Avec les pires intentions
Avec les pires intentions (titre original Con le peggiori intenzoni) est un roman italien publié par Alessandro Piperno en 2005. Bien que premier roman de l'auteur, il s'agit de son deuxième livre.
Avec les pires intentions | |
Auteur | Alessandro Piperno |
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Pays | Italie |
Genre | Roman |
Distinctions | Prix Campiello Premier Roman
Prix Viareggio Premier Roman |
Version originale | |
Langue | Italien |
Titre | Con le peggiori intenzioni |
Éditeur | Arnoldo Mondadori Editore SpA |
Date de parution | 2005 |
Version française | |
Traducteur | Franchita Gonzales Battle |
Éditeur | Liana Levi |
Date de parution | 2006 |
ISBN | 2-86746-395-5 |
Le narrateur, Daniel Sonnino, né en 1970, dépeint successivement les membres de sa famille, allant de son grand-père paternel, membre éminent de la bourgeoisie juive romaine de l'après guerre ayant échappé à la déportation, jusqu'à lui-même. Le roman se compose ainsi d'abord comme une chronique familiale, entrecoupé de commentaires et d'anecdotes du narrateur, pour finalement migrer vers un récit autobiographiques dans lequel Daniel revient sur son adolescence, et plus particulièrement sur son amour de jeunesse, Gaïa Cittadini.
Comparé par l'auteur lui-même au roman Portnoy et son complexe de Philip Roth, le livre présente en effet de nombreuses similitudes avec ce dernier, aussi bien entre les narrateurs (âge de trente-trois ans, famille juive, dévalorisation constante, fétichisme des sous-vêtements, etc) qu'entre les thèmes traités (rapport au judaïsme et à l’État d'Israël, adolescence, masturbation et frustrations sexuelles, etc).
Résumé
Daniel Sonnino est un universitaire de trente-trois ans nouvellement connu pour un essai intitulé Tous les juifs antisémites. D'Otto Weininger à Philip Roth. Dans une première partie intitulée "Comment ont vécu les Sonnino", Daniel retrace l'arbre généalogique de sa famille, dans laquelle la figure de son grand-père Bepy - dont le décès et l'enterrement constituent la matière des deux premiers chapitres - semble vivre au travers de chacun des membres la constituant. Le récit est souvent décousu et juxtapose des épisodes tirées d'époques différentes. Relatant par exemple l'enfance de son père Luca et de son oncle Teo, tous deux victimes dans leur développement personnel des névroses histrioniques de leur père, Daniel en profite pour raconter des récits personnels, comme ses souvenirs de vacances à Tel Aviv, chez son oncle, et la découverte de ses pulsions fétichistes devant les pieds de sa tante Micaela (constituants l'intrigue de la sous-partie intitulée "L'héroïque subtilisateur de collants"). La quatrième section de la première partie, "Djihad conjugal", se consacre au mariage de ses parents, union désapprouvée d'un homme juif et d'une femme catholique, et du scandale provoquée par la rencontre de Bepy avec Alfio Bonanno, grand-père maternel du narrateur. Le dernier chapitre alterne entre l'âge d'or - puis la décadence - de la collaboration entre Bepy et son associé d'alors - Nanni Cittadini - et la description du foyer familial dans lequel Daniel a grandi, au milieu d'un père flambeur et vouant une préférence manifeste à son fils aîné, Lorenzo, et d'une mère désabusée par la faillite de sa belle famille.
La deuxième partie du roman, de même longueur que la première, s'intitule "Quand l'envie de classe a dégénéré en amour désespéré".
Alors qu'il effectue un trajet de Pittsburgh à New-York pour retrouver un ancien camarade de lycée - Giorgio Sevi - Daniel reçoit un coup de téléphone de son père lui apprenant la mort de Nanni Cittadini. Après une rencontre catastrophique avec Girgio, Daniel prend l'avion pour traverser l'Atlantique afin d'assister à l'enterrement de Nanni. Ce voyage est l'occasion pour lui de se remémorer ses années d'adolescent malmené par son amour malheureux pour la petite fille de Nanni, Gaïa Cittadini ; seul motif pour lequel Daniel assiste à l'enterrement d'un homme qu'il dit avoir haï depuis l'âge de huit ans. Le lecteur apprend alors que Gaïa a été recueilli par son grand-père après le suicide de son père, Ricardo Cittadini ; suicide que Daniel impute à Nanni pour avoir empêché son fils de vivre une histoire d'amour extra-conjugale. Décrite comme une jeune fille extrêmement séduisante, Gaïa se joue de l'amour maladif que lui voue Daniel, allant jusqu'à entretenir une relation avec un ami de ses amis - David Ruben. Le dernier quart du roman, synthétisé sous le titre "Mondanités avant le désastre", ultime chapitre du livre, se focalise sur l'escalade du mal-être de Daniel, débouchant sur la rédaction d'une lettre d'insultes et de menaces adressée à Gaïa quelques jours avant la cérémonie de ses dix-huit ans, ainsi que l'esclandre provoqué durant cette même cérémonie, alors que Nanni surprend Daniel dans la chambre de sa petite fille, en train de renifler une culotte insouciamment laissée sur le sol de la salle de bain.
Personnages
- Giuseppe Sonnino, dit Bepy : patriarche de la famille Sonnino. Il fait d'abord fortune dans le textile avant de faire faillite au début des années quatre-vingt et de s'exiler un temps aux États-Unis pour échapper à ses créanciers. Présenté par le narrateur comme un "formidable collectionneur de mythes en papier alu et de filouteries platinés", Bepy semble exercer une fascination sans limite sur son entourage et sur sa famille. Histrionique, infidèle, flambeur et machiste, il est avant-tout un personnage profondément égoïste et manipulateur, empruntant à sa propre famille des sommes faramineuses pour subvenir à sa fuite. Le roman s'ouvre sur son diagnostique de tumeur à la vessie et son refus catégorique de subir une opération chirurgicale par crainte d'en ressortir sexuellement impuissant, le confinant ainsi à "s'immoler sur l'autel de son insupportable machisme".
- Ada Sonnino : femme de Bepy et matriarche de la famille Sonnino. Elle est consciente des infidélités de son mari qui la couvre de cadeaux pour acquérir son approbation. À la fin de sa vie, sénile et comme devenue la parodie de la vie consumériste qu'elle menait aux temps précédant la faillite de Bepy, elle confie à Daniel sa souffrance de n'avoir jamais vu Bepy tenter - au moins - de lui mentir pour dissimuler ses nombreuses relations avec ses maîtresses.
- Luca Sonnino : premier fils de Bepy. Né albinos, Luca est élevé par Bepy dans l'idée que sa particularité physique le destine à une immense réussite. Fervent admirateur de son père, même après la fuite durant laquelle Luca se retrouve à devoir gérer les créanciers de Bepy informés de son insolvabilité, on retrouve en lui le même goût pour le luxe et plus généralement tout ce qui touche aux signes ostentatoires de réussite sociale. Après la mort de son père, Luca trouvera dans le personnage de Nanni un père de substitution, le décrivant comme un bienfaiteur ayant soutenu les Sonnino après la faillite ; description démentie par Daniel.
- Lorenzo Sonnino : premier fils de Luca et frère aîné de Daniel. Lorenzo suscite l'admiration de son frère de par son aisance sociale et son succès avec les filles, faisant par ailleurs la fierté de Luca. Le personnage de Lorenzo est peu développé dans la première partie du roman et se trouve absent de la seconde.
- Daniel Sonnino : Narrateur. Fils de Luca et petit fils de Bepy. Né en 1977, Daniel a trente-trois ans au moment où il écrit. Il fait carrière dans l'université, en littérature, et est l'auteur d'un essai médiatisé.
- Teo Sonnino : deuxième fils de Bepy. Contrairement à son frère Luca, Teo ne se reconnait pas dans la passion pour le luxe de son père. Vouant une dévotion secrète à l’État d'Israël depuis son enfance, Teo décide de se faire naturalisé israélien une fois devenu adulte afin de partir vivre à Tel Aviv, où un emploi de journaliste pour un journal identitaire achève de radicaliser son sentiment pro-israélien. Si ce choix de vie semble en rupture avec l'éducation de Bepy, Daniel n'y voit qu'un moyen détourné de faire rejaillir l'histrionisme envahissant dont Teo a été imprégné toute son enfance par son père. Sa propension à la perception d'une vision cyclique et symbolique du monde fait que Teo voit dans l'annonce de l'homosexualité de son fils le retour de bâton de sa révolte contre son propre père, trois décennies plus tôt.
- Micaela Sonnino, né Salzman : épouse de Teo et mère de Gabriele. Fille de Russes émigrés en Israël en 1949. Daniel écrit : "C'est la rencontre fortuite avec les pieds de ma tante Micaela qui m'a précipité dans le gouffre de la dépravation fétichiste."
- Gabriele Sonnino, dit Lele, fils de Teo et de Micaela. Le chapitre 3 de la première partie relate comment Lele révèle son homosexualité à ses parents, "presque quinze ans après qu'il l'eut découverte, et au bout de dix ans de pratique fébrile". C'est dans une tenue féminisée, excentrique et colorée vouée à montrer sa détermination nouvelle que Lele déclare enfin qu'il n'a jamais aimé les femmes. S'opposant fermement à son père, dont le judaïsme fervent suppose une lecture particulière de l'homosexualité, Lele créé alors un parallèle entre le dévouement de Teo à la cause juive et son propre dévouement à la communauté homosexuel. L'homosexualité de Lele implique désormais une opposition radicale à tout ce que représente son père, aussi bien sur le plan politique que culturel. La réplique de Teo, demandant à son fils de "dissimuler sa déviation" clos l'épisode tragique consacré à Lele.
- Giovanni Cittadini, dit Nanni : ami de la famille Sonnino. Il collabore dans sa jeunesse avec Bepy pour l'ouverture du premier magasin de textiles en gros de la capitale - la Solemex - avant de voir sa fortune augmenter considérablement à la suite de l'acquisition par erreur de deux tableaux respectivement daté de 1608 et 1610 et attribués à Michelangelo Merisi. La rupture avec Bepy survient à la fin des années soixante-dix, quelques années avant la ruine de ce dernier. À la suite du suicide de son fils Ricardo, Nanni prend en charge l'éducation de ses petits enfants, Giacomo et Gaïa (qu'il surnomme sa "petite souris"). Répétant malgré lui avec Giacomo les mêmes injonctions au prestige qu'il assénait à son fils Ricardo, Nanni semble fuir toute prise de conscience de sa responsabilité dans le suicide de son fils. Montrant une sympathie indéfectible à l'égard de Luca, Nanni se révèle être, dans la bouche de Giacomo, un hypocrite méprisant ouvertement la famille de son ex-associé. Toute sa vie, Nanni tentera de masquer la consonance populaire de son nom, aussi bien par l'invention saugrenue d'un ancêtre prestigieux, dont il placera la statue dans sa demeure, que par un reniement de son nom au profit de celui de son épouse.
- Sofia Cittadini, né Altavillat : épouse de Nanni. Son nom de jeune fille revêt un tel prestige que Nanni lui-même se prend à se présenter comme "Giovanni Altavillat".
- Ricardo Cittadini, dit Ricky : fils de Nanni. Ricky est le père de Giacomo et Gaïa. Après que son père a grassement payé la maîtresse de Ricky pour que celle-ci se sépare de lui, Ricky met fin à ces jours.
- Giacomo Cittadini : fils de Ricky et petit-fils de Nanni. Giacomo est un adolescent profondément mal dans sa peau, buvant et fumant à l'excès, incapable de maintenir la moindre relation sociale. C'est à la suite d'une longue tirade de Giacomo à Daniel, décrivant le mépris de Nanni pour les Sonnino, ainsi que la sexualité scabreuse à laquelle se livre sa sœur Gaïa, que Daniel prendra la décision d'écrire une lettre chargée d'insultes et de menaces à cette dernière.
- Gaïa Cittadini : fille de Ricky et petite-fille de Nanni. À l'inverse de son frère Giacomo, Gaïa est adulée par son grand-père. Lascive, belle, manipulant l'amour maladif que lui voue Daniel, Gaïa parait finalement névrosée par la satisfaction systématique de ses désirs depuis son plus jeune âge. La chambre de Gaïa constitue pour l'adolescent Daniel un temple chargé de mythes et de secrets, qu'il ne pénétrera que dans les dernières pages du livre, pour n'y découvrir qu'une chambre banale greffée à une salle de bain attenante, où Daniel trouvera la culotte - "voilée à point par une ombre d'une couleur ineffable" - que Nanni l'empêchera de dérober.
- Giorgio : camarade de lycée de Daniel. Tout comme ce-dernier, Giorgio vit dans l'ombre de David, seul membre populaire de leur trio bancale. Daniel et Giorgio se retrouvent à l'âge de trente-trois ans aux États-Unis, où Giorgio présentent tous les signes d'une réussite sociale fulgurante, comme une revanche sur son adolescence imperturbablement banale.
- David Ruben : camarade de lycée de Daniel. Sportif et très beau, David représente pour Daniel - à la manière de Lorenzo - un mélange d'admiration et de répulsion, auquel Daniel envie sa réussite, et plus particulièrement le fait que David soit parvenu à posséder Gaïa. Mettant lui-même fin à cette relation, sous le regard éberlué de Daniel, David ouvre par là une période durant laquelle Gaïa découvre qu'elle n'est pas la jeune femme infaillible qu'elle se pensait être, cette dernière le suppliant de revenir, en vain.