Chronique de Saint-Brieuc
La Chronique de Saint-Brieuc (en latin Chronicon Briocense) est une compilation historique en latin, consacrée à l'histoire de la Bretagne, réalisée entre 1394[1] et 1416 par un clerc anonyme de l'entourage du duc Jean IV, qui n'a pas eu le temps d'achever son travail.
Elle est ainsi nommée à cause d'une note figurant en tête de l'un des deux manuscrits de la Bibliothèque nationale qui la contiennent (BnF Latin 6003[2]), suivant laquelle ce livre aurait été trouvé dans la bibliothèque du chapitre de la cathédrale de Saint-Brieuc[3]. Un autre titre donné reflète le contenu : De rebus gestis Britonum Aremoricorum. Il s'agit d'une histoire des Bretons, d'abord insulaires (depuis l'an 1139 av. J.-C. et l'arrivée du Troyen Brutus, éponyme de la Bretagne[4]), ensuite armoricains, jusqu'en 1415. Pour les événements de son temps, l'auteur est très bien renseigné, connaissant, analysant ou copiant bon nombre de documents diplomatiques de haute portée. Pour les époques anciennes, il a compilé différents textes, principalement l'Historia regum Britanniæ de Geoffroy de Monmouth (et les Gesta regum Britanniæ, épopée en 5 000 vers du XIIIe siècle qui en est une paraphrase[5]). Il a exploité aussi des hagiographies, comme la Vita sancti Samsonis de Baudri de Bourgueil, archevêque de Dol[6], la Vita sancti Corentini, la Vita sancti Goeznouii, des Vies de saint Gildas, de saint Tugdual, les Miracles de saint Magloire. Il a également consulté le cartulaire de Redon et celui de Quimperlé. D'autre part, la Chronique de Saint-Brieuc a servi, avec l' Histoire de Bretagne de Pierre Le Baud, à reconstituer la Chronique de Nantes (Chronicon Namnetense), texte du XIe siècle disparu depuis comme tel, et qu'elle reprend en grande partie[7].
L'auteur était un homme d'Église, mais aussi serviteur de l'État ducal, fervent patriote breton, soutien de la politique de Jean IV, hostile à Olivier de Clisson et à Jean de Châtillon. L'historien Michael Jones a proposé de l'identifier à Hervé Le Grant (vers 1360-1416), secrétaire ducal vers 1385, nommé garde des archives ducales, dont il effectue l'inventaire, en 1395, toujours en activité le 3 janvier 1416, remplacé en août de la même année. Il a bien connu Guillaume de Saint-André, secrétaire et biographe du duc.
Le texte a été partiellement édité par Dom Lobineau (Histoire de Bretagne, II, col. 833-891) et par Dom Morice (Mémoires pour servir de preuves..., I, col. 7-102).
Édition
- Gwennaël Le Duc et Claude Stercx (éd.), Chronicon Briocense. Chronique de Saint-Brieuc, fin du XIVe siècle, éditée et traduite d'après les manuscrits BN 6003-BN 8899 (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine 1 F 1003[8]) (ch. I à CIX), préface de Léon Fleuriot, Rennes, Simon, 1972.
Bibliographie
- Paul de Berthou, « Analyse sommaire et critique de la Chronique de Saint-Brieuc », Bulletin archéologique de l'Association bretonne, t. 19, 1900, p. 3-110[9].
- Jean Kerhervé, « Aux origines d'un sentiment national. Les chroniqueurs bretons de la fin du Moyen Âge », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 108, 1980, p. 165-206.
- Michael Jones (éd.), Le premier inventaire du Trésor des chartes des ducs de Bretagne (1395). Hervé Le Grant et les origines du Chronicon Briocense, Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, Rennes, 2007.
Notes et références
- Indication du prologue : « Scribere incepi... anno Domini 1394... domino Clemente papa VII, anno pontificatus sui XVI, indict. 11 ».
- Dit « manuscrit d'Argentré », début du XVe siècle (mais pas l'original). L'autre manuscrit est le BnF Latin 8899, dit « manuscrit de Rosmadec », fin du XVe siècle.
- « Chronicon... vulgo Briocense dictum, quod in archivis monumentorum primarii templi Briocensis urbis repertum sit ». Indication confirmée par Pierre le Baud (Chronique de Vitré), qui reproduit une liste des fiefs de Bretagne à la fin du XIVe siècle, traduite d'« une ancienne chronique latine, manuscrite, finissant en 1415, tirée du chapitre de Saint-Brieuc ».
- « Quod historiographi qui chronicas Gallorum descripserunt... minime mentionem fecerunt de regibus Britonum qui, ante Incarnationem Verbi, Britanniam majorem et etiam minorem inhabitaverant [...] ».
- Poème dédié à l'évêque de Vannes Cadioc (1236-1254) : Neil Wright (éd. et trad.), The Historia Regum Britanniæ of Geoffroy of Monmouth, t. V : Gesta Regum Britanniæ, Brewer, Cambridge, 1992. Ferdinand Lot, « Guillaume de Rennes, auteur des Gesta regum Britanniæ », Romania, vol. 28, 1899, p. 329-333. Selon Gwennaël Le Duc, l'auteur serait l'évêque Cadioc lui-même, Guillaume de Rennes n'étant qu'un copiste.
- Armelle Le Huërou, « La Vita sancti Samsonis (BHL 7486) de Baudri de Bourgueil (XIIe siècle) dans le Chronicon Briocense (XIVe siècle) : quelques réflexions sur l'inscription des sources dans le Chronicon », in Louis Lemoine et Bernard Merdrignac (dir.), Corona monastica. Moines bretons de Landévennec. Mélanges offerts au père Marc Simon, 2004, p. 219-229.
- René Merlet (archiviste d'Eure-et-Loir), La Chronique de Nantes (570 environ-1049), Paris, Alphonse Picard et fils, 1896.
- Il s'agit d'un manuscrit du fonds Arthur de La Borderie des Archives d'Ille-et-Vilaine, que cet historien signala avoir acquis en 1882 et qu'il intitula Vetus collectio manuscriptorum de rebus Britanniæ. Il semble que ce soit le même manuscrit que celui que les mauristes comme Dom Lobineau et Dom Briant citent sous le nom de Vetus collectio Ecclesiæ Namnetensis, parce que consulté par eux dans la bibliothèque du chapitre de la cathédrale de Nantes. C'est un volume in-4 du XVe siècle, que La Borderie, approuvé par Gwennaël Le Duc et Claude Stercx, identifie comme un carnet de notes prises par ou pour Pierre Le Baud en vue de la rédaction de son Histoire de Bretagne. Les extraits qui y sont rassemblés ont servi en effet de sources à cet ouvrage : vies de saints, Chroniques annaulx, Chronicon Briocense, Chronicon Namnetense, Livre des faits du roy Artur... Une liste des évêques de Quimper qui y figure mentionne la mort de Guy du Bouchet en janvier 1483.
- Paul de Berthou, « Analyse sommaire et critique de la Chronique de Saint-Brieuc », Bulletin archéologique de l'Association bretonne, , p. 3-110 (lire en ligne)