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Chronopsychologie

La chronopsychologie consiste en l’étude des rythmes comportementaux[1]. Il peut être intéressant d’étendre cette théorie à l’apprentissage chez les jeunes étudiants. On parle alors de rythmes scolaires, où les rythmes endogènes des individus et ceux de leur environnement naturel (saisons, jour et nuit) et artificiel (activité-repos) sont pris en compte, afin de permettre une meilleure productivité des temps scolaires[2].

Origine

Le concept de perception du temps prend naissance au milieu du XIXe siècle dans la communauté psychologique. C’est l’étude de la précision avec laquelle les hommes perçoivent le temps pour une situation donnée[3]. De ce fait, la perception du temps chez un individu peut être évaluée différemment par celui-ci selon les stimuli émotionnels ou sociaux. Par exemple, le moment passé dans un ascenseur semblera plus long avec une personne qui présente un visage fâché qu'avec une au visage neutre, et il semblera moins long en présence d’un aîné qu'en présence d'un jeune. Ces influences affectent ainsi le rythme de l’horloge interne des estimateurs de temps[4].

Le terme chronopsychologie fut créé par Paul Fraisse, un psychologue français. Il explique que nos activités psychologiques sont soumises à des rythmes qui leur sont propres, c’est-à-dire indépendamment des rythmes biologiques, mais en relation avec les conditions socioculturelles de chacun[5]. Selon la définition de la chronobiologie d'Alain Reinberg, les rythmes endogènes propres à chaque individu, ici comportementaux, peuvent subir des altérations, phénomène appelé « désynchronisation »[6]. Les altérations sont causées par des rythmicités exogènes (zeitgeber) inadaptées. Ainsi, lorsque les rythmes endogènes et environnementaux d'un enfant sont désynchronisés, celui-ci peut connaître des difficultés de développement/apprentissage. À l’inverse, un enfant dont l'activité biologique coïncide avec celle de son environnement présente une bonne synchronisation de ses rythmes[2].

Chronopsychologie en milieu scolaire

L’attention et la performance intellectuelle fluctuent Ă©normĂ©ment chez les enfants selon leur rythme psychologique[5].  Il est important d’étudier ces fluctuations, afin que l’apprentissage scolaire soit structurĂ© en prenant en compte celles-ci pour optimiser le dĂ©veloppement des Ă©lèves. Ă€ l’échelle journalière, l’attention est basse en matinĂ©e et augmente jusqu’à atteindre un pic autour de 11h, ensuite elle baisse de nouveau en dĂ©but d’après-midi. Finalement, un regain d’attention est observĂ© en fin d’après-midi[7]. Hebdomadairement, il a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© que les enfants sont moins attentifs les lundis et que leur attention augmente Ă  mesure que la semaine avance. Elle atteint son maximum les jeudis et diminue le vendredi[8]. Le manque d’attention en dĂ©but de semaine serait dĂ» Ă  une certaine dĂ©synchronisation du rythme psychologique des enfants causĂ©e par la pĂ©riode de repos de la fin de semaine[8]. Il est Ă©galement possible de voir des variations du niveau d’attention le long d’une annĂ©e scolaire. En effet, lorsque les Ă©lèves vont Ă  l’école pendant plus de sept semaines consĂ©cutives, une baisse considĂ©rable du niveau d’attention et ainsi des performances scolaires est observable[9]. L’ensemble de ces fluctuations est grandement influencĂ© par diffĂ©rentes sources de variation. D’abord l’âge fait diffĂ©rer l’attention, entre autres l’après-midi, les Ă©lèves plus vieux ont tendance Ă  ĂŞtre plus performant en fin de journĂ©e que les plus jeunes. De plus, les Ă©lèves ont moins de moments d’inattention et ceux-ci sont moins longs que chez les plus jeunes[9]. Les fluctuations du rythme psychologique sont moins importantes lorsque les Ă©lèves ont un haut niveau scolaire[9]. Le niveau de maĂ®trise, la complexitĂ© et la nature des tâches influencent Ă©galement les fluctuations[9]. En gardant en tĂŞte les rythmes psychologiques des enfants, les Ă©ducateurs peuvent synchroniser l’horaire de leur classe avec les fluctuations en attention de leurs Ă©lèves. Par exemple, en proposant des activitĂ©s plus complexes lors des pics d’attentions et des activitĂ©s plus ludiques lors des creux, la rĂ©ussite de ceux-ci sera meilleure[9].

Différentes tâches, différentes performances

La chronopsychologie tente, entre autres, d’analyser et d’identifier les diffĂ©rents moments dans la journĂ©e oĂą le niveau de performance est Ă  son maximum. Des Ă©tudes sur la performance ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es sur des tâches qui varient en fonction de la composante motrice de la tâche et du niveau d’utilisation de la mĂ©moire de celle-ci. L’état de vigilance des individus Ă©tait sous observation lors de la rĂ©alisation de ces tâches.  Les rĂ©sultats montrent une variation du moment dans la journĂ©e oĂą les performances atteignent leur apogĂ©e. Les actions nĂ©cessitant une faible composante motrice comme la dĂ©tection de signal ont leur maximum de performance en fin d’après-midi tandis que les tâches comme le tracĂ© d’un labyrinthe demandant une plus grande composante motrice atteignent leur maximum plus tĂ´t dans la journĂ©e, vers midi[10] - [11]. Ensuite, plusieurs Ă©tudes portent leur attention sur la mĂ©moire. Les tâches analysĂ©es sont divisĂ©es en fonction du type de mĂ©moire Ă©tudiĂ©e ; la mĂ©moire immĂ©diate, la mĂ©moire de travail et la mĂ©moire Ă  long terme qui est, elle-mĂŞme, divisĂ©e selon l’heure de prĂ©sentation de la matière Ă  mĂ©moriser et l’heure de rĂ©cupĂ©ration [12]. L’apprentissage de chiffres, les tâches de calcul et la mĂ©morisation d’élĂ©ments cinĂ©matiques sont respectivement les tâches des diffĂ©rents types de mĂ©moire Ă©tudiĂ©s. Les rĂ©sultats des Ă©tudes montrent un maximum de performance vers 10h en matinĂ©e pour la mĂ©moire Ă  court terme, vers midi pour la mĂ©moire de travail, en soirĂ©e pour l’heure de prĂ©sentation et beaucoup plus tĂ´t dans la journĂ©e pour l’heure de rĂ©cupĂ©ration pour la mĂ©moire Ă  long terme[13] - [14] - [15]. DiffĂ©rentes thĂ©ories expliquant ces rĂ©sultats se portent en premier lieu sur le niveau d’éveil concordant avec la courbe de tempĂ©rature du cycle circadien de l’humain, thĂ©orie divisĂ©e selon les tâches analysĂ©es. En deuxième lieu, la thĂ©orie multi-oscillatoire dĂ©pendant de la dissociation entre les rythmes individuels de la tempĂ©rature et du veille-sommeil est avancĂ©e Ă©galement[12].

Théories

L’une des thĂ©ories qui a Ă©tĂ© Ă©mise est celle du niveau de l’éveil. Selon cette thĂ©orie, le niveau d’éveil serait en relation Ă©troite avec les performances d’un individu. Pour calculer cet indicateur, une relation entre la tempĂ©rature corporelle et le niveau d’éveil a Ă©tĂ© observĂ©e par Nathaniel Kleitman : lorsque la tempĂ©rature corporelle augmente, le niveau d’éveil calculĂ© par les performances aux tâches de vigilance augmente Ă©galement [16]. Cette thĂ©orie est basĂ©e sur le principe que l’effet de la tempĂ©rature serait liĂ© Ă  des processus chimiques. Si c’est le cas, le phĂ©nomène observĂ© pourrait s’expliquer par le fait que les processus mentaux reprĂ©sentent des rĂ©actions chimiques en eux-mĂŞmes. Il se peut aussi que la vitesse de rĂ©action dĂ©pende de l’activitĂ© mĂ©tabolique du cortex cĂ©rĂ©bral. L’augmentation de tempĂ©rature serait alors indirectement liĂ©e Ă  des performances accrues, puisque l’augmentation de la tempĂ©rature corporelle permettrait une augmentation de la vitesse de rĂ©action du cortex cĂ©rĂ©bral[17]. D’autres Ă©tudes ont suivi pour vĂ©rifier cette thĂ©orie et il a Ă©tĂ© possible de comparer la mĂ©moire et le dĂ©bit cognitif avec la tempĂ©rature de plusieurs sujets en fonction du moment dans le cycle circadien. Les rĂ©sultats obtenus ont Ă©galement dĂ©montrĂ© qu'Ă  un mĂŞme moment du cycle circadien, plus la tempĂ©rature est Ă©levĂ©e, plus les performances sont accrues, confirmant la thĂ©orie de Kleitman[18].

D’autres théories ont également été proposées, dont la théorie de limitation des ressources, selon laquelle un individu devient de plus en plus rapide au cours de la journée à faire une tâche, mais par contre de moins en moins précis. Selon cette théorie, le changement de vitesse d'exécution d’une tâche au cours de la journée serait expliqué par le fait qu’un individu accomplissant une tâche doit passer par plusieurs étapes de vérification pour produire la tâche correctement. Au cours de la journée, la vitesse d'exécution des étapes resterait constante, mais le nombre d'étapes de vérification pour chaque tâche diminuerait progressivement. La vitesse d’accomplissement de tâche sera alors accrue, par contre la précision de celle-ci diminue[19].

Notes et références

  1. Fraisse, P. (1980). ÉLÉMENTS DE CHRONOPSYCHOLOGIE. Le Travail Humain, 43(2), 353-372. Retrieved November 29, 2020, from http://www.jstor.org/stable/40657634
  2. Clarisse, R. (2002, 5 et 6 avril). De l’évaluation des rythmes de l’enfant en milieu scolaire à l’évaluation des aménagements du temps scolaire. Quelles perspectives pour les chronopsychologues ? Pilar Sánchez-López (resp.) Ritmos psicológicos y jornada escolar [symposium]. Seminario Internacional Complutense, Madrid. https://www.researchgate.net/profile/Juan_Diaz-Morales/publication/239745730_SIC_2002_Ritmos_psicologicos_y_jornada_escolar/links/0deec51c2d4f4bc22e000000/SIC-2002-Ritmos-psicologicos-y-jornada-escolar.pdf#page=6
  3. Fraisse, P. (1967). Psychologie du temps (2e Ă©d.). Presses universitaires de France.
  4. Chambon, M., Gil, S., Niedenthal, P. M. et Droit-Volet, S. (2005). Psychologie sociale et perception du temps : l’estimation temporelle des stimuli sociaux et émotionnels. Psychologie Française, 50(1), 167‑180. 10.1016/j.psfr.2004.10.008
  5. Leconte-Lambert, C. (1994). Fonctionnement attentionnel et chronopsychologie : quelques données actuelles chez l’enfant de maternelle et primaire. Enfance, 47(4), 408‑414. 10.3406/enfan.1994.3435
  6. Reinberg, A. (1974), Des rythmes biologiques Ă  la chronobiologie, Paris : Gauthier-Villars Editeur.
  7. Leconte-Lambert C. (1991), Les rythmicités de l’efficience attentionnelle : apports théoriques et réflexions pratiques, Université de Lille III, Imprimerie nationale des Thèses, Lilles.
  8. Testu, François. (1979). les rythmes scolaires, étude sur les variations de performances obtenues à des épreuves d’addition et de barrage par des lèves de CP CE2 ,CM2, durant la journée et la semaine scolaire, Revue française de pédagogie, 47,47-58.
  9. Testu, F. & Lieury, Alain. (2010). Attention et rythmes à l’école. 10.3917/dunod.lieur.2010.01.0137.
  10. Blake, M. J. F., 1967, Time of day effects on performance in a range of tasks, Psychonomic Science, 9, 349-350
  11. Aschoff, J., Hoffman, K., Pohl, H., Wever, R., 1975, Reentrainment of circadian rhythms after phase-shifts of the zeitgeber, Chronobiologia, 2, 23-78
  12. Querrioux-Coulombier, G., 1990, Chronopsychologie : le point sur les résultats et les hypothèses explicatives, L’année psychologique, 90-1, pp 109-126 https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_1990_num_90_1_29385#
  13. Folkard, S., 1982, Circadian rhythms and human memory, in F. M. Brown et R. C. Graeber (Edit.), Rhythmic aspects of behavior, Hillsdale (NJ), Londres, Lawrence Erlbaum, 241-272
  14. Testu F., 1987, Chronopsychologie et rythmes scolaires. Etude expérimentale des variations journalières et hebdomadaires de l’activité intellectuelle de l’élève, Thèse d’Etat, Poitiers.
  15. Folkard S., Monk T. H., 1980, Circadian rhythms in human memory, British Journal of Psychology, 71, 295-307
  16. (en) Kleitman, N. (1987). Sleep and wakefulness. University of Chicago Press.
  17. (en) Kleitman, N., Titelbaum, S., & Feiveson, P. (1938). The effect of body temperature on reaction time. American Journal of Physiology-Legacy Content, 121(2), 495-501.
  18. (en) Wright Jr, K. P., Hull, J. T., & Czeisler, C. A. (2002). Relationship between alertness, performance, and body temperature in humans. American Journal of Physiology-Regulatory, Integrative and Comparative Physiology.
  19. (en) Monk, T. H., & Leng, V. C. (1982). Time of day effects in simple repetitive tasks: some possible mechanisms. Acta Psychologica, 51(3), 207-221.

Voir aussi

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