Dataïsme
Le dataïsme est une philosophie émergente qui considère le monde comme un flux de données. Selon le dataïsme, la collecte et le traitement des données, notamment informatiques, permettent de comprendre le monde en tant qu'algorithme.
Historique
La notion de « dataïsme » a été popularisée, par David Brooks, dans le journal The New York Times, le 4 février 2013. Dans son article intitulé « The Philosophy of data[1] », Brooks avance que l'analyse des données, en tant qu'unités de mesure, permettrait de comprendre le passé et le présent, de prédire l’avenir, ainsi que de voir le monde tel qu'il est réellement.
Le mot est ensuite repris par Yuval Noah Harari, dans son livre Homo deus, une brève histoire du futur. Le chapitre final intitulé « La religion des datas » traite d'une vision du monde basée sur les données. Dans la mesure où la donnée serait désignée comme une valeur suprême, le dataïsme deviendrait une techno-religion et succéderait alors à l'humanisme[2].
Philosophie du dataïsme
Pour le dataïsme, tout est lié aux datas. La valeur de toute chose est liée à sa contribution aux traitements de données. Le cerveau humain est considéré comme un système de traitement de données, car il peut créer, modifier, analyser et partager des informations. Selon le dataïsme, l’Homme n’a pas assez de puissance pour traiter la grande quantité d’information que nous avons aujourd’hui. De nouveaux algorithmes informatiques, plus intelligents mais non conscients, sont plus aptes à traiter ces données. Les dataïstes pensent ainsi que le traitement de l’information doit être réalisé par des algorithmes.
Dans son livre Homo deus, une brève histoire du futur, Yuval Noah Harari résume les buts poursuivis selon lui par le dataïsme :
- Le but premier du dataïsme est la création d’un système universel de traitement de données, qui relierait non seulement les humains entre eux, mais aussi les animaux les plantes, et les objets. Pour les dataïstes, Internet pourrait bien devenir ce système de traitement de données attendu, car c’est un réseau connectant de plus en plus d’entités (les objets étant de plus en plus connectés, on parle « d’Internet des objets, » ou « IoT » pour décrire ce phénomène) et qui traite les données de manière efficace grâce au big data. Ce système de traitement de données serait alors comme une sorte de dieu omniprésent, qui serait en mesure de comprendre l’intégralité de l’univers, et donc de prendre les meilleures décisions pour les humains. Le but de la vie serait de se fondre dans ce système de traitement de données : la déconnexion signifierait la mort, car la transmission de données est interrompue dans les deux cas.
- L’avènement d’un système universel de traitement de données engendrerait une théorie permettant de comprendre le monde de manière logique et mathématique, et donc une théorie universelle, ce qui permettrait d’analyser n’importe quel phénomène avec le même outil. Cette théorie générale et universelle unifierait toutes les disciplines scientifiques[3].
- La liberté de l’information. En effet, la fondation d’un système universel de traitement de données et une théorie globale ne peuvent se faire qu’avec le partage de l’information : les données doivent transiter librement sur le réseau pour pouvoir être exploitées par les algorithmes.
Pratique dataïste
Le Quantified self est une pratique visant à mieux nous connaître grâce à l’analyse de nos propres données recueillies par différents objets connectés[4]. Cette analyse vise à corréler les données pour en tirer un enseignement. Par exemple, le fait de noter son humeur et l’activité faite à un instant donné toutes les heures pour savoir quelle activité nous rend heureux est une pratique relevant du Quantified self. Il peut être vu comme une pratique dataïste, car il repose sur l’extraction et l’analyse des données pour mieux se comprendre. Les adhérents de cette pratique partagent souvent leurs données, par exemple pour les comparer avec celles d’autres personnes, afin de se situer par rapport à elles et de mieux les connaître.
Critiques
Dans le dataïsme, le processus d’extraction des données est largement critiqué pour des raisons de sécurité. Les données liées à la santé du corps humain, comme le rythme cardiaque, le nombre de calories perdues ou encore l’activité physique sont des informations sensibles et l'utilisation malveillante de celles-ci est à craindre. Le piratage d’objets connectés, comme un stimulateur cardiaque, permettrait même d’altérer la santé des individus[5]. De plus, adhérer au dataïsme nous ferait perdre une partie de notre vie privée. Par exemple, les algorithmes ne peuvent pas surveiller notre santé sans données. Il faudrait donc choisir entre conserver notre vie privée ou améliorer et surveiller notre santé au moyen de capteurs.
Il est aussi probable que quelque chose ne puisse pas être vu comme une donnée ou un système de traitement de celles-ci. De plus, nous ignorons comment un flux de données pourrait produire des expériences subjectives. Les émotions et les sensations n'ont pas encore d'explication logique et rationnelle et ne sont pas pris en compte dans le dataïsme.