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Discours sur la négritude

Le Discours sur la Négritude a été prononcé par Aimé Césaire à l'Université Internationale de Floride à Miami le 26 février 1987, dans le cadre de la Conférence hémisphérique des peuples noirs de la diaspora. Ce discours s'inscrit dans la continuité du Discours sur le colonialisme prononcé le même jour, lui même issu d'un pamphlet publié en 1951[1].

Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme suivi de Discours sur la Négritude, Paris, Présence Africaine, 2004

Dans son discours, Aimé Césaire redéfinit le mouvement littéraire de la Négritude, concept formé dans les années 1930 pour dénoncer le colonialisme et promouvoir la culture africaine. Le mouvement de la Négritude se forme à Paris, par Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas et Aimé Césaire[2]. Ce dernier inventa le concept dans une revue intitulée L'Étudiant noir[2].

Contexte

La naissance du mouvement de la NĂ©gritude

Aimé Césaire fonde avec le sénégalais Léopold Sédar Senghor et le guyanais Léon Gontran Damas le concept de Négritude dans les années 1930 et amorce ce mouvement émancipateur sans frontières. La Négritude est ce nouvel humanisme à la fois identitaire et écologique qu’il propose aux personnes dont « la race est celle des opprimés ». La Négritude est le fil conducteur de la pensée de Césaire dans sa déconstruction du colonialisme, celui de la France en particulier. Dans son Discours sur le colonialisme, il dénonce la barbarie du colonisateur et le malheur du colonisé, et le principe même de la colonisation : une machine déshumanisante, exploiteuse d'hommes. C'est une machine à détruire des civilisations belles, dignes et fraternelles.

Le style poétique du discours de Césaire reflète sa créativité et témoigne de l'importance de la littérature dans son engagement politique. Césaire présente la Négritude à la fois comme un mécanisme d’autodéfense et de résistance et comme un projet de transformation sociale et politique. Le concept mis au point par Césaire peut être mis en relation avec la théorie du changement social Afrocentricity du professeur afro-américain Molefi Asante (2003). Celui-ci définit l’afrocentricité comme « un mode de pensée et d’action centré sur les intérêts, les valeurs et les perspectives africains. Il s’agit de placer l’Africain au centre de toute analyse d’un phénomène africain… L’afrocentricité poursuit la quête d’une éthique du Blackness » (p. 2)[3].

L'impact de la mondialisation

Durant les années 1980, la mondialisation émerge, phénomène d'ouverture des économies nationales sur un marché mondial, entraînant une interdépendance croissante des pays, aboutissant à une uniformisation des cultures. Les échanges à travers le monde ont contribué à l'aplanissement des différences de modes de vie entre les pays, au profit du mode occidental. Ainsi, l'affirmation culturelle revendiquée par Césaire lors de son discours à Miami en 1987 apparaît comme une lutte contre la mondialisation des cultures[4].

La première conférence des peuples noirs de la diaspora

Près de quarante ans après avoir rédigé le Discours sur le colonialisme, Césaire prononce son Discours sur la Négritude, en 1987, aux États-Unis, dans le cadre de la première conférence des peuples noirs de la diaspora. Le 26 février 1987, à Miami, un formidable hommage était rendu à Césaire au cours d'un gala, hommage qui lui était rendu, tout un symbole, par Wole Soyinka, le premier Noir Prix Nobel de Littérature, et par Léopold Sédar Senghor. Le brillant discours prononcé par le poète martiniquais à l'Université Internationale de Floride a manifestement marqué tous les participants à cette conférence. Comme quarante ans auparavant, lorsqu'il créa cette ouverture avec Senghor et Damas, Aimé Césaire redonnait alors espoir aux minorités. Ce soir-là, la grande conférence donnée à l'Université Internationale de Floride à Miami était intitulée : « Négritude ethnicité et culture africaine aux Amériques ». Plus de 500 ambassadeurs du monde politique et culturel de la diaspora noire avaient répondu présent pour cette rencontre, particulièrement dédiée au fondateur du mouvement de la négritude, le poète martiniquais mais alors, également, maire de Fort-de-France, Aimé Césaire. Également présent lors de cette conférence, l'autre précurseur de la négritude, l'ancien président du Sénégal Léopold Sédar Senghor, qui venait, pour l'occasion, pour la première fois en visite privée aux États-Unis[5].

Résumé

Le Discours sur la Négritude a été prononcé le jeudi 26 février 1987 lors de la Conférence Hémisphérique organisée par l’université Internationale de Floride à Miami.

Il s'agit de la première conférence hémisphérique des peuples noirs de la diaspora, organisée en hommage à Aimé Césaire. Il est amené à s'exprimer sur le thème suivant : Négritude, Ethnicité et Cultures Afro aux Amériques.

D'abord, Césaire remercie l'hommage qui lui est adressé en organisant cette conférence. Puis, il pose l'axe de sa réflexion : le sort de l'homme noir dans le monde noir. La Négritude, mouvement littéraire qu'il a fondé dans les années 1930 avec Léopold Sedar Senghor et Léon Gontran Damas, correspond à une évidente réalité ethnique. Mais, elle s'applique au-delà de la couleur de peau, et fait référence à « l’une des formes historiques de la condition faite à l’homme ». Ainsi, Césaire montre que cette conférence à Miami permet de réunir les personnes qui ont « vécu les pires violences de l’histoire », pas seulement les personnes d'origine africaine. Il reconnaît ensuite que les Noirs ont constitué une communauté « d’oppression subie », victime d'une discrimination et d'une exclusion imposée. Par conséquent, la Négritude est une « manière de vivre l’histoire dans l’histoire », elle se définit d’abord « comme prise de conscience de la différence, comme mémoire, comme fidélité et comme solidarité ». Il s'agit pour Césaire d'un sursaut de dignité, du refus de l’oppression, du combat contre l’inégalité, mais aussi de la révolte contre le réductionnisme européen.

Dans son discours, Césaire rend hommage à ce qu’il appelle la première Négritude, c’est-à-dire le mouvement de la Négro-Renaissance né aux États-Unis (Black Renaissance) dès les premières années du vingtième siècle, sous l’inspiration de W.E.B. Du Bois, Langston Hughes, Claude McKay, Countee Cullen Sterling Brown, Richard Wright ou Chester Himes. Pour conclure, Aimé Césaire pose les principes et les buts de la négritude : la recherche de l'identité noire, l'affirmation du droit des Noirs à la différence[6].

Critiques

D'après l'ouvrage de Jean Herold Paul, intitulé La Négritude à la limite, en 2014, il y aurait une certaine importance de la magie noire et du chamanisme dans les poèmes des penseurs de la négritude. Il interroge la place de la représentation africaine dans la pensée haïtienne et antillaise de l’émancipation. Le nœud de l’ouvrage se situe dans l’étude de la prise de conscience de l’Afrique (noire) comme élément constitutif de la pensée caribéenne (Haïti et Martinique). Selon l’auteur, ce panafricanisme qui a sa source chez les pères fondateurs de la révolution haïtienne aurait été initié par le Haïtien Anténor Firmin et deux autres Caribéens, Edward Wilmot Blyden, des îles Vierges danoises, et Henry Sylvester-Williams, de Trinidad. Selon ces penseurs, il n’y aurait pas de différence fondamentale entre le Noir d’Afrique et le Noir des Antilles. On est en présence de ce qui fait la base de la négritude, l’anthropologie de Césaire, dont Jean Herold Paul interroge « la traductibilité politique », en s’appuyant notamment sur les thèses nationaliste et indépendantiste de Frantz Fanon et Édouard Glissant. Il propose, après une critique des prétentions révolutionnaires de la négritude, des réformes institutionnelles qui ne sont pas sans poser problème. L’ouvrage de Jean Herold Paul laisse également ouverte la problématique de l’émancipation caribéenne[7].

HĂ©ritage de la NĂ©gritude

L'art

De la même façon que la littérature, l'art est utilisé par les penseurs de la Négritude. La représentation des noirs dans une société postcoloniale au statut encore ambigu est un des thèmes principalement traités par Pablo Marcano, artiste portoricain, dans ses œuvres. Dans le tableau, intitulé, Bailando con los Blancos, en 1984, Pablo Marcano met en scène un noir enchaîné à un arbre, les mains attachées dans le dos, tentant vainement de se débattre. Le personnage est soumis à la violence des fers, il n’a aucune possibilité d’échappatoire, il est condamné. Cette œuvre constitue une vive dénonciation de la fatalité qui touche les noirs dans des sociétés dominées par des blancs[8].

Le rap

Comme la Négritude est l’expression d’une race opprimée, le rap est l’expression d'une génération opprimée, oubliée. C’est le cri d’une révolte, la dénonciation d’un système et de normes sociales jugées injustes et inappropriées. Youssoupha, rappeur français d'origine congolaise, livre le morceau « Noir Désir », en 2012, dans lequel il présente la chanson comme une tentative de rectification de l'Histoire officielle. Dans ce texte, Youssoupha propose ainsi de voir la « négritude » comme une Histoire à écrire, d'abord au passé, en rappelant les siècles d'esclavage et de colonisation, comblant ainsi les défauts de l'Histoire officielle : « Mon Histoire est écrite par Frantz Fanon et par Sankara ». Mais c'est aussi au futur qu'elle s'écrit, un futur qui s'actualise dans le présent à la fois synthétique et programmatique du dernier vers : « On y arrivera malgré les différences et les enclaves / C'est l'histoire d'un peuple au cœur de roi et au sang d'esclave »[9].

Notes et références

  1. FTV Education, « Aimé Césaire : La dénonciation du colonialisme et l’engagement dans la cause noire », sur education.francetv.fr (consulté le )
  2. « Aimé Césaire et le mouvement de la Négritude - RFI », RFI Afrique,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « Le Baobab en quête de ses racines », sur erudit.org, (consulté le )
  4. « La négritude en temps de mondialisation » (consulté le )
  5. « L'hommage mondial fait à Césaire », sur www.touristmartinique.com (consulté le )
  6. Aimé Césaire, Discours sur la Négritude, Paris, Présence Africaine, 92 p.
  7. « La négritude et ses limites politiques », sur humanité.fr, (consulté le )
  8. « La négritude en peignant l'homme noir, les exemples de Pablo Marcano [...] » (consulté le )
  9. Mamadou Drame, « Rap et négritude. Une façon d’utiliser l’art pour résister », Doct-Us,‎ , p. 46-54 (lire en ligne)

Liens externes

Texte intégral du Discours sur la Négritude à l'adresse suivante : http://www.montraykreyol.org/article/negritude-ethnicity-et-cultures-afro-aux-ameriques

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