Conjecture de Painlevé
En physique, et plus prĂ©cisĂ©ment en mĂ©canique cĂ©leste, la conjecture de PainlevĂ©, Ă©mise par Paul PainlevĂ© en 1895, est un conjecture concernant le problĂšme Ă N corps, affirmant que, dans le cadre de la mĂ©canique newtonienne, il existe des singularitĂ©s (autre que des collisions) pour certaines configurations dĂšs que N â„ 4[1] - [2], c'est-Ă -dire que, pour ces configurations, certains corps sâĂ©loignent Ă l'infini en un temps fini. Elle est devenue un thĂ©orĂšme lorsque de telles configurations furent construites en 1988 par Jeff Xia (en) dans le cas N â„ 5[3] - [4], et en 2014 par Jinxin Xue dans le cas N â„ 4[5].
ĂnoncĂ© de la conjecture
Soit une solution du problĂšme Ă n corps dĂ©fini par (oĂč est le vecteur des positions des corps, est le vecteur de leurs quantitĂ©s de mouvement, M est la matrice des couples de masses et U dĂ©signe le potentiel gravitationnel) ; elle est dite singuliĂšre s'il existe une sĂ©quence de temps convergeant vers un temps fini oĂč . Autrement dit, les forces et les accĂ©lĂ©rations de certains corps deviennent infinies Ă un moment donnĂ© dans le temps.
Une singularité de collision se produit si tend vers une limite définie lorsque . Si la limite n'existe pas, la singularité est appelée pseudo - collision ou singularité de non-collision. Paul Painlevé a montré que pour n = 3 toute solution avec une singularité en temps fini subit une singularité de collision. Cependant, il n'a pas réussi à étendre ce résultat au-delà de 3 corps. Ses conférences de Stockholm de 1895 se terminent par la conjecture que :
Pour n ℠4 le problÚme à n corps admet des singularités sans collision[6] - [7].
ProgrÚs vers la résolution de la conjecture
Edvard Hugo von Zeipel a prouvĂ© en 1908 que s'il existe une singularitĂ© de collision, alors tend vers une limite dĂ©finie lorsque , oĂč est le moment d'inertie[8]. Cela implique qu'une condition nĂ©cessaire pour une singularitĂ© de non-collision est que la vitesse d'au moins une particule devient illimitĂ©e (puisque les positions restent finis jusqu'Ă ce point)[1].
Mather et McGehee ont réussi à prouver en 1975 qu'une singularité de non-collision peut se produire dans le problÚme colinéaire à 4 corps (c'est-à -dire avec tous les corps sur une ligne), mais seulement aprÚs un nombre infini de collisions binaires (régularisées)[9].
Donald Gene Saari a prouvé en 1977 que pour presque toutes (au sens de la mesure de Lebesgue) les conditions initiales dans le plan ou l'espace pour les problÚmes à 2, 3 et 4 corps, il existe des solutions sans singularité[10].
En 1984, Joe Gerver a donné un argument pour une singularité sans collision dans le problÚme plan à 5 corps sans collisions[11] (il a par la suite, partant de cet argument, obtenu une preuve rigoureuse pour le cas de 6 corps[12]).
Enfin, dans sa thÚse de doctorat de 1988, Jeff Xia a exhibé une configuration à 5 corps qui connaßt une singularité sans collision[3] - [4].En 2003, Joe Gerver a donné un modÚle heuristique pour l'existence de singularités à 4 corps[13].
Dans sa thÚse de doctorat de 2013 à l'Université du Maryland, Jinxin Xue a envisagé un modÚle simplifié pour le cas du problÚme planaire à quatre corps. Sur la base du modÚle de Gerver de 2003, il a prouvé qu'il existe un ensemble de conditions initiales (formant un ensemble de Cantor) qui conduisent à des solutions du systÚme hamiltonien dont les vitesses sont accélérées à l'infini en un temps fini en évitant toutes les collisions antérieures. En 2014, Xue a étendu ses travaux précédents et a prouvé la conjecture pour n = 4[14] - [5].
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « PainlevĂ©' conjecture » (voir la liste des auteurs).
- (en) Florin Diacu, « PainlevĂ©'s Conjecture », The Mathematical Intelligencer, vol. 13, no 2,â
- (en) Florin Diacu et Philip Holmes, Celestial Encounters: The Origins of Chaos and Stability, Princeton University Press, (ISBN 0-691-02743-9)
- (en) Zhihong Xia, « The Existence of Noncollision Singularities in Newtonian Systems », Annals of Mathematics, vol. 135, no 3,â , p. 411â468 (DOI 10.2307/2946572, JSTOR 2946572)
- (en) Donald G. Saari et Zhihong (Jeff) Xia, « Off to Infinity in Finite Time », Notices of the AMS, vol. 42, no 5,â , p. 538â546
- (en) Jinxin Xue, « Non-collision singularities in a planar 4-body problem », Acta Mathematica, vol. 224, no 2,â , p. 253â388 (DOI 10.4310/ACTA.2020.v224.n2.a2 )
- Paul Painlevé, Leçons sur la théorie analytique des équations différentielles, Paris, Hermann, (lire en ligne)
- Oeuvres de Paul Painlevé, vol. Tome I, Paris, Ed. Centr. Nat. Rech. Sci.,
- Edvard Hugo von Zeipel, « Sur les singularitĂ©s du problĂšme des corps », Arkiv för Mat. Astron. Fys., vol. 4,â , p. 1â4
- (en) J. Mather et R. McGehee, Dynamical Systems Theory and Applications, Berlin, Springer-Verlag, , 573â589 (ISBN 3-540-07171-7, lire en ligne), « Solutions of the collinear four-body problem which become unbounded in finite time »
- (en) Donald Gene Saari, « A global existence theorem for the four-body problem of Newtonian mechanics », J. Differential Equations, vol. 26, no 1,â , p. 80â111 (DOI 10.1016/0022-0396(77)90100-0, Bibcode 1977JDE....26...80S)
- (en) Gerver, « A possible model for a singularity without collisions in the five-body problem », J. Diff. Eq., vol. 52, no 1,â , p. 76â90 (DOI 10.1016/0022-0396(84)90136-0, Bibcode 1984JDE....52...76G)
- (en) Gerver, « The existence of pseudocollisions in the plane », J. Diff. Eq., vol. 89, no 1,â , p. 1â68 (DOI 10.1016/0022-0396(91)90110-U, Bibcode 1991JDE....89....1G)
- (en) Gerver, « Noncollision Singularities: Do Four Bodies Suffice? », Exp. Math., vol. 12, no 2,â , p. 187â198 (DOI 10.1080/10586458.2003.10504491)
- (en) Xue et Dolgopyat, « Non-Collision Singularities in the Planar Two-Center-Two-Body Problem », Commun. Math. Phys., vol. 345, no 3,â , p. 797â879 (DOI 10.1007/s00220-016-2688-6, Bibcode 2016CMaPh.345..797X, arXiv 1307.2645)