Arnaque Maria Duval
L'arnaque Maria Duval est l'une des opĂ©rations de fraude par courrier ayant connu le plus de succĂšs, ayant fait perdre plus de 200 millions de dollars Ă ses victimes, sur une pĂ©riode de trois dĂ©cennies. Utilisant des lettres personnalisĂ©es et des banques d'informations personnelles, les fraudeurs promettent Ă des personnes malades ou ĂągĂ©es l'aide d'une supposĂ©e voyante. Ses opĂ©rations aux Ătats-Unis ont cessĂ© en 2016, mais se poursuivent dans de nombreux pays.
Histoire, ampleur et méthode
L'arnaque a d'abord Ă©tĂ© le fait d'une supposĂ©e voyante d'origine italienne nommĂ©e Maria Carolina Gamba, utilisant "Maria Duval" comme nom d'artiste. Gamba offrait des consultations dans le sud de la France et a atteint une certaine notoriĂ©tĂ©. Probablement au dĂ©but des annĂ©es 1990, Gamba a vendu les droits des services de voyance de Maria Duval, signant un contrat avec un groupe de personnes qui s'en sont d'abord servi pour vendre des cartes du ciel astrologiques. Les nouveaux dĂ©tenteurs des droits commerciaux (ou mĂȘme d'autres personnes les ayant acquis par la suite) ont dĂ©veloppĂ© l'arnaque qui s'est rĂ©pandue Ă travers le monde : ils ont d'abord utilisĂ© de l'information disponible dans le domaine public et les rĂ©ponses provoquĂ©es par des annonces dans les journaux, puis achetĂ© des banques d'informations personnelles conçues pour le tĂ©lĂ©marketing, pour offrir Ă un grand nombre de victimes potentielles des consultations psychiques de Maria Duval par la poste[1] - [2].
Une enquĂȘte menĂ©e par les journalistes de CNN Melanie Hicken et Ellis Blake indique que pendant quelques annĂ©es, l'arnaque est restĂ©e entre les mains de deux compagnies europĂ©ennes, Infogest et Astroforce, les deux Ă©tant Ă un certain point la propriĂ©tĂ© du RaĂ«lien Jean-Claude Reuille, qui a Ă©ventuellement vendu sa participation Ă d'autres parties. Le groupe qui se cache derriĂšre l'arnaque Maria Duval pourrait ĂȘtre en train d'utiliser le mĂȘme modĂšle avec d'autres voyants[3] - [4] - [5].
Les arnaqueurs ciblent des gens ùgés ou malades, leur offrant généralement de l'aide surnaturelle concernant leur santé ou leur situation financiÚre. Un paiement accompagne chaque lettre à Maria Duval, pour une correspondance qui peut durer des années. Des formes d'aides plus dispendieuses sont également offertes : des talismans de plastique et des cristaux aux propriétés prétendument magiques, par exemple. Certaines victimes payent en fin de compte des milliers de dollars par année[1].
Les lettres donnent l'impression d'avoir Ă©tĂ© Ă©crites Ă la main et signĂ©es par Duval. Elles contiennent suffisamment de dĂ©tails personnels pour amener les victimes Ă croire qu'elles proviennent d'une personne possĂ©dant des dons de voyance. MĂȘme lorsqu'ils envoyaient des milliers de lettres par semaine, les arnaqueurs prenaient grand soin de les rendre les plus vĂ©ridiques possibles, incluant des pages de texte donnant l'impression d'une vĂ©ritable lettre personnelle et mĂȘme des taches de cafĂ©. Certaines victimes ont dĂ©veloppĂ© des sentiments d'amitiĂ© pour le personnage de Duval, ce qui ne faisait qu'augmenter le volume (et le coĂ»t) de la correspondance. Le nom "Patrick GuĂ©rin" Ă©tait parfois utilisĂ© comme l'assistant personnel de Duval, celui-ci offrant Ă©galement des services de voyance, ajoutant une autre source de revenus Ă l'arnaque[2] - [6] - [7] - [8].
Des lettres ont Ă©tĂ© trouvĂ©es dans une douzaine de pays et ont rĂ©coltĂ© des revenus de plus de 200 millions de dollars aux Ătats-Unis et au Canada seulement. L'arnaque se poursuit, Ă©tant administrĂ©e par une sĂ©rie de sociĂ©tĂ©s fictives pour camoufler les vĂ©ritables propriĂ©taires. Gamba a cependant continuĂ© Ă y ĂȘtre associĂ©e, recevant des paiements relativement modestes et faisant occasionnellement des apparitions publiques sous le nom de Maria Duval. Son fils croit que sa mĂšre a acceptĂ© d'ĂȘtre le visage public de l'opĂ©ration pour devenir riche et cĂ©lĂšbre, puis qu'elle s'est sentie incapable de rompre cette relation[1].
Les premiĂšres enquĂȘtes policiĂšres sur l'arnaque Ă©taient arrivĂ©es Ă la conclusion que Maria Duval pourrait n'ĂȘtre rien d'autre qu'un personnage inventĂ© par les arnaqueurs. Cela s'avĂ©ra incorrect, lorsque Ellis et Hicken, assistĂ©es par des collĂšgues français, ont dĂ©couvert en 2016 la rĂ©sidence oĂč elle habitait, dans le sud de la France. Une entrevue avec Duval elle-mĂȘme a suivi deux ans plus tard[9] - [1]. Au mois d'aoĂ»t 2018, elles ont publiĂ© le livre A Deal with the Devil: The Dark & Twisted True Story Of One Of The Biggest Cons In History, qui raconte l'histoire de leur enquĂȘte visant Ă percer le mystĂšre de Maria Duval/Carolina Gamba[10].
EnquĂȘtes policiĂšres
Une enquĂȘte du DĂ©partement de la justice amĂ©ricain, s'est soldĂ©e en 2014 par une entente hors cours par laquelle certaines compagnies associĂ©es Ă l'arnaque ont payĂ© des amendes, dont le montant n'a pas Ă©tĂ© dĂ©voilĂ©. Les autoritĂ©s amĂ©ricaines ont Ă©galement interdit Ă Destiny Research Center (Hong Kong) et Ă Infogest Direct Marketing (MontrĂ©al) d'envoyer des lettres aux Ătats-Unis. Une enquĂȘte criminelle visant ces deux firmes se poursuivait toujours en 2018. Infogest a envoyĂ© quelque 56 millions de lettres Maria Duval Ă partir du Canada, de 2006 Ă 2014[11] et a Ă©tĂ© la cible d'enquĂȘtes concernant d'autres fraudes, dont l'une concerne des produits visant Ă aider les gens Ă perdre du poids[3] - [6] - [7] - [8]. L'entreprise de services financiers PacNet a subsĂ©quemment Ă©tĂ© accusĂ©e de blanchir l'argent des opĂ©rations amĂ©ricaines de l'arnaque, en plus d'avoir d'autres clients aux agissements suspects[12] - [13].
Les enquĂȘteurs estiment que le nombre de victimes de l'arnaque est considĂ©rable, dont 1,4 million juste aux Ătats-Unis[1].
La rĂ©sidence de Gamba Ă Callas a Ă©tĂ© fouillĂ©e par la police au mois de mars 2018[1]. Au mois de juillet 2018, le U.S. Postal Inspection Service a confirmĂ© Ă CNN qu'une enquĂȘte criminelle est en cours[1].
Références
- (en) Blake Ellis et Melanie Hicken, « After two years investigating one of the longest-running frauds in history, we finally met its central figure: Maria Duval. What would she have to say? » [« AprĂšs avoir passĂ© deux ans Ă enquĂȘter sur l'une des arnaques les plus longues de l'histoire, nous rencontrons l'un de ses acteurs principaux: Maria Duval. Qu'aurait-elle Ă nous dire? »], CNN,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Blake Ellis et Melanie Hicken, « Chapter One: Who is behind one of the biggest scams in history? » [« Chapitre un: Qui se cache derriĂšre l'une des plus grandes arnaques de l'histoire? »], CNN,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Blake Ellis et Melanie Hicken, « Chapter Three: The global network keeping a 20-year scam alive » [« Chapitre trois: le rĂ©seau mondial qui perpĂ©tue une arnaque vieille de 20 ans »], CNN,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Blake Ellis et Melanie Hicken, « Chapter Four: The businessmen behind a global psychic empire » [« Chapitre quatre:Les hommes d'affaires derriĂšre un empire psychique mondial »], CNN,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Blake Ellis et Melanie Hicken, « These psychics want your money » [« Ces voyants veulent votre argent »], CNN,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) « Justice Department Permanently Shuts Down International âPsychicâ Mail Fraud Scheme », sur Department of Justice, (consultĂ© le )
- (en) Jim Rankin, « U.S. prosecutors say theyâve shut down a âpsychicâ mail fraud scheme tied to Canada » [« Les procureurs amĂ©ricains disent qu'ils ont dĂ©mantelĂ© un rĂ©seau de fraude psychique par la poste liĂ© au Canada »], Toronto Star,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Gabrielle Duchaine, « Trois QuĂ©bĂ©cois au cĆur d'une arnaque colossale », La Presse,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Blake Ellis et Melanie Hicken, « Chapter Five: Knocking on the psychic's door » [« Chapitre cinq: Frapper Ă la porte de la voyante »], CNN,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) « 3 Nonfiction Books About Scams, Schemes, And Heists That Prove "Truth Is Stranger Than Fiction" », sur Bustle, (consulté le )
- (en) Susannah Cahalan, « How a psychic bilked $250M with a simple mail scam », The New York Post,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Jason Proctor, « U.S. designates Vancouver company PacNet a 'significant transnational criminal organization' » [« Les Ă-U dĂ©signent la compagnie PacNet de Vancouver comme Ă©tant une 'organisation criminelle transnationale significative' »], CBC,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Bob Mackin, « NDP government cracks down on company that scored BC Liberal tax breaks » [« Le gouvernement nĂ©o-dĂ©mocrate s'en prend Ă une compagnie qui a réçu des rĂ©ductions d'impĂŽt des libĂ©raux de C.-B. »], The Breaker,â (lire en ligne, consultĂ© le )