derniers gagnent ensuite aisément en amenant un ou deux pions blancs à dame.
Positions-clés avec le pion blanc en deçà de 29
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X : Autre case possible pour la dame à 12 |
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X : Autre case possible pour la dame à 12 |
Dans la même famille de positions, il existe d'autres positions-clés avec le second pion blanc cette fois à 38, à 39, à 33[8] ou à 34. Ces finales sont connues depuis le XVIIIe siècle.
En premier lieu, elles ont toutes recours au principe du crochet avec rappel.
De plus, dès que la dame noire est en l'air sur la grande diagonale, ces finales utilisent toutes le fait qu'en offrant le pion 47, il ne peut pas être pris par le pion noir car alors la seconde dame noire, résultant de cette prise, serait utilisée dans le crochet pour capturer la première dame noire.
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X : Autres cases possibles pour la dame à 50 |
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X : Autres cases possibles pour la dame à 49 |
Ainsi la dame noire ne semble en sécurité que sur la case 5. Mais les Blancs disposent de mouvements d'attente, aux cases marquées d'une croix sur les diagrammes ci-contre.
La dame noire, contrainte de quitter la case 5, s'expose fatalement aux combinaisons.
C'est pourquoi, dans ces positions-clés, la dame noire ne peut pas aller à 5 mais doit quitter immédiatement la grande diagonale, laissant aux Blancs l'opportunité de l'occuper puis de gagner avec quatre dames.
Positions-clés avec le pion blanc au delà de 29
Si le pion blanc se trouve dans le triangle formé des cases 35, 24 et 15 la position est assurément nulle. Il existe cependant deux positions-clés utiles à connaître pour piéger l'adversaire. Pour tenter d'obtenir ces positions gagnantes il faut souvent parvenir à inverser le trait.
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La première est celle décrite en 1921 par Marcel Bonnard[9] dans laquelle la dame noire sur la grande diagonale est menacée quand elle est en l'air par le coup direct 27-31 (36x27) 16x B+ et par un simple crochet quand elle est à 5.
Si les Noirs souhaitent garder le contrôle, ils seront obligés d'occuper tour à tour les deux seules cases sûres 37 et 46.
Ainsi, si le trait est aux Noirs, la dame noire est de nouveau à 37 lorsque le pion blanc atteint la bande à la case 15.
L'occupation de la case 46 est désormais interdite car suivrait 47-41 (46x21) 16x32 B+
Le dame noire doit donc céder le contrôle de la grande diagonale, laissant aux Blancs la possibilité de gagner en damant avec le pion 15.
Si dans la position de départ le trait est aux Blancs, la positon est nulle.
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X : Autres cases possibles pour la dame à 3 |
La seconde finale est celle qu'Antonio de Torquemada a décrite en 1547 sur un damier de 64 cases[10] - [11].
Les Noirs ayant commis l'erreur de venir à 46, les Blancs jouent 47-42!
Si les Noirs jouent leur pion (36-41) les Blancs gagnent par 49-32! (41-47)* 32-5 (47x) 3-14 (46x10) 5x B+
Si les Noirs sortent leur dame, les Blancs viennent par 42-38 former un imparable crochet, forçant les Noirs à quitter la grande diagonale. Les Blancs jouent dès lors 3-14 pour s'en emparer.
Si en quittant la grande ligne, les Noirs attaquent le pion venu à 38, la suite gagnante est 3-20 (x47) 49-38 (47x33) 20x47 B+
Remarque : Les Noirs perdent de la même façon si leur dame est à 41 dans la position initiale.
Bibliographie
- « Chapitre 2 : Les fins de parties gagnantes avec dames », sur www.ffjd.fr, .
- Jean-Pierre Dubois et Jean-François Latapie, « Jeu de dames », sur allonsadame.pagesperso-orange.fr
- Marcel Bonnard, Le jeu de dames, vol. 115-116, n° spécial, 1930-1931 (lire en ligne).
- Tjalling Goedmoed (trad. Dominique Thiney, Serge Minaux), « Cours de jeu de dames », sur www.fmjd.org, , p. 168.
- (nl) Gerrit de Winkel, Dammen van A tot Z, Bennekom, , 116 p. (ISBN 90-9003888-4).
- (ru) Malamed V.R. et Barsky Yu.P., Курс шашечных окончаний : Международные и русские шашки [« Cours de finales sur damier. Dames internationales et russes. »], Moscou, , 464 p. (ISBN 5-278-00169-0).
Notes et références
- Allonsadame, « Dans le numéro 77-78 (mai-juin 1927) de la revue "Bonnard", Paul Scouppe [...] ».
- Bonnard, pages 13 et 14 sur le document en ligne, p. 1323.
- Serge Minaux, La finale Scouppe, décembre 2002, pages 166-168 in Tjalling Goedmoed (trad. Dominique Thiney, Serge Minaux), « Cours de jeu de dames », sur www.fmjd.org, , p. 168
- FFJD, « Deux dames blanches sont nécessaires pour gagner cette fin de partie, mais il faut aussi que le pion 29 n’ait pas dépassé la ligne du tric-trac (avec le pion 29 à 24, la position ne gagne plus). ».
- Allonsadame, « Les fins de partie dans lesquelles on retrouve un pion blanc à 47 opposé à un pion noir à 36, sont connues depuis le 18e siècle. ».
- Курс, « N°324 П. Скупп », p. 360.
- Winkel, « SCOUPPE EINDSPEL », p. 82-83.
- Курс, « N°322 », p. 359.
- Курс, « N°323 М. Боннар 1921 », p. 359-360.
- Winkel, « TORQUEMADA EINDSPEL », p. 95.
- Курс, « N°326 А. Торквемада 1547 », p. 360-361.