Ălectrochimiluminescence
L'électrochimiluminescence (abréviation ECL) ou encore chimiluminescence électrogénérée est un phénomÚne de luminescence qui est initié par une étape de transfert d'électron à la surface d'une électrode.
Historique
Le phĂ©nomĂšne dâECL a Ă©tĂ© observĂ© pour la premiĂšre fois au milieu des annĂ©es soixante par Hercules[1] et Chandross[2] Ă partir de solutions dâhydrocarbures aromatiques tels que le 9,10-diphĂ©nylanthracĂšne prĂ©parĂ©es dans des solvants non-aqueux. Le mĂ©canisme impliquait la formation par une Ă©tape initiale de rĂ©duction et dâoxydation Ă©lectrochimique de radicaux anions et cations, respectivement. Leur recombinaison ou annihilation chimique rĂ©gĂ©nĂšre la molĂ©cule neutre dont une fraction se trouve dans un Ă©tat excitĂ©, lequel peut ensuite relaxer Ă lâĂ©tat fondamental en Ă©mettant un photon. Depuis ses premiers travaux, lâECL a connu un dĂ©veloppement remarquable, notamment sous lâimpulsion du groupe de Bard[3] - [4] - [5] - [6]. La recherche dans le domaine de lâECL a permis de dĂ©couvrir et mettre au point un grand nombre de systĂšmes molĂ©culaires efficaces basĂ©s sur un luminophore organique ou inorganique utilisĂ© seul ou bien en combinaison avec un co-rĂ©actif sacrificiel. Le systĂšme modĂšle le plus Ă©tudiĂ© jusquâĂ aujourdâhui est le luminophore [Ru(bpy)]32+ utilisĂ© avec la tripropylamine comme co-rĂ©actif[7].
MĂ©canisme
DiffĂ©rents chemins mĂ©canistiques permettent lâĂ©mission dâECL. MĂȘme si le mĂ©canisme dâannihilation est le premier qui a Ă©tĂ© dĂ©crit, lâutilisation dâun co-rĂ©actif est bien plus utilisĂ©e dans la littĂ©rature. LâidĂ©e centrale est dâoxyder simultanĂ©ment le luminophore et le co-rĂ©actif Ă la surface de lâĂ©lectrode. AprĂšs une Ă©tape de dissociation chimique, le produit dâoxydation du co-rĂ©actif est transformĂ© en radical trĂšs rĂ©ducteur qui rĂ©agit avec le produit dâoxydation du luminophore pour gĂ©nĂ©rer lâĂ©tat excitĂ©. De façon analogue, un mĂ©canisme comparable peut ĂȘtre mis en Ćuvre par rĂ©duction plutĂŽt quâoxydation. NĂ©anmoins, des Ă©tudes rĂ©centes ont montrĂ© quâil existe en rĂ©alitĂ© de nombreux chemins mĂ©canistiques qui sont en compĂ©tition et permettent dâexpliquer les rĂ©sultats expĂ©rimentaux, notamment lâextrĂȘme sensibilitĂ© de cette mĂ©thode de mesure[8] - [9] - [10].
Applications
Depuis ces premiers travaux acadĂ©miques, lâECL est devenue aujourdâhui une technique analytique trĂšs performante pour la dĂ©tection de biomolĂ©cules. En effet, lâECL prĂ©sente un certain nombre dâavantages sur dâautres techniques analytiques telles que la photoluminescence, en particulier parce quâaucune source lumineuse nâest nĂ©cessaire pour exciter les sondes, ce qui permet dâobtenir un excellent rapport signal sur bruit. De plus, lâintensitĂ© ECL est proportionnelle Ă la quantitĂ© de luminophore et de co-rĂ©actif engagĂ©e, ce qui permet dâacquĂ©rir un signal dĂ©pendant de la concentration sur plusieurs ordres de grandeur. Ainsi, lâECL est trĂšs utilisĂ©e dans le diagnostic mĂ©dical, notamment pour dĂ©tecter la prĂ©sence dâanticorps spĂ©cifiques mĂȘme sous forme de traces dans des Ă©chantillons de sang ou dâurine. Dans ce contexte, plus de 150 immunotests ECL sont actuellement commercialisĂ©s pour des pathologies variĂ©es allant des maladies cardiaques Ă la dĂ©tection de marqueurs tumoraux. Cela reprĂ©sente en tout plus de 1 milliard dâanalyses immunologiques rĂ©alisĂ©es par an grĂące Ă la technologie ECL. Les deux leaders du marchĂ© sont Roche Diagnostics Inc. et Meso Scale Discovery Inc.
Notes et références
- Hercules, D. M., Chemiluminescence Resulting from Electrochemically Generated Species, Science 1964, 145, 808.
- Visco, R. E., Chandross, E. A., Electroluminescence in Solutions of Aromatic Hydrocarbons, J. Am. Chem. Soc. 1964, 86, 5350..
- Bard, A. J. Electrogenerated Chemiluminescence; M. Dekker: New-York, 2004.
- Richter, M. M., Electrochemiluminescence (ECL), Chem. Rev. 2004, 104, 3003.
- Miao, W., Electrogenerated Chemiluminescence and Its Biorelated Applications, Chem. Rev. 2008, 108, 2506.
- Liu, Z., Qi, W., Xu, G., Recent advances in electrochemiluminescence, Chem. Soc. Rev. 2015, 44, 3117.
- Leland, J. K., Powell, M. J., Electrogenerated Chemiluminescence: An OxidativeâReduction Type ECL Reaction Sequence Using Tripropyl Amine, J. Electrochem. Soc. 1990, 137, 3127.
- Miao, W., Choi, J.-P., Bard, A. J., Electrogenerated Chemiluminescence 69:â The Tris(2,2â-bipyridine)ruthenium(II), [Ru(bpy)32+)/Tri-n-propylamine (TPrA) System Revisited A New Route Involving TPrAâą+ Cation Radicals, J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 14478.
- Klymenko, O. V., Svir, I., Amatore, C., A New Approach for the Simulation of Electrochemiluminescence (ECL), ChemPhysChem 2013, 14, 2237.
- Sentic, M., Milutinovic, M., Kanoufi, F., Manojlovic, D., Arbault, S., Sojic, N., Mapping electrogenerated chemiluminescence reactivity in space: mechanistic insight into model systems used in immunoassays, Chem. Sci. 2014, 5, 2568.