Charles Cheynet
Charles Cheynet (Montélimar, – Lyon, ) est un médecin[1], magistrat[2], érudit[3], mathématicien et musicologue[3] français, l'un des fondateurs, en 1700, de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon[4].
Famille
Né à Montélimar le 12 janvier 1668 et baptisé le même jour en la collégiale Sainte-Croix, Charles Cheynet est le fils d'un autre Charles Cheynet (1619-1685), receveur des tailles en l'élection de Montélimar et de Florence Lafoy. Sa famille est établie depuis la première moitié du XVIe siècle dans la région de Montélimar[5].
Carrière civile et littéraire
Charles Cheynet devient médecin et précepteur de M. de Micha de Bursin, futur conseiller au parlement de Grenoble. Installé de bonne heure à Lyon, il y est tout d'abord inspecteur à la Grande Douane[6] puis successivement conseiller (1704) et président en la Cour des Monnaies[7]. Dès 1700[8], il est à l'origine – aux côtés, notamment, de ses amis Camille Falconet et Laurent Dugas, ainsi que de Claude Brossette – de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon[9] - [10], dont il sera doyen en 1757, puis, en 1759, le doyen des académiciens vétérans[11] et à qui il lèguera ses manuscrits. Certains se trouvent encore, de nos jours, dans les archives de l'Académie de Lyon[note 1].
Prises de positions lors de la querelle des Anciens et des Modernes
Il adoptera, durant les controverses issues de la querelle des Anciens et des Modernes – lesquelles agitent encore les milieux académiques au début du XVIIIe siècle –, une position nuancée, soutenant par exemple la supériorité des anciens dans l'art de la sculpture mais la leur déniant en musique. Sur ce dernier objet, membre de l'Académie du Concert de Lyon et correspondant de Jean-Philippe Rameau, il consacre nombre de ses travaux à l'harmonie[13]. Ainsi est-ce lui qui, le premier – lors de son discours du 25 janvier 1752, prononcé devant les académiciens lyonnais –, établit la théorie de l'authentique génération de la tierce mineure, prouvant mathématiquement – contre ce que venait d'avancer Rameau dans sa Démonstration du principe de l'harmonie, publiée en 1750 – « que la tierce mineure naît comme tous les autres accords de la basse fondamentale et qu'elle ne lui est pas étrangère, ni contre l'ordre naturel »[14].
Membre de l'Académie de Villefranche en janvier 1728 – à l'instigation de son ami François Bottu de Saint-Fonds[15] –, membre de la "Société du Concert" et de la "Société Royale" ou "Académie des Beaux-Arts de Lyon" en 1736, académie dont il est, en 1752, déclaré vétéran[16], il voue la totalité de son existence à des travaux scientifiques ou d'érudition.
Décès
Il meurt à Lyon, en la paroisse Saint-Paul, le 15 décembre 1762, âgé de près de quatre-vingt-quinze ans. Il est inhumé le lendemain dans un caveau de l'ancienne église Saint-Laurent[6] – aujourd'hui détruite.
« On a informé l'Académie du décès de Monsieur Cheinet, Doyen des académiciens vétérans, mort dans cette ville le ... décembre dernier, âgé de quatre vingt seize ans et onze mois, étant né à Montélimar le ... janvier 1666. Il avoit été du nombre de ceux qui avoient jetté les premiers fondements de l'Académie de Lyon. Il a fourni en philosophe chrétien la carrière d'une longue vie. Les jours en ont été sereins, et il a joui sans interruption d'une santé vigoureuse et de l'estime d'un grand nombre d'amis que la droiture de son cœur et la solidité de son esprit lui avoient justement acquise » – rapporte le procès-verbal de la séance de l'Académie de Lyon du mardi 11 janvier 1763[17].
Lors de la séance du mardi 19 avril 1763, l'éloge de Charles Cheynet est prononcé par Jacques-Annibal Claret de La Tourrette de Fleurieu (1692-1776) – comme lui président de la Cour des Monnaies de Lyon –, lieutenant criminel, prévôt des marchands et commandant pour le roi en la ville de Lyon de 1740 à 1745, secrétaire perpétuel de l'Académie depuis 1736[18]. Le président de Fleurieu est le père du futur ministre de la Marine de Louis XVI, ainsi, notamment, que de Marc Antoine Louis Claret de La Tourrette de Fleurieu, savant auteur des Démonstrations Élémentaires de Botanique[19].
Ĺ’uvres manuscrites
Au cours des soixante-deux années durant lesquelles il appartient à l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Lyon, il sera l'auteur de nombreux travaux[20]. La liste de ceux encore conservés au XIXe siècle a été dressée par Antoine-François Delandine, bibliothécaire de la ville de Lyon :
- Discours sur la superstition par rapport Ă la magie, 1712 et 1715.
- Sur l'ami des bĂŞtes, 1714.
- Sur les poëtes latins et sur la tragédie latine contre l'avis de Despréaux, 1716.
- Sur la philosophie et la religion, 1718.
- Sur la résurrection des morts, 1719.
- Sur la médiation des saints, 1720.
- Sur l'ancienne discipline de l'Église, 1721.
- Sur Cicéron considéré comme poëte, 1727.
- Sur l'union de l'âme et du corps, 1728.
- Essai philosophique sur la nature de l'homme et sur ses diverses opérations, 1730.
- Dissertation où il est montré qu'il n'y a eu qu'un Horace, contre l'opinion du P. Hardouin, 1731.
- Justification de l'auteur de l'EneĂŻde contre les censeurs, 1731.
- Dissertation sur Abeillart et Héloïse avec une traduction d'une lettre de Pierre le Vénérable, 1733.
- Observations sur les Ă©crits de Sextus Empiricus, 1734.
- Sur l'usage des harangues par les historiens, 1735.
- Histoire de la géométrie de Descartes, 1736.
- Dissertation sur les principes et sur l'utilité de l'algèbre, 1737.
- Traduction en prose d'une épitre en vers latins de la célèbre Hippolyte à son mari le comte de Castiglione, 1738.
- Remarques sur les variations de la langue françoise, 1739.
- Sur la divisibilité de la matière à l'infini, 1740.
- Sur les erreurs de l'esprit humain, 1741.
- Sur le courage de Cicéron, 1742.
- Sur l'harmonie en général, 1743.
- Sur les avantages des traductions, 1744.
- Sur le repos des corps, 1745.
- Sur les trois Marie dont l’Évangile fait mention, 1746.
- Sur l'utilité de la métaphysique, 1747.
- Observations sur Suétone, 1748.
- Sur la préférence de la surdité à l'aveuglement, 1750.
- Sur la vie du marquis de Courbon, 1751.
- Sur la musique considérée comme science, 1752.
- Sur l'empire que la mode exerce dans le monde, 1752.
- Sur le mot goût et sur ses significations métaphysiques, 1756.
Une autre liste, également établie par Delandine, transcrit les titres de ses interventions devant la Société Royale des Beaux-Arts de Lyon, à laquelle Charles Cheynet appartient à compter de 1736 :
- Dissertation sur les Progrès de la géométrie depuis Descartes, 1736.
- Application de l'algèbre aux lignes, 1728, 1730.
- Solution des Problèmes de géométrie sur l'algèbre, 1741.
- Problème singulier de géométrie, 1742.
- Questions diverses sur l'harmonie, 1743.
- Remarques sur les propriétés de l'Arithmétique, 1744.
- Sur la musique ancienne et moderne, 1748.
- Explication de l'helicon de Ptolémée contenant la division des tons et semi-tons de la musique, 1751.
- Mémoire sur le système d'introduire un 3e mode dans la musique, 1754.
Le discours précité, intitulé : Sur Cicéron considéré comme poëte, prononcé en 1727 devant l'Académie des Sciences et Belles-Lettres, se trouve notamment commenté par le président Dugas et M. de Saint-Fonds dans leurs échanges épistolaires[21].
Les œuvres de Charles Cheynet sont aujourd'hui conservées au département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, au sein d'un document du XVIIIe siècle, comportant 484 pp., intitulé : Discours et dissertations académiques lus à l'Académie de Lyon par Charles Cheynet. (Mss. n° 11065). En tête de l'ouvrage figure une notice biographique de Charles Cheynet.
Liens externes
- « Dictionnaire biographique de la Drôme » (consulté le )
- « La France littéraire ou dictionnaire des auteurs français vivans – 1757 » (consulté le )
- « BnF – Archives et manuscrits » (consulté le )
Notes et références
Notes
- Selon un projet de discours du 12 décembre 1742[12], œuvre du président Pierre Dugas de Bois-Saint-Just, fils du président Laurent Dugas « L'Académie doit son établissement à sept ou huit personnes au plus, non moins liées par l'amitié que par leur goût pour les sciences et les belles-lettres : Messieurs Falconet, Villemot, du Puget, Brossette, Cheinet, Dugas, de Saint-Fonds, de Saint-Bonnet et Colonia. Ces premières assemblées, libres et nullement assujetties, n'avaient ni jour, ni lieu certains ; le rendez-vous le plus ordinaire était néanmoins dans le cabinet de M. Falconet. L'assemblée du 30 mars 1700, regardée comme la première, fut employée à discuter avec soin, la fameuse démonstration de Descartes sur l'existence de Dieu. C'est avoir suivi heureusement le précepte : A Jove, principum. Cette académie naissante n'éprouva aucun changement sensible jusqu'en 1705, que M. Trudaine, nommé depuis peu à l'intendance de cette ville, proposa à M. le président Dugas l'établissement d'une académie en réunissant un certain nombre de gens de lettres qui s'assembleraient chaque semaine au jour désigné. On lui répondit que ce qu'il ne faisait que projeter, était déjà exécuté depuis plusieurs années. Il souhaita d'être admis à ces assemblées en témoignant qu'on lui ferait plaisir d'accepter son cabinet où elles se tinrent, en effet, deux ou trois fois. Mais cet asile n'étant pas assez tranquille pour les Muses, on résolut de s'assembler chez M. de La Valette le père, que M. de Trudaine avait engagé, ainsi que quelques autres, à grossir le nombre des académiciens. Ces nouveaux membres étaient : MM. de La Valette père et fils, de Glatigny, de Serre, Tricaud, de Gouvernet, Mahudel, Aubert. Les choses demeurèrent en cet état jusqu'en 1711 que les conférences furent établies dans le cabinet de M. le président Dugas, dans la rue du Bœuf, premièrement jusqu'à la saint Jean 1712 et ensuite à la place Saint-Jean où l'on continua de s'assembler jusqu'au 7 août 1717, que M. de Villeroy, archevêque de Lyon, que l'académie avait déjà choisi depuis près de deux ans pour son protecteur, donna une retraite assurée aux académiciens dans le palais archiépiscopal. Quelques réparations à faire, en ce palais, en 1719 obligèrent l'académie à retourner chez M. le président Dugas et au gouvernement, d'où elle repassa au palais archiépiscopal, le 19 janvier 1722. Ses séances y furent continuées sans interruption jusqu'à l'année 1726 que, par un acte consulaire du 7 mars, MM. le Prévôt des marchands et Échevins arrêtèrent qu'à l'avenir et à perpétuité, les assemblées publiques et particulières de l'académie se tiendraient dans une des salles de l'Hôtel de Ville et que les frais de l'écritoire, du feu et de la lumière seraient faits aux dépens de cette ville ».
Références
- Collectif et Dominique Saint-Pierre (dir.), Dictionnaire historique des Académiciens de Lyon : 1700-2016, Lyon, éd. ASBLA de Lyon, , 1369 p. (ISBN 978-2-9559433-0-4, présentation en ligne), p. 309-311 (chap. Charles Cheynet).
- M. Prévost, Roman d'Amat et H. Thibout de Morembert, Dictionnaire de biographie française, Paris, Letouzey et Ané, tome 8, 1959, Cheynet (Charles).
- J. Brun-Durand, Dictionnaire biographique et biblio-iconographique de la Drôme, Grenoble, Librairie Dauphinoise, 1900, deux volumes in 4°, tome I, p. 185.
- Ibid.
- Archives de l'Académie de Lyon, procès-verbal de la séance du mardi 11 janvier 1763 et notices biographiques de Charles Cheynet in Brun-Durand, op. cit., Dictionnaire de biographie française, op. cit., etc.
- Max et Paulette Boisson, Les Cheynet in Cercle généalogique de la Drôme Provençale, La mémoire d'une ville, Montélimar et le nom de ses rues, tome 2, p. 5 : "Jean-Louis Cheynet fait partie d'une importante famille établie depuis la première moitié du XVIe siècle dans la région de Montélimar...".
- Archives Municipales de Lyon, registres paroissiaux de la collégiale Saint-Paul.
- Jean-Baptiste Dumas, Histoire de l'Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, Lyon, Giberton et Brun, "Libraires de l'Académie de Lyon", 1839, 2 volumes in 8°, tome I, p. 231 ; J. Brun-Durand, Dictionnaire biographique et biblio-iconographique de la Drôme, Grenoble, Librairie Dauphinoise, 1900, deux volumes in 4°, tome I, p. 185, etc.
- Vid. not. Joseph de Laporte, Dictionnaire des auteurs françois vivans ; corrigé et augmenté par M. Formey, "à Berlin, chez Haude et Spener, libraires de la Cour et de l'Académie", 1757, 1 volume in 8°, p. 40.
- Archives Municipales de la ville de Lyon, Almanach astronomique et historique de la ville de Lyon et des provinces de Lyonnois, Forez et Beaujolois, Lyon, Aymé Delaroche, Seul Imprimeur Libraire de Monseigneur le Duc de Villeroy, du Gouvernement et de l'Hôtel de Ville, 1752, p. 132
- [Académie des Sciences & Belle-Lettres : M. Cheinet, rue de la Peirollerie. 1700], 1735, p. 131, 1736, p. 134, etc. Dans l'Almanach de Lyon pour 1753, les pages 133 et suivantes, concernant l'Académie, énumérant les académiciens par ordre de réception et précisant le millésime de leur admission, débutent par ces mots : "Plusieurs personnes Sçavantes ayant commencé en 1700 à s'assembler, pour conférer sur des matières de Littérature, & leurs assemblées ayant fait beaucoup de progrès, feu Monseigneur le Maréchal de Villeroy, Gouverneur de la Ville & de la Province, obtint des Lettres Patentes du Roi, du mois d'août 1724, qui confirmèrent cet établissement sous le nom d'Académie des Sciences & Belles-Lettres, & qui en homologuèrent les Statuts et Réglements, etc.".
- Jean-Baptiste Dumas, Histoire de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, op. cit., tome I, p. 231.
- Bibliothèque de l'Académie de Lyon, manuscrit n° 119, extrait cité dans la notice sur le Président Dugas, in Correspondance littéraire et anecdotique entre Monsieur de Saint-Fonds et le Président Dugas, membres de l’Académie de Lyon – 1711-1739 –, ouvrage publié et annoté par William Poidebard. Lyon, « Chez Mathieu Paquet », 1900, deux volumes in 8°, tome Ier, pp. XLIII-XLIV.
- Sur l'harmonie en général, 5 juin 1743, Mémoire sur le système d'introduire un 3e mode dans la musique, 2 août 1754, etc. (vid. not. Jean-Baptiste Dumas, Histoire de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, op. cit., tome I, p. 231).
- Léon Vallas, Un siècle de musique et de théâtre à Lyon [1688-1789], Lyon, 1932 ; Archives de l'Académie de Lyon, manuscrit n° 965, Sur la musique considérée comme science.
- Correspondance littéraire et anecdotique entre Monsieur de Saint-Fonds et le Président Dugas, membres de l’Académie de Lyon, op. cit., tome I [3 février 1728], p. 284.
- Archives Municipales de la ville de Lyon, Almanach astronomique et historique de la ville de Lyon et des provinces de Lyonnois, Forez et Beaujolois, op. cit. [1753], p. 136.
- Archives de l'Académie de Lyon, procès-verbal de la séance du mardi 11 janvier 1763.
- Archives de l'Académie de Lyon, procès-verbal de la séance du mardi 19 avril 1763 : "...M. de Fleurieu, Secrétaire perpétuel, a ensuite prononcé l'éloge historique de M. Cheynet, Doyen vétéran de l'Académie, membre de celle de Villefranche, mort âgé de quatre-vingt dix-sept ans, etc.".
- Lyon, Chez Jean-Marie Bruyset, 1766, 2 volumes in 8°.
- Dict. Académiciens de Lyon, p. 309-311.
- Correspondance littéraire et anecdotique entre Monsieur de Saint-Fonds et le Président Dugas, membres de l’Académie de Lyon, op. cit., tome I [14 mai 1727 et mai 1727], pp. 282-283.