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Autodafés au Chili

Les autodafés au Chili ont été perpétrés par la junte militaire dirigée par le général Augusto Pinochet à la suite du Coup d'État du 11 septembre 1973 au Chili. Les militaires ont brûlé les livres considérés comme subversifs[1], et en particulier la littérature socialiste et celle qui allait à l'encontre de l'idéologie de la junte. Ceci faisait partie d'une campagne d'« extirpation du cancer Marxiste »[2].

Soldats chiliens procédant à des autodafés en 1973.

Contexte et faits

Au Chili, la littérature a une place importante et privilégiée dans la vie politique et sociale du Chili. En effet, le Chili compte deux prix Nobel de littérature, les poètes Gabriela Mistral et Pablo Neruda, ainsi que de nombreux écrivains talentueux dont certains ont bénéficié d'une reconnaissance internationale : Vicente Huidobro, Francisco Coloane, José Donoso, Luis Sepúlveda, Antonio Skarmeta, Isabel Allende, etc. C'est donc une réalité qui pouvait menacer un régime autoritaire comme celui de Pinochet[3].

Dès le jour du coup d'État, le , la junte militaire annonce à la radio les nouvelles mesures culturelles, sous forme de 41 ordonnance. La no 26 déclare l'« occupation et la destruction » des éditions d'État Quimantu, alors « symbole de la démocratisation à travers la culture » ; Camilo Marks, auteur de La dictadura del proletariado[4] explique également que « sa fermeture a marqué le début de la disparition de nombreux éditeurs, librairies, et du démantèlement du système éducatif au Chili, remplacé par un système pervers et excluant où toute expression littéraire et artistique était considérée comme subversive[3]. »

À la suite du coup, les militaires entreprennent des raids pour débusquer de potentiels opposants au régime : tandis que certains sont emprisonnés, d'autres sont exécutés à l'Estadio Nacional de Chile, notamment. Par ailleurs, lors de ces raids, les militaires récupèrent et brûlent de nombreux livres : pas seulement concernant de la littérature marxiste, mais également de la littérature sociologique générale, des journaux et des magazines[5]. Ils étaient en plus retirés des librairies et des bibliothèques[2].

Plusieurs autodafĂ©s ont Ă©tĂ© perpĂ©trĂ©es par la junte du rĂ©gime de Pinochet, et la circulation des livres a Ă©tĂ© très compromise jusqu'en , laissant ainsi une dĂ©cennie de vide culturel dans tout le pays[3]. Le , les douanes chiliennes saisissent 14 846[6] copies de la première Ă©dition de L'Aventure de Miguel LittĂ­n, clandestin au Chili[7] de Gabriel GarcĂ­a Márquez Ă  ValparaĂ­so, sous les ordres de Augusto Pinochet[8] - [10]. D'autres livres ont Ă©galement fait les frais de cette censure, dont le livre d'essais du candidat Ă  la prĂ©sidence vĂ©nĂ©zuĂ©lienne Teodoro Petkoff[6].

Les autodafés fomentent des protestes internationales : l' American Library Association les condamne en disant que c'est « une forme méprisable de suppression [qui] viole les droits fondamentaux du peuple Chilien[5]. »

Pinochet et la culture

En 2004, le journaliste chilien Juan Cristobal Peña dĂ©couvre qu'Augusto Pinochet a montĂ© secrètement une impressionnante bibliothèque personnelle d'environ 50 000 livres d'une valeur estimĂ©e Ă  plus de 3 millions de dollars. Cette collection ne contient pas ou très peu de fiction ou de poĂ©sie : il s'agit essentiellement d'ouvrages d'histoire, de gĂ©ographie, de marxisme et de socialisme, ainsi qu'un nombre important de dictionnaires et d'encyclopĂ©dies, et de livres sur NapolĂ©on, son idole. Ils auraient Ă©tĂ© acquis dans les bibliothèques et librairies du centre de Santiago, soit en les achetant Ă  des libraires après que ceux-ci les ont confisquĂ©s, soit via des saisies, soit avec les fonds de l'État. Par ailleurs, cette bibliothèque secrète comprenait de nombreuses caisses pleines de livres non ouvertes, et le journaliste estime qu'il est de toute façon quasiment impossible que Pinochet ait tout lu[11].

Selon l'analyse du journaliste dans son livre La vie littéraire secrète d’Augusto Pinochet, Pinochet manquait terriblement de culture générale, contrairement à ses opposants, et avait conscience de ce complexe d'infériorité[11].

Notes et références

  1. (en) Daniel Schwartz, « The books have been burning », sur cbc.ca, (consulté le )
  2. Bosmajian 2006, p. 141
  3. Nira Reyes Morales, « Le baril de poudre de l’imagination », sur monde-diplomatique.fr, (consulté le )
  4. (es) Camilo Marks, La dictadura del proletariado, Chili, Alfaguara, , 371 p. (ISBN 978-956-23-9159-7, lire en ligne)
  5. Bosmajian 2006, p. 174
  6. (en) Associated Press, « 14,846 Books by Nobel Prize Winner Burned in Chile », sur latimes.com, (consulté le )
  7. L'Aventure de Miguel Littín, clandestin au Chili est un récit sous forme de chronique journalistique dans lequel Gabriel García Márquez relate comment Miguel Littín, un cinéaste chilien, tente de filmer la réalité du peuple chilien sous la dictature de Pinochet, alors qu'il est banni de son pays. Il y fait état des injustices, mais aussi des mouvements de résistance.
  8. (en) Inter-American Commission on Human Rights ; Inter-American Court of Human Rights, Inter-American yearbook on human rights = Anuario interamericano de derechos humanos 1987, Boston, Martinus Nijhoff, , 915 p. (ISBN 978-0-7923-0265-0, présentation en ligne)
  9. (es) « Quinze mille volumes qui allaient ĂŞtre distribuĂ©s dans le pays seront bientĂ´t incinĂ©rĂ©s. Â», sur hemeroteca.abc.es, (consultĂ© le )
  10. Un dĂ©tail surprenant : le rĂ©gime de Pinochet n'a pas reconnu de suite avoir brĂ»lĂ© les presque 15 000 exemplaires de L'Aventure de Miguel LittĂ­n, clandestin au Chili (il ne le fera qu'en fĂ©vrier 1987) ; pourtant, le quotidien espagnol ABC l'annonçait dĂ©jĂ  fin novembre 1986[9].
  11. OLJ/AFP, « La bibliothèque secrète de Pinochet », sur lorientlejour.com (consulté le )

Annexes

Bibliographie

Liens externes

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