Dorothéa Shultz Schultz
DorothĂ©a Shultz â Schultz, selon les sources â (nom dâĂ©pouse), nĂ©e Kwachniewska, est une auteure de langue allemande, polonaise, anglaise et française. Certaines sources situent sa naissance en 1940[1] Ă Cracovie, en Pologne, dâautres en 1890[2] Ă Berlin, en Allemagne. Ces Ă©carts de date et de lieu constituent la lĂ©gende de lâĂ©crivaine. Ă lâimage de ses personnages de fiction, elle brouille les pistes. Il ne faut pas oublier quâelle a fui le nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale. De plus, une note de sa mĂšre mentionnant un mystĂšre au sujet de sa naissance, a Ă©tĂ© retrouvĂ©e : « Mon cĆur est ma fille ; pendant que je me rĂšgle sur les Ă©toiles, il se rĂšgle sur la Lune et la douleur, qui attend au bout de toutes les vitesses[1]⊠»
DorothĂ©a Schultz aurait voyagĂ© dans toute lâEurope, et en IsraĂ«l, pour finalement sâinstaller aux Ătats-Unis[1] ; les biographes parviennent difficilement Ă rassembler des documents fiables.
Biographie
DâaprĂšs lâĂ©diteur français de DorothĂ©a Shultz, RĂ©ma Edition[1], elle aurait dĂ©couvert la psychanalyse auprĂšs de Sigmund Freud. Cette information semble imprĂ©cise. Il apparaĂźtrait plus Ă©vident quâelle ait lu les Ă©crits de Sigmund Freud dans le cadre de ses Ă©tudes universitaires, quâelle aurait suivi plus vraisemblablement dans les annĂ©es 1960, si on se fie au Dictionnaire khazar[2] qui cite ses sources. Il prĂ©cise quâelle a fait des Ă©tudes Ă lâUniversitĂ© de Jagellon Ă Cracovie et Ă Yale aux Ătats-Unis, obtenant le grade de docteur Ăšs sciences.
LâĂ©diteur français, confirme le diplĂŽme de mĂ©decine et mentionne Ă©galement des Ă©tudes dâastrologie, DorothĂ©a Ă©tant « attirĂ©e par un courant mystique »[2]. Elle aurait mĂȘme inventĂ© un genre littĂ©raire « la psychanalyse romancĂ©e », mais aucun document ne lâatteste et il apparaĂźt difficile dâanalyser ses romans dans cette optique, ceux-ci sâapparentant davantage Ă des rĂ©cits d'aventure et des romances. Un dĂ©sir dâenfant lâaurait ensuite poussĂ©e Ă arrĂȘter lâĂ©criture. Aucune filiation biologique ou adoptive nâa Ă©tĂ© prouvĂ©e Ă ce jour[1]. Pour autant, Mathias Verger, dans « Le dictionnaire khazar : de la crise de lâoriginal Ă la crise de la langue originale », TRANS-, « Des copies originales : les traductions sans texte premier », n°21, 2017., souligne que « DorothĂ©a, signifi[e] Ă©tymologiquement 'cadeau de Dieu »', [et] est un prĂ©nom Ă©picĂšne. » (dĂ©signant aussi bien le mĂąle que la femelle), ce qui pourrait donner quelques indices sur les origines de lâauteure.
DorothĂ©a Shultz aurait Ă©crit une trentaine de romans. En France, on ne peut en lire quâun, difficilement accessible car le nombre dâexemplaires est limitĂ©[3].
LâĆuvre
Correspondance Dorothéa Schultz à Dorothéa Knachniewska
Milorad PaviÄ, le rigoureux auteur serbe, a rĂ©ussi Ă se procurer la correspondance de DorothĂ©a Schultz quâil a rassemblĂ©e dans Le Dictionnaire khazarpubliĂ© aux Ă©ditions Le Nouvel Attila, dans sa rĂ©Ă©dition de 2015[4]. Elle sâadressait ses lettres, Ă Cracovie, en Pologne (oĂč elle a vĂ©cu) Ă son nom de jeune fille, alors quâelle rĂ©sidait dĂ©jĂ aux Ătats-Unis, dâaprĂšs les Ă©lĂ©ments transmis par la logeuse qui rĂ©ceptionnait le courrier. Cette correspondance sâapparenterait Ă un journal et constitue un support peu fiable pour reconstituer lâhistoire de lâĂ©crivaine, sur un plan historique[1]. En revanche, on peut y lire la trace dâun rapport intime Ă lâĂ©criture et, dĂ©jĂ , un Ă©lan pour la fiction.
Voici un extrait de cette correspondance :
« Tel Aviv, le 21 août 1967
ChÚre petite Dorothéa,
Ici, jâai lâimpression de faire gras avec le pain dâautrui et de jeĂ»ner avec le mien. Pendant que je tâĂ©cris ces lignes je sais que tu es dĂ©jĂ devenue plus jeune que moi, lĂ -bas, dans ton Cracovie, dans notre chambre oĂč câest toujours vendredi, oĂč lâon nous gavait de cannelle comme si nous Ă©tions des pommes. Si tu reçois jamais cette lettre, Ă lâinstant oĂč tu la liras tu deviendras plus ĂągĂ©e que moi. [...] »
- Le Dictionnaire Khazar (exemplaire fĂ©minin), Milorad PaviÄ, Traduction du serbe Maria Bejanovska, Le Nouvel Attila, 2015, P.221[5].
HĂŽtel Virginia, RĂ©ma Editions
HĂŽtel Virginia[2], a auparavant Ă©tĂ© publiĂ© en Allemagne, mais les copies ont Ă©tĂ© perdues. Câest la version Ă©crite en français (et non traduite) qui a Ă©tĂ© publiĂ©e par RĂ©ma Editions[6] en 2019 (Branche des ateliers dâĂ©criture crĂ©ative RĂ©manence des mots[7], structure co-dirigĂ©e[8] par la fratrie Pucheu : ThĂ©o & Mathilde Pucheu[9]). Ce rĂ©cit court de 72 pages est un rĂ©cit dâespionnage et dâamour qui met en scĂšne une espionne du nom de LĂ©na Ateh et un garde du corps, du nom de Ralph. Lâespionne voyage dâhĂŽtel en hĂŽtel, le garde du corps Ă sa poursuite. Elle change chaque fois dâidentitĂ© et de tenue et sĂšme la confusion dans lâesprit du personnage de Ralph, mais aussi dans lâesprit du lecteur qui peine Ă tisser le fil narratif. Cela nâempĂȘche pas le suspense pour autant.
CarriĂšre
Les premiers Ă©crits de DorothĂ©a Schulltz (Shultz) sont rassemblĂ©s dans le Dictionnaire khazar[1]. Ce livre (Hazarski reÄnik, Đ„Đ°Đ·Đ°ŃŃĐșĐž ŃĐ”ŃĐœĐžĐș), Ă©crit en 1984 par Milorad PaviÄ en serbe cyrillique, est traduit en français par Maria BeĆŸanovska[10] en 1988 pour les Ă©ditions Belfond[4] (rĂ©Ă©ditĂ© en 2002 aux Ă©ditions MĂ©moire du livre[5]), et enfin republiĂ© en 2015 au Nouvel Attila[11].
La particularité de ce livre est de présenter trois versions : Féminine, Masculine et Androgyne[12].
Il contient cette mise en garde « Lâauteur conseille au lecteur de ne saisir ce livre quâen toute derniĂšre extrĂ©mitĂ©. Et mĂȘme sâil se contente de lâeffleurer, quâil le fasse le jour oĂč son esprit et sa vigilance sont plus aiguisĂ©s que dâhabitude, et quâil le lise comme sâil allait attraper la fiĂšvre âsauteuseâ, cette maladie qui saute un jour sur deux et ne vous donne de la fiĂšvre que les jours fĂ©minins de la semaine » â Milorad PaviÄ, Le Dictionnaire khazar, op. cit., p. 21-22[1].
Mathias Verger[13], MaĂźtre de confĂ©rence en littĂ©rature comparĂ©e Ă lâuniversitĂ© de Paris 8, et auteur de la thĂšse « La haine de la langue maternelle. Une lecture de James Joyce, Jean Genet, Thomas Bernhard[14] », ainsi que de nombreuses publications, prĂ©cise dans « Le dictionnaire khazar : de la crise de lâoriginal Ă la crise de la langue originale », TRANS-, « Des copies originales : les traductions sans texte premier », n°21, 2017[12], que les trois exemplaires (fĂ©minin, masculin, androgyne) permettent de dĂ©multiplier les versions, mettre les variantes en perspective.
Mathias Verger Ă©tablit que câest la onziĂšme lettre de DorothĂ©a Schultz, quâelle adresse Ă son mari Isaac Schultz, qui marque la diffĂ©rence entre les versions. Il en conclut quâen intervenant sur la page volante dâune lettre cette variante interroge le rapport Ă lâoriginal et la copie : « Plus on photocopie, imprime et reproduit le Dictionnaire khazar, plus il se multiplie en faisant Ă©cart Ă lui-mĂȘme, rĂ©alisant ainsi la promesse de tendre vers lâachĂšvement grĂące Ă ses versions toujours diffĂ©rentes, diffĂ©rant ainsi Ă jamais le modĂšle dâun original absolu, complet et achevĂ©. Plus lâĆuvre diffĂšre dâelle-mĂȘme, par la traduction ou par la diffĂ©rence sexuelle, par la variante narrative, par les caprices du lecteur, plus elle tend Ă devenir elle-mĂȘme en Ă©tant toujours autre. »
Dâailleurs, lâauteur lui-mĂȘme prĂ©vient le lecteur « Lorsquâils compareront le bref passage de la derniĂšre lettre du Docteur DorothĂ©a Schultz imprimĂ© en italique dans lâun et lâautre exemplaire, le livre formera pour eux un tout, comme un jeu de dominos, et ils nâauront plus besoin de lu » Milorad PaviÄ, Le Dictionnaire khazar, op. cit., p. 256., Mathias Verger voyant dans les dominos une sĂ©rie, un infini plutĂŽt quâune complĂ©mentaritĂ©.
Si nous ne savons pas quelle vĂ©ritĂ© portent ces lettres transformĂ©es par la transcription et lâĂ©dition, nous pouvons nous demander si ce nâest pas justement cette situation confuse qui plairait Ă DorothĂ©a Schultz. Ă travers cette notion de « faux original », on peut se demander si DorothĂ©a Shultz ne sâest pas plagiĂ©e elle-mĂȘme par anticipation, Ă la maniĂšre dont le dĂ©finit Pierre Bayard dans Le Plagiat par anticipation[15] ,et si Comment parler des faits qui ne se sont pas produits ?[16] ne serait pas le livre de chevet, par anticipation, de DorothĂ©a Shultz. En tout cas, le personnage de LĂ©na Ateh, son espionne, qui change de lieu, dâapparence et de fonction, procĂ©derait Ă une dĂ©multiplication dâelle-mĂȘme, dâaprĂšs son Ă©diteur français.
Notes et références
- PaviÄ, Milorad, 1929-2009., Le dictionnaire khazar : roman-lexique en 100000 mots : exemplaire fĂ©minin, Le Nouvel Attila, dl 2015 (ISBN 978-2-37100-014-8 et 2-37100-014-0, OCLC 959961603, lire en ligne)
- Shultz, Dorothéa., HÎtel Virginia, Réma éditions, (ISBN 978-2-491432-00-3 et 2-491432-00-5, OCLC 1135289541, lire en ligne)
- accessible uniquement sur le site de l'Ă©diteur
- PaviÄ, Milorad., Le dictionnaire Khazar : roman-lexique en 100 000 mots : exemplaire fĂ©minin, P. Belfond, (ISBN 2-7144-2130-X et 978-2-7144-2130-2, OCLC 77274847, lire en ligne)
- Pavic, Milorad, 1929-, Le dictionnaire khazar : roman-lexique en 100 000 mots : exemplaire androgyne, MĂ©moire du livre, (ISBN 2-913867-36-7 et 978-2-913867-36-9, OCLC 422263700, lire en ligne)
- « Créations de fictions Archives », sur Blog littéraire de Rémanence des mots (consulté le ).
- « Atelier d'écriture », sur Rémanence des mots - Ateliers⊠(consulté le ).
- https://www.infogreffe.fr/entreprise-societe/838831154-remanence-des-mots-940118B024110000.html?typeProduitOnglet=EXTRAIT&afficherretour=false
- « labodeshistoires.com/lbh/inter⊠»(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?).
- (en) « AutoritĂ© BeĆŸanovska, Marija (1942-....) », sur Catalogue Bpi (consultĂ© le ).
- « Nouveautés », sur Le Nouvel Attila (consulté le ).
- Verger, Mathias, « Le Dictionnaire khazar : de la crise de lâoriginal Ă la crise de la... », TRANS-. Revue de littĂ©rature gĂ©nĂ©rale et comparĂ©e, Presses Sorbonne Nouvelle,â (ISSN 1778-3887, DOI 10.4000/trans.1640, lire en ligne, consultĂ© le ).
- « Mathias Verger - Département de littérature française, francophone et comparée », sur univ-paris8.fr (consulté le ).
- « La haine de la langue maternelle. Une lecture de James Joyce, Jean Genet, Thomas Bernhard (Mathias Verger) », sur fabula.org (consulté le ).
- Bayard, Pierre, 1954-, Le plagiat par anticipation, Les Ăditions de Minuit, (ISBN 978-2-7073-2066-7 et 2-7073-2066-8, OCLC 302317594, lire en ligne)
- Bayard, Pierre (1954-....)., Comment parler des faits qui ne se sont pas produits (ISBN 978-2-7073-4652-0 et 2-7073-4652-7, OCLC 1222203616, lire en ligne)