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Dynastie Chikulamayembe

La dynastie Chikulamayembe est une dynastie de chefs établie parmi le peuple Tumbuka dans la région de Nkhamanga-Henga, au nord du Malawi. Les Chikulamayembe ont d'abord régné à partir de 1805 environ, puis se sont affaiblis à partir des années 1830 et ont perdu le pouvoir dans les années 1870. Leur dynastie a été rétablie en 1907.

Walter Gondwe, Chikulamayembe de 1977 Ă  2018, avec son Ă©pouse, Ă  Bolero, Rumphi, Malawi.

Origine

Peuple Tumbuka

Les Tumbuka sont probablement arrivĂ©s dans la zone comprise entre la rivière Luangwa et le nord du lac Malawi au XVe siècle. Au dĂ©but du XVIIIe siècle, de nombreux groupes sont prĂ©sents, cultivant le mil et Ă©levant des chèvres et des moutons. Ils sont rĂ©partis de manière dispersĂ©e sur le plateau qui surmonte la Luangwa et le lac Malawi, formant de petites communautĂ©s autonomes dĂ©pourvues d'organisation centralisĂ©e. Un groupe, nommĂ© « Henga Â», occupe la vallĂ©e de la Henga au nord de Rumphi (en) ; un autre groupe, celui des « Phoka Â», vit au sud du plateau de Nyika[1]. Ils ont Ă  leur tĂŞte des chefs locaux qui n'ont qu'une autoritĂ© limitĂ©e[2] - [3].

Arrivée de Mlowoka

Au XVIIIe siècle, il y a de nombreux Ă©lĂ©phants dans la vallĂ©e de la Luangwa, les plaines au sud du plateau de Nyika et la vallĂ©e de la Henga. La demande d'ivoire de la part des EuropĂ©ens amène une expansion de son commerce en Afrique orientale et centrale, commerce financĂ© par des marchands basĂ©s Ă  Kilwa Kisiwani et Zanzibar. Au milieu du siècle, des commerçants « vĂŞtus comme des arabes Â», mais qui viennent de Unyamwezi (en), situĂ©e dans ce qui est aujourd'hui la Tanzanie, pratiquent le trafic d'ivoire jusque dans la vallĂ©e de la Luangwa[4]. Un de ces groupes de commerçants — commerçants qui sont aussi, Ă  l'occasion, des chasseurs d'Ă©lĂ©phants —, dirigĂ© par un nommĂ© Mlowoka Gondwe — ce qui signifie « celui qui a traversĂ© (le lac) Â» — arrive, Ă  la recherche d'ivoire parmi une population pour qui elle n'a qu'une faible valeur[2]. Mlowoka est supposĂ© avoir dĂ©barquĂ© Ă  Chilumba, port sur le lac, puis s'ĂŞtre enfoncĂ© Ă  l'intĂ©rieur des terres du plateau de Nyika[5]. Il n'est pas certain que ces commerçants aient eu pour intention de s'installer, mais leur contrĂ´le du commerce d'ivoire leur donne un pouvoir Ă©conomique ; ils forment des alliances par mariages avec les familles des chefs Henga, afin de sĂ©curiser leur commerce. Afin de s'assurer le monopole du commerce de l'ivoire, Mlowaka installe donc des hommes Ă  sa solde dans les zones riches en Ă©lĂ©phants, parmi les Henga et les Phoka. Les gens de Mlowoka, qu'on appelle collectivement « Balowoka Â» (« ceux qui ont traversĂ© les eaux Â»)[6], se mĂ©langent ainsi aux Henga et Phoka, Ă  tel point qu'il devient impossible de les distinguer en tant que groupe ethnique distinct ; des noms des clans issus de Mlowoka ont cependant survĂ©cu, comme celui de « Gondwe Â»[7].

Dynastie du XIXe siècle

Un fils de Mlowoka, Gonapamuhanya, qui est aussi, du cĂ´tĂ© de sa mère, un neveu d'un chef Tumbuka, devient un chef important, « chef suprĂŞme Â» ou « roi Â», de la rĂ©gion Ă  l'ouest et au sud du plateau de Nyika vers 1805 et il fonde la dynastie Chikulamayembe[8] - [7]. Il n'exerce cependant qu'une autoritĂ© limitĂ©e sur une fĂ©dĂ©ration de petites chefferies et il contrĂ´le moins un territoire qu'une route, celle du commerce de l'ivoire ; les chefferies ultĂ©rieures, mĂŞme celles Ă©tablies par les compagnons de Mlowoka venus d'Unyamwezi, sont pratiquement indĂ©pendantes. Dans les annĂ©es 1830, cette dynastie Chikulamayembe dĂ©cline car les commerçants Swahilis, qui trafiquent les esclaves et l'ivoire entrent dans la rĂ©gion et prennent le contrĂ´le du rĂ©seau commercial, conduisant la rĂ©gion Ă  un Ă©tat de dĂ©sorganisation politique. La dynastie disparaĂ®t entre 1860 et 1870 du fait des invasions Ngoni[6] - [9]. Les populations concernĂ©es, de ce qu'on appelle parfois « l'État Chikulamayembe Â»[10], fuient, sont rĂ©duites en servage ou enrĂ´lĂ©es dans les rĂ©giments Ngoni[11].

Renaissance

Choisir un themba

Les Ngoni du nord passent sous souveraineté britannique en 1904 et les Tumbuka cessent d'être un peuple vassal des Ngoni et reviennent vers les endroits qu'ils avaient fui. Les missionnaires européens trouvent les Tumbuka prêts à accepter l'éducation occidentale, et ils soutiennent la revendication tumbuka d'avoir un chef pour leur propre compte. La revendication des Chikulamayembe de gouverner une grande chefferie est formulée par écrit par Saulos Nyirenda[note 1] en 1904 ; le texte est traduit en 1931 par un missionnaire, qui exagère grandement le pouvoir des Chikulamayembe du XIXe siècle. Cette version de l'histoire tumbuka est acceptée par les autorités coloniales[13].

Plusieurs postulants veulent devenir « chef suprĂŞme Â», ils sont tous descendants de Gonapamuhanya ; l'administration coloniale choisit Mbawuwo Mgonanjerwa Gondwe, un chef occidentalisĂ© et lui accorde le titre de « themba Â» (chef) Chikulamayembe en 1907. Cela fait de lui le dirigeant suprĂŞme du peuple Tumbuka, les autres « chefs Â» lui Ă©tant subordonnĂ©s[14].

Pouvoirs du themba

Au dĂ©but, le rĂ´le du themba est largement honorifique mais, en 1913, on lui attribue un rĂ´le d'assistance auprès du commissaire de district, le reprĂ©sentant de l'administration coloniale. Dans les annĂ©es 1920, l'administration britannique favorise l'indirect rule, qui consiste Ă  s'appuyer sur les chefs locaux ; dans ce cadre, elle propose de diviser le nord de ce qui est aujourd'hui le Malawi en trois districts, chacun abritant un groupe ethnique prĂ©dominant, et disposant d'un chef suprĂŞme. Lorsque la loi sur les Native Authorities est promulguĂ©e en 1933, le themba Chikulamayembe devient l'autoritĂ© locale du « Tumbukaland Â», dotĂ© de son propre budget. Les Native Courts (« cours de justice autochtones ») sont instituĂ©es la mĂŞme annĂ©e, donnant Ă  la juridiction d'appel du themba compĂ©tence sur les affaires de ses chefs subordonnĂ©s[15].

Le premier themba meurt en 1931, son fils Ziwange lui succède (on l'appelle John Hardy Gondwe), qui gouverne de 1932 jusqu'à sa mort en 1977 ; son fils, Walter Gondwe, lui succède[16]. À la fin du mois de ce dernier décède, son fils, Mtima Walter Gondwe, lui succède en tant que themba[17].

Notes et références


Notes

  1. Saulos Nyirenda est un citoyen Ă©duquĂ© par les missionnaires, qu'on appellera plus tard le « père de l'histoire Â» tubumka[12].

Références

  1. Douglas 1950, p. 52–53.
  2. Morris 2006, p. 11.
  3. Chondoka et Bota 2015.
  4. McCracken 2012, p. 22, 26.
  5. Chirembo 1993, p. 4.
  6. McCracken 2012, p. 22.
  7. Kalinga 2012, p. 4-5.
  8. Chirembo 1993, p. 5–6.
  9. Morris 2006, p. 12.
  10. Britannica.
  11. Thompson 1981, p. 19–22.
  12. Vail 1991, p. 155.
  13. Vail 1972, p. 158–163.
  14. Chirembo 1993, p. 8–10.
  15. Chirembo 1993, p. 13–14.
  16. Chirembo 1993, p. 15.
  17. (en) Robert Ngwira, « Mtima Walter Gondwe installed as Paramount Chief Chikulamayembe », Face of Malawi,‎ (lire en ligne).

Bibliographie

  • (en) Y. A. Chondoka et F. T. Bota, The History of the Tumbuka 1400 – 1900, XLibris Corporation, (ISBN 978-1-4990-9627-9) — Auto-publication
  • (en) Owen J. M. Kalinga, Historical Dictionary of Malawi, Rowman & Littlefield, .
  • (en) J. McCracken, A History of Malawi, 1859–1966, Woodbridge, James Currey, (ISBN 978-1-84701-050-6).
  • (en) B. Morris, « The Ivory Trade and Chiefdoms in Pre-Colonial Malawi », The Society of Malawi Journal, vol. 59, no 2,‎ , p. 6–23.
  • (en) S. B. Chirembo, « Colonialism and the Remaking of the Chikulamayembe Dynasty 1904 – 1953 », The Society of Malawi Journal, vol. 46, no 2,‎ , p. 1–14 (JSTOR 29778687).
  • (en) Leroy Vail, The Creation of Tribalism in Southern Africa, University of California Press, .
  • (en) T. J. Thompson, « The Origins, Migration and Settlement of The Northern Ngoni », The Society of Malawi Journal, vol. 34, no 1,‎ , p. 6–35.
  • (en) H. L. Vail, « Suggestions Towards a Re-Interpreted Tumbuka History », dans B. Pachai (Ă©d.), The Early History of Malawi, Londres, Longman, .
  • (en) M. Douglas, Peoples of the Lake Nyasa Region: East Central Africa, Part 1, Londres, International African Institute, .
  • (en) « Malawi. History. Early History », Encyclopædia Britannica online.
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