DĆtaku
Les dĆtaku (é éž) sont des cloches japonaises fondues dans un bronze relativement peu Ă©pais et richement ornementĂ©es. Les cloches dĆtaku apparaissent dans des dĂ©pĂŽts rituels Ă la pĂ©riode Yayoi moyen, mais de nombreux dĆtaku anciens datent des IIe et IIIe siĂšcles, ce qui correspond environ Ă la fin de la pĂ©riode Yayoi, ou Yayoi final. Au cours d'une des premiĂšres phases de leur Ă©volution, les dĆtaku ont Ă©tĂ© ornĂ©s de motifs reprĂ©sentant des Ă©lĂ©ments de la nature et des animaux (dont la libellule, la mante religieuse ou encore l'araignĂ©e) ou des scĂšnes de chasse, de travail agricole⊠Les historiens pensent que les dĆtaku servaient aux priĂšres pour avoir une bonne rĂ©colte : les animaux y figurant Ă©taient en effet des ennemis naturels des parasites attaquant les riziĂšres.
Dans la rĂ©gion du Kansai, de nombreux dĆtaku ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s, gĂ©nĂ©ralement loin des lieux habitĂ©s, peut-ĂȘtre aux limites des terroirs.
Caractéristiques au Yayoi final
Les dĆtaku ne possĂšdent pas de battant, elles devaient ĂȘtre frappĂ©es, comme les cloches chinoises et corĂ©ennes. Elles sont rĂ©alisĂ©es dans des moules bivalves. Atteignant jusqu'Ă un mĂštre de haut, elles se caractĂ©risent par un tronc circulaire haut et une anse fine qui se poursuit en arĂȘtes. Parmi les dĂ©cors les plus frĂ©quents figurent des motifs en dents de scie, sur les arĂȘtes latĂ©rales, et des liserĂ©s qui agrĂ©mentent toute la surface et la dĂ©coupent en plusieurs registres. Plus tard apparaissent des motifs zoomorphes et anthropomorphes, et ces registres peuvent alors recevoir des scĂšnes figurĂ©es, comme des scĂšnes de chasse et de pĂȘche, et autres activitĂ©s quotidiennes, des bĂątiments aussi[1]. Au cours des phases finales les motifs figuratifs disparaissent. Ces objets Ă©taient probablement des objets rituels liĂ©s Ă des rites agraires qui se dĂ©roulaient au moment de la rĂ©colte, et non des instruments de musique. Ils sont souvent retrouvĂ©s dans des lieux isolĂ©s, comme aux abords des cascades ou d'accidents de terrain, enterrĂ©s isolĂ©ment ou par groupe de quatre ou cinq.
Le premier usage des dĆtaku est difficile Ă situer dans le temps, mais des indices (en 2013) permettent de placer cette date au cours des pĂ©riodes Yayoi II / III[2]. Au cours de la pĂ©riode Yayoi moyen, la coutume d'utiliser des cloches de bronzes comme dĂ©pĂŽt rituel se met en place depuis la rĂ©gion du Kansai[3]. Elles portent alors la marque d'un usage prolongĂ©, ayant Ă©tĂ© heurtĂ©es longtemps avec une barre de bronze. Elles ne sont enfouies qu'aprĂšs ce long usage.
Au cours de la pĂ©riode Yayoi final (vers 50 EC - 200 EC) quatre « horizons[4] rituels » se partagent, alors, tout l'ouest du Japon en quatre rĂ©gions qui se recouvrent lĂ©gĂšrement parfois[5]. Les quatre horizons rituels qui prennent forme dans cette partie de l'archipel sont diffĂ©renciĂ©s par ces marqueurs[6] : A: par les pointes de lance en bronze type W (l'Ăźle Tsushima, Nord Kyushu, Ouest Shikoku) , B: par les cloches dĆtaku en bronze de type IV (depuis l'est de Shikoku jusqu'Ă la pĂ©ninsule d'Izu en passant par la rĂ©gion de Nara, et la cĂŽte Nord, du cap Kyoga [Kyoga-saki] Ă Fukui (dĂ©borde la rĂ©gion du Kansai, surtout dans l'est de Shikoku), C: par des piĂ©destaux lourdement dĂ©corĂ©s pour les rituels funĂ©raires dans la rĂ©gion de l'ancienne province de Kibi, et D: par les tumuli rectangulaires Ă 4 pieds, dans la zone de l'ancienne province d'Izumo. Dans leur fonction de dĂ©pĂŽt rituel, elles ont atteint de si grandes tailles qu'elles n'ont pas Ă©tĂ© utilisĂ©es comme cloches : elles ne portent aucune trace indiquant qu'elles aient Ă©tĂ© heurtĂ©es[7].
On a pu déterminer que la matiÚre premiÚre des cloches de bronze, à partir du Yayoi IV, venait de Chine, précisément du Hebei, sous forme de lingots[8] ; auparavant elle provenait de Corée. Le transport de ces matiÚres premiÚres suppose un réseau de communications et d'échanges, qui participe au cours du Yayoi IV à une centralisation croissante et à une collaboration à différentes échelles. Yayoi V, Final : v. 1/50 EC - 200 EC.
Typologie, classement chronologique
L'évolution des types a été classée par Makoto Sahara[9], du type I au type IV-5. Cet auteur a pu distinguer deux « écoles », au Yayoi final, l'une apparait dans la région du Kansai (ou Kinki), l'autre dans la région du Tokai. Les différences restent minimes : par exemple, dans le dernier cas les bandes qui divisent l'espace décoré se croisent, tandis que dans le premier cas elles ne se croisent pas.
- Type III : dĆtaku Ă motifs zoomorphes et anthropomorphes, musĂ©e national de Tokyo[10].
H. 42,7 cm. IIeâââIer siĂšcle AEC, dĂ©b. Yayoi Moyen. Sakuragaoka (Hyogo). - Type III (musĂ©e Shimane de l'ancien Izumo).
- Type IV 1 (musée Pigorini).
- Type IV 1. Tsuri-Kojinyama, Hamamatsu-shi, Shizuoka, IerâââIIe siĂšcle (musĂ©e national de Tokyo).
- Type IV-5. IerâââIIIe siĂšcle (musĂ©e national de Tokyo).
Notes et références
- Mizoguchi 2013, p. 174-177.
- Mizoguchi 2013, p. 166.
- Mizoguchi 2013, p. 168.
- Horizon archéologique (dans l'espace géographique considéré ou dans un site) : couche ou ensemble de couches archéologiques dont les témoins caractérisent nettement une formation ou une phase chronologique bien définie. ( Glossaire archéologique Université du Québec à Montréal).
- Mizoguchi 2013, p. 191 (fig 7.4) et 214-215.
- Mizoguchi 2013, p. 191 : sur Google books. Voir aussi la carte dans l'article : GĂ©ographie du Japon.
- Mizoguchi 2013, p. 195.
- Mitzoguchi, 2013, p. 141.
- Sahara, 2002, fig. 13. Repris et mis en forme par Mizoguchi 2013, p. 193.
- Relevé des décors sur A Dictionary of Archaeology, Ian Shaw and Robert Jameson. Oxford : Blackwell, 2002, p. 619.
Voir aussi
Bibliographie
- Louis Frédéric, Le Japon, dictionnaire et civilisation, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1419 p. [détail des éditions] (ISBN 2-221-06764-9).
- (en) Koji Mizoguchi, The archaeology of Japan : from the earliest rice farming villages to the rise of the state, New York, Oxford University Press, coll. « Cambridge world archaeology », , XIX-371 p., 29 x 20 x 2 cm (ill., cartes) (ISBN 978-0-521-88490-7, 0-521-88490-X et 978-0-521-71188-3, lire en ligne).
- (ja) Makoto Sahara, Dotaku no kokogaku [« L'archéologie des cloches de bonze Dotaku »], Tokyo, Tokyo Daigaku Shuppan-kai (Presses de l'Université de Tokyo), , 419 p., 26 x 18.6 x 2.8 cm (ISBN 4130201336).